Safia Nolin : Dans mon igloo
Rentrée culturelle automne 2015

Safia Nolin : Dans mon igloo

La jeune chanteuse Safia Nolin lance un premier album tout délicat, empreint de solitude: Limoilou.

«Limoilou, c’est la place où ç’a été le plus rough pis le plus nice en même temps», lance Safia Nolin en entrevue, bien installée au soleil sur le toit de son appartement montréalais. Elle a vécu dans une dizaine de quartiers à Québec, mais Limoilou évoque un chapitre si important dans la vie de la chanteuse à la voix à fleur de peau qu’elle l’a emprunté pour le titre de son premier album.

La partie rough, c’est la pauvreté et la solitude, et la partie nice, c’est la musique. Dans sa poésie, on retient un profond mal d’être où la nécessité de quitter la maison est flagrante. Sur La laideur, Safia chante: «Ça se peut pas être pire qu’ici / Ici je meurs à petits cris». Sur sa pièce Igloo (prix SOCAN de la meilleure chanson au Festival international de chanson de Granby en 2012): «J’erre comme un fantôme amnésique / Dans les maudites rues de Limoilou / Sous le regard du hibou de plastique / En Basse-Ville y’a mon igloo».

«C’est vraiment à Limoilou que j’ai commencé à écrire des tounes parce que j’allais juste pas bien, avoue la chanteuse folk de 23 ans. On était tellement pauvres et l’appartement était shitty! Je recommençais à peine à jouer de la guitare après un genre de dépression où j’avais arrêté de jouer pendant deux, trois ans. Là, c’est nice parce que c’est ça qui me fait sentir bien. Sérieusement, avec la musique, ma vie a fait un 180 degrés. Ça m’a tellement enlignée! C’est comme si toute ma vie avait été vraiment floue et tout d’un coup c’était «drette» et j’avais juste pas le choix de prendre cette voie-là. Et c’était la bonne.»

Les amis

Les chansons de ce premier effort parlent surtout d’amitié et Safia confirme que c’est parce que cela a longtemps été une grosse carence dans sa vie. «C’était vraiment déprimant, mais quand j’ai lâché l’école jusqu’à ce que je fasse Granby, donc entre 15 et 20 ans, j’avais aucun ami. Je voyais ma mère et ma sœur, that’s it. Mon frère de temps en temps.»

À Granby, les choses ont cliqué avec son futur réalisateur Philippe Brault, le house band et les autres participants. Ce sont devenus ses amis et cela lui a permis ensuite de faire ses premiers pas en studio. Mais le retour près de Québec, en campagne, à Saint-Ferréol, l’a replongée dans la solitude. «Là, ça fait trois ans que j’ai des amis et je comprends un peu comment ça marche. Au début, c’était bizarre. Je me souviens d’être revenue de Granby et d’avoir trouvé ça rough de retourner à Sainte-Anne, à travailler dans un dep, de ne pas savoir si j’allais continuer à faire de la musique et surtout d’avoir eu 37 amis pendant 3 semaines et de ne plus en avoir pantoute. C’est pour ça que j’ai écrit plein de tounes fucked up après.»

Construire son igloo

C’est un peu un mélange entre une visite dans le cocon (ou l’igloo) d’une jeune femme solitaire et une visite chez le psy qu’elle nous offre avec son album. Les chansons sont pour la plupart assez minimalistes et laissent place à l’expérimentation, au brouillon, même.

«J’ai dit à Philippe: « Je veux que ce soit comme le premier album de Bon Iver, vraiment boboche, et qu’on bricole ». C’est ce qu’on a fait, on a tweaké des affaires avec des pédales. Bon Iver avait des trucs fuckés et a passé des mois dans un chalet tout seul, mais nous, en cinq jours, on a quand même gossé Limoilou…»

«J’ai fait pour mon réalisateur un genre de diagramme par intensité avec le rouge, le jaune et le vert pour identifier l’instrumentation que je voulais. Même pour les chansons plus touffues, je voulais qu’il n’y ait pas trop de shit, poursuit-elle. Mais je suis même pas certaine qu’on a respecté ça! Au début, je voulais faire un album guitare-voix.»

Maintenant que Safia a plein d’amis, le prochain album devrait être complètement différent de Limoilou, non? Non. «J’suis tellement contente d’avoir des amis!, lance-t-elle en chantant et en pouffant de rire. J’espère que non. Ça me ferait chier!» Sa voix, sa plume, ses racines et ses goûts sont ancrés dans le folk et ça ne changera pas de sitôt. «Avant de découvrir Karkwa y’a quelques années, j’écoutais juste de la musique en anglais: Bon Iver, Fleet Foxes… Je savais que je voulais faire du folk, je savais ce qui me touchait. Je savais pas que mes goûts musicaux se retrouvaient aussi en français, et c’est vraiment Karkwa qui m’a ouvert toutes les portes de la musique francophone.»

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Limoilou (Bonsound) / Sortie le 11 septembre

Rouyn-Noranda: Spectacle le 6 septembre à l’Agora des arts dans le cadre du FME

Montréal: Lancement le 9 septembre à 19h au sous-sol de l’église Saint-Enfant-Jésus du Mile-End

Québec: En spectacle le 16 septembre au Cercle

safianolin.com