L’ouvrage de Jean-François Lisée, que je n’ai pas encore lu, relancera peut-être un débat qui est dans l’air depuis assez longtemps, mais qui me semble devoir prendre de plus en plus de place et d’importance dans la conversation collective.
Il s’agit de cette question de la reconfiguration alléguée de l’espace politique, qui prend typiquement la forme de l’affirmation que les habituelles distinctions entre gauche et droite sont désormais dépassées, ou du moins peu propices à caractériser les positions qui sont aujourd’hui effectivement défendues par la plupart des acteurs ou des partis.
Typiquement, c’est de «droite» que provient ce type d’analyse et, typiquement encore, il me semble qu’elles ont pour but de gommer des différences dont on faisait hier grand cas à travers la distinction entre gauche et droite et ceci de manière à positionner favorablement, au nom d’un certain pragmatisme qui serait désormais une incontournable vertu politique, une personne ou un parti. Si tout ceci vous semble avoir des allures de politique à l’heure de la fin alléguée de l’Histoire, c’est que c’est le cas.
On peut certes convenir que les notions de droite et de gauche, couramment employées pour désigner des familles d’opinions politiques, sont souvent utilisées de manière caricaturale et ont des contours imprécis.
L’origine de ces vocables, qui proviennent de la Révolution française, est intéressante à connaître.
Sous la monarchie, quand se tenaient des États généraux, la tradition a voulu que les nobles et les ordres privilégiés se placent à la droite du Roi et le tiers état à sa gauche. Quand l’Assemblée nationale se réunit, on poursuivit cette tradition, cette fois avec des députés conservateurs issus de la noblesse se plaçant à droite de la salle et les députés partisans du changement à gauche. C’est à la Restauration, et donc après 1814, que ces termes de gauche et de droite ainsi entendus deviendront d’usage courant.
Il me semble qu’un grand ménage s’impose là-dedans, notamment parce que la gauche, ou ce qu’il en reste, est trop timide dans l’affirmation de ses valeurs, principes et idées. Le débat — médiatique d’abord, social ensuite — est dès lors largement maintenu dans les cadres de ceux qui l’initient et le monopolisent et il ne reste plus guère de place que pour une gauche positionnée par rapport à elle, une gauche raisonnable et bien modeste.
En bout de piste, c’est tristement vrai, tout le monde politique ou presque est ou à droite (les Républicains, la CAQ, les libéraux ) ou un (tout petit) peu à la gauche de la droite (les Démocrates), unis dans une même unanimité à servir sans les contester les institutions dominantes de l’époque. Ralph Nader avait un mot superbe à ce sujet, en disant à peu près: «La seule différence entre les deux [Démocrates et Républicains] est la vitesse avec laquelle ils s’agenouillent quand les corporations frappent à la porte pour présenter une demande». Remplacer «Démocrates et Républicains» par les partis de votre choix…
Pour le moment, en tout cas, force est de reconnaître que faire le tri, dans les arguments avancés pour fonder l’idée que la distinction gauche/droite ne tient plus, est une lourde tâche. On trouve là-dedans des arguments non fondés, des arguments intéressés et idéologiques, des arguments confus … et aussi quelques éléments au moins partiellement vrais et même quelques-uns qui méritent réflexion.
Voici trois exemples de tout cela proposés à votre réflexion — en vrac.
- L’opposition à la mondialisation de l’économie est une position de gauche, sans doute; pourtant, le mot d’ordre de la gauche a été et reste largement l’internationalisation des luttes: c’est l’Internationale, rappelez-vous, qui sera demain le genre humain. (Le fait que les corporations soient des personnes morales y est sans doute pour quelque chose…)
- L’intervention de l’État en économie est décriée par la (une certaine?) droite: mais quand cette intervention est massivement au profit des corporations, elle est rarement critiquée par cette même droite (sauf les libertariens, honnêtes à ce sujet…)
- L’idée que le bon peuple devrait être réduit au statut de spectateur passif de décisions prises par la «minorité intelligente», comme l’appelait E. L. Bernays, le créateur de cette industrie des Relations publiques à laquelle il assignait précisément cette tâche, semble bien éloignée des idéaux d’égalité et de démocratie participative que prône la gauche; mais elle est aussi bien proche de la conception léniniste du politique, avec ce parti d’avant-garde qui sait ce qui est bon pour le peuple et dont la nomenklatura ressemble d’ailleurs à s’y méprendre à l’élite politique bureau-technocratique des démocraties libérales.
Récemment, un philosophe américain (John Perry) s’est avancé sur ce terrain et a proposé, très modestement et pour lancer la discussion, de penser selon trois dimensions la distinction entre gauche et droite. (Il propose même un petit schéma fait main!).
Ces trois dimensions sont en gros les suivantes.
Pour commencer, ce que j’appellerais l’axe des X (de gauche à droite, justement), serait celui de l’implication gouvernementale en matière de propriété et de régulation de l’économie; celui des Y (de haut en bas) qualifierait du plus au moins respectivement, l’adhésion à la Charte des droits; celui des Z (la profondeur, de devant à derrière, si je puis dire) se rapporterait à la position (plus ou moins isolationniste ou interventionniste) en matière de politique étrangère. L’auteur classe ensuite les figures politiques américaines selon ce modèle.
Quoiqu’on puisse en penser, cela a au moins le mérite d’être un (trop rare) effort de conceptualisation et de repérage sur un terrain de plus en plus miné.
Vous me direz ce que vous en pensez, bien entendu. Mais il me semble qu’il revient à la gauche de réaffirmer, avec force, ses valeurs propres et ce qu’elles impliquent. Cela est crucial si on veut enrichir la conversation démocratique et ne pas laisser enfermer le débat dans des termes qui excluent que certaines idées soient audibles, prises en compte et débattues.
Pour m’en tenir à un exemple, considérez le cas de l’éducation et de la culture, qui me sont très chers.
Dans une vision de gauche ils ont valeur intrinsèque. Certes, cela ne signifie pas qu’on pense qu’ils sont gratuits ou qu’on méconnaisse les contraintes économiques qui pèsent sur leur dispensation: mais cela colore fortement le rapport qu’ils entretiennent avec l’économie, qui est instrumentale pour eux. On pense ainsi éducation et culture dans une logique de proposition d’une offre et non de réponse à une demande (souvent donné comme incontournable parce qu’émanant de l’économie). Tout cela interdit de soucrire à l’idée que l’on nous sert parfois et voulant que, disons, puisque la CAQ se péoccupe d’éducation, il est sur ce plan de gauche: c’est que justement l’éducation qu’il a en tête est, dans une importante mesure, une éducation instrumentale pour l’économie.
Mais c’est là un vaste dossier sur lequel je reviendrai.
En attendant, je serai curieux de vous entendre à ce sujet.
Merci pour le rappel historique des notions de « droite » et de « gauche ». J’ajouterai que mettre le tiers-état « à gauche » était une manière de l’humilier, le côté gauche étant considéré comme maléfique… En France jusque dans les années 1960, on « contrariait » les gauchers à l’école en les forçant à apprendre à écrire avec leur main droite…
Il me semble (humblement !) que tant qu’on n’a pas n’a pas parlé de l’illégitimité de la propriété privée des moyens de production, on n’a rien dit.
Si l’on regarde les partis politiques gouvernementaux d’à peu près toutes les démocraties occidentales, la légitimité de la propriété privée des moyens de production fait l’unanimité chez eux, même chez ceux qui se disent « de gauche ». Il suffit de ce seul critère pour mesurer l’étendue de l’ère de réaction dans laquelle nous vivons, et aussi pour mesurer l’insupportable hypocrisie de la « gauche de gouvernement » qui s’est ralliée corps et âme à l’ultra-capitalisme dominant tout en prétendant le contraire.
Mais les droits « sociétaux », me direz-vous ? (Droits des femmes, des homosexuels, des minorités, etc.) Il faut les laisser de côté pour l’instant, pour pouvoir se recentrer sur l’essentiel : la contestation radicale de la légitimité de la propriété privée des moyens de production. Si vous trouvez cela un crève-coeur, moi aussi ; mais sur un plan purement tactique, je ne vois pas tellement comment faire autrement (pour l’instant !). Invoquer ces droits de manière incantatoire sans faire de proposition économique égalitariste, c’est courir à la catastrophe en rendant les classes populaires enragées ; c’est cela qui est une des principales raisons du succès de gens comme les Tea Party aux Etats-Unis, ou Marine Le Pen en France.
C’est plaisant de vous lire ICI, monsieur Bergeron car cela fait des années que je vous lis.
Bien entendu, c’est au Couac que j’ai lu avec beaucoup d’attention vos premières chroniques. Par la suite, je vous ai suivi dans votre ouvrage sur l’histoire de l’anarchisme ou dans votre essai de vulgarisation sur le sujet.
Dernièrement, j’ai mis la main sur votre essai faisant référence a un poète assez connu chez les Grecs (version antique) concernant la culture.
Cela dit, j’avais déjâ fait mes propres études du côté de Proudhon, Kropotkine et Bakounine grâce a une vieille chronique de Foglia qui parlait, en gros, de l’inconséquence des jeunes ou de leur inculture politique. Ce qui justifiait, selon ce que j’ai compris, qu’on ne pouvait pas trop accorder de crédit a leur révolte légitime.
D’ailleurs, est-ce que ce n’est pas la tâche des jeunes et moins jeunes de dire aux plus vieux qu’ils se trompent sur tel ou tel aspec de la réalité?
Bref, je ne suis pas ICI pour vous parler d’anarchisme, seulement ICI pour vous dire merci d’avoir remis au goût du jour ces gens étranges qui, comme Noam Chomsky, remettent en question toute forme d’autorité ILLÉGITIME.
Des gens qui, bien qu’on ne les prennent pas trop au sérieux, n’ont pas du tout une vision romantique de la vie et qui, contrairement aux gauchistes habituels (trotzkystes, maoistes et autres dénomination du communisme issue du marxisme-léninisme) ne font pas dans la dentelle quand il s’agit d’opposer un discours radicalement contraire aux idées ambiantes.
Cela dit, ce que j’apprécie dans votre discours, étant non-officiellement de l’école de Palo Alto, celle de Watzlawick, particulièrement, c’est cette approche tridimensionnelle de la science ou de l’étude de la situation socio-politico-économique dans laquelle nous sommes tous plongés, plus ou moins inconsciemment jusqu’au cou.
J’aime cette approche parce qu’elle me rapproche ce que j’ai appris auprès Edwin Abbott Abbott, Flatland, texte du XIXe siècle repris avec fort a propos par Paul Watzlawick dans son essai très intéressant et très décoiffant intitulé La Réalité de la Réalité.
Enfin, tout ça pour dire que de mon côté, plus expérimental et plus empirique du savoir, le savoir-faire, je suis une ligne de conduite qui s’inspire en grande partie de l’anarchie au sens (non pas idéologique) mais plutôt naturel du terme.
De plus, malgré une tonne de propos contradictoires ICI et ailleurs, surtout sur Twitter, j’essaie de VOIR si ce que j’ai appris avec Jean-Noel Koepferer, sociologue belge, auteur d’un ouvrage sur le « plus vieux média du monde, la RUMEUR » (très connu) mais aussi sur un autre ouvrage (moins populaire) intitulé Les Chemins de la Persuasion.
Et cet ouvrage m’amène a vous confier mon véritable feed-back suite a votre billet: dans ce dernier ouvrage JNK affirme que l’être humain, cet animal social, comme le disait si bien Aristote et Marx, a le réflexe de s’exposer a des informations médiatiques, des médias d’information qui confortent son opinion ou ses préjugés de base, et que c’est de ce fait que provient le prinicipal frein au développement ou au réformisme dans une société de consommation comme la nôtre.
Ma question, qui reprend la question cruciale de l’instrumentalisation de l’éducation (et de l’immigration, ne l’oublions pas non plus) telle que programmée par la CAQ, n’est-elle pas tributaire d’un institution (le MÉQ) qui s’acharne a fabriquer des machines a consommer (des idées et) des produits et services, au lieu de former des individus capables d’exercer leur libre arbitre et capables de penser par eux-mêmes au lieu de dé-penser pour les autres?
Autrement dit, ne sommes-nous pas rendu, dans une société qui martelle les messages publicitaires de la même manière que les mauvaises nouvelles politique et économiques, dans une espèce de système dictatorial qui s’ignore, une certaine forme inconsciente de cyberesclavage dans lequel le cervotariat est aussi prisionner que l’était (et même peut-être plus) le prolétariat lors de la révolution industrielle?
Si vous croyez ma prose trop confuse ou niaiseuse, ne tenez pas compte de mon message. Sinon, au plaisir de lire votre réponse. 🙂
Gros débat en perspective qui touche la question de l’identité individuelle et collective. Ce que j’en sais, grosso modo, c’est qu’à gauche on revendique que le gouvernement répartisse les richesses. Au Québec le vieux fond catholique avec ses valeurs communautaires nous amenait facilement vers la gauche.
La droite qui prend la forme des libertariens mise surtout sur les libertés individuelles et le fait de récolter le fruit de son travail. Chacun devrait « récolter ce qu’il a semé ». Oups, encore le vieux fond catho. qui refait surface.
Si on délaisse le vieux fond catho. pour tenter d’y voir plus clair, (sans faire le tour de toutes les théories) je pense qu’il faut considérer les périodes historiques, l’évolution des idéologies, des connaissances et des technologies. Dans les années 70-80 il allait de soit qu’on était de gauche quand on faisait des études à l’UQAM. Cette idéologie reliée au lieu d’étude universitaire est en bonne partie disparue.
Il était facile pendant la Révolution Tranquille et naturel pour les jeunes universitaires d’être de gauche parce que l’État attendait à bras ouverts ces jeunes experts qui rêvaient de créer ce Québec du futur. Dans ce contexte les religieux et religieuses furent entraînés dans le mouvement. Ainsi ils et elles voyaient d’un bon oeil de continuer leur carrière (avec une pensée de gauche) dans l’enseignement, le service social et les multiples postes dans les différents ministères, etc. Bref c’était payant et intéressant d’être de gauche. L’avenir appartenait à la gauche.
Petit à petit, l’idéologie des libertés individuelles a fait son chemin : » Interdit d’interdire » plaisait beaucoup à la gauche. Cette idée de liberté glissa naturellement vers l’individualisme et plus tard, devenu vieux, les révolutionnaires des années 60-70-80 sont fatigués, sinon morts et enterrés. Ils se disent qu’ils méritent leur pension de l’État. Cela peut se comprendre.
Aujourd’hui, les jeunes sont branchés sur la planète, les métiers sont délocalisés dans tous les pays, le star système et l’industrie du divertissement s’imposent. Tous les individus sont en compétition pour les emplois les plus payants, le système capitaliste n’en fini plus de faire miroiter le bonheur sous différentes formes qui exigent beaucoup d’argent. Ne serais-ce que pour être branché sur l’essentiel des technologies. Et les États n’ont qu’un mot à la bouche. Couper, couper dans ses dépenses. Dans ce contexte on peut comprendre que les jeunes ont des tendance libertariennes qu’ils ne peuvent distinguer conceptuellement de libertaires. Ils n’ont aucune confiance dans l’État pour leur préparer un avenir convenable. Le sauve qui peut leur apparaît plus rassurant.
Bref, on est pas sortis du bois. Ni à gauche, ni à droite. Nous prenons conscience de la complexité du monde dans lequel nous vivons. Je pense qu’il n’y a plus personne qui a le goût de jouer au martyr (sauf quelques illuminés) pour sauver l’humanité. Pourtant…
Irène Durand, votre texte m’a forcé à remuer mes vieux méninges, ce qui fait toujours du bien.
J’ai retenu certains paragraphes. Je vais, très courtoisement, en commenter un en particulier. Celui-ci:
***«Petit à petit, l’idéologie des libertés individuelles a fait son chemin : « Interdit d’interdire » plaisait beaucoup à la gauche. Cette idée de liberté glissa naturellement vers l’individualisme et plus tard, devenu vieux, les révolutionnaires des années 60-70-80 sont fatigués, sinon morts et enterrés. Ils se disent qu’ils méritent leur pension de l’État. Cela peut se comprendre.»***
Il est certain que le slogan IL EST INTERDIT D’INTERDIRE est d’une stupidité abyssale. Aucune société (les sociétés existent malgré les prétentions de Margaret Thatcher) ne peut fonctionner sans un minimum d’interdictions. Sinon c’est la porte ouverte à toutes les formes les plus horribles de criminalité comme, par exemple, le viol et les représailles et attaques physiques.
Mais je constate, avec une certaine colère, accompagnée d’une grande tristesse, que les gouvernements n’osent pas prendre les mesures nécessaires pour interdire les processus et mécanismes qui font en sorte qu’il y a d’assez nombreux milliardaires dans un monde dans lequel de nombreuses personnes crèvent de faim ou vivent avec une maigre rémunération.
Je pense que la gauche des années 60 (j’en étais partie prenante, avec une nécessaire circonspection) n’a pas globalement sombré dans un «individualisme» minable, le mot «individualisme» étant pris ici dans un sens péjoratif.
Moi je pense que l’on confond souvent l’individualisme avec le narcissisme, le nombrilisme et l’égocentrisme.
À mon modeste avis L’INDIVIDUALISME, pris dans un sens positif, c’est une vision du monde qui favorise et défend le respect des individus humains, des personnes humaines.
Je n’en dis pas plus pour le moment. Mais votre texte m’a stimulé.
JSB
J’enseigne dans mon cours d’Intro à la politique, en plus de l’axe gauche-droite en matière idéologique, un axe vertical que j’appelle «rigidité-souplesse». Le continuum complet de l’axe rigidité-souplesse correspondrait :
– Aux moyens mis en oeuvre par la formation politique pour réaliser ses objectifs;
– Aux façons d’exercer le pouvoir;
– Aux rapports que la formation partisane favorisera entre l’État et la société civile.
La position de la Rigidité sur cet axe se détermine ainsi :
Le parti sera prêt à utiliser la violence, à réprimer la dissidence, à chercher à discréditer ses adversaires plutôt que (dans la souplesse) débattre sereinement d’enjeux où de visions opposées qui s’affrontent…
Le pouvoir y sera concentré au sein d’un groupe restreint et il sera centralisé, sans contrepoids indépendants.
La société civile sera de plus en plus dépendante de l’État, ou pire encore, dans l’extrême-rigidité, elle n’existera plus. Seul l’État occupera toute la scène, les individus agiront seuls face à l’État, sans associations libres pouvant les défendre et les informer pour qu’ils puissent exercer leurs libertés.
Il me semble qu’en relisant les caractéristiques de cet axe, les Conservateurs de Stephen Harper font glisser le Canada vers la pente inquiétante de la rigidité sur le plan politique… J’y reviendrai dans mon blogue… À plus!
Très intéressante et probablement très féconde est cette conception de l’axe vertical RIGIDITÉ—-SOUPLESSE.
Cela correspond à de nombreuses constations que j’ai faites au cours de ma vie.
Merci, Jean-Félix Chénier!
JSB
Les gens « de gauche », « de droite » sont comme les fondamentalistes de toute religion. Ma parole, il faut savoir s’adapter aux réalités actuelles. Ils sont comme ce troupeau de moutons qui se jette dans le précipice parce qu’il faut suivre le troupeau; tout en bas du précipice, il y a la mort assurée (ou le mur); heureusement, il existe des « moutons ordinaires » qui se mutent en « moutons noirs » et qui savent rebrousser chemin après avoir su apprécier la mort au-delà du précipice.
Voici une proposition d’annexe au texte de Jean-François Lisée « quand la droite se prend une droite » à lire ici:
http://www.marcopoloimaginaire.com/come-a34.htm
Belzébuth me fait rire à gorge déployée. Il est de ce moment où des propositions sont hilarantes et rien d’autre.
JSB
Mille excuses à la langue française. Je voulais écrire: IL EST DE CES MOMENTS et non pas «il est de ce moment»!
JSB
Intéressant votre diagramme en trois dimension. Ma collègue chez Jeanne Émard a déjà présenté quelque chose dans ce sens, mais avec des axes différents, plus adaptés au Québec :
http://jeanneemard.wordpress.com/2011/02/12/l%E2%80%99echiquier-de-la-politique-quebecoise/
«On peut certes convenir que les notions de droite et de gauche, couramment employées pour désigner des familles d’opinions politiques, sont souvent utilisées de manière caricaturale et ont des contours imprécis. »
Imprécis peut-être, mais quand même typés. À ce sulet, je conseille vivement ce livre :
La gauche et la droite.
Un débat sans frontières
Alain NOËL, Jean-Philippe THÉRIEN
Ils montrent clairement que, malgré le caractère réducteur de ces termes, la plupart des alignements politiques qu’on peut avoir se traduisent tout de même bien par le concept de la droite et de la gauche.
«La seule différence entre les deux [Démocrates et Républicains] est la vitesse avec laquelle ils s’agenouillent quand les corporations frappent à la porte pour présenter une demande». Remplacer «Démocrates et Républicains» par les partis de votre choix… »
Il en est de même pour le PQ au Québec, les travaillistes au Royaume-Uni et les «socialistes» en France. Heureusement, on a QS et les Français le Front de gauche!
J’ai bien aimé voir soulignées dans ce texte les contradictions de la gauche et de la droite. Il y a bien des préjugés à dissiper. J’aimerais suggérer un livre, qui bien qu’il tende un peu trop à droite à mon goût, a le grand mérite de démonter les préjugés de la droite et de la gauche : Joseph HEATH, L’économie sans tabous, Paris, naïve, 2010.
Lorsque je veux déterminer sommairement à quoi riment les vieux concepts de droite et de gauche, je commence toujours par parler de la droite et des droites. Pourquoi donc? Parce que, grosso modo, c’est cette engeance qui a le pouvoir et qui dirige et gouverne, même si les ténors de cette coterie chafouine ne cessent de râler et de se plaindre en prétendant que la maudite gauche est toujours au pouvoir, qu’elle a mis en place l’État dit providentiel et qu’elle a imposé une société «socialiste», mot sale, répugnant et sordide.
J’ai aussi une vieille manie de radoteur un tantinet sénile. Chaque fois que je m’intéresse à la droite et que je veux en parler et en discuter, je parle de «la mirobolante et magistrale» Margaret Thatcher qui a été «premier ministre» du Royaume-Uni de 1979 à 1990. Et je ne cesse alors de penser à ses brillants propos lorsqu’elle a affirmé que la société n’existe pas. Alors, allons-y avec la mère Thatcher. À TOUT SEIGNEUR TOUT HONNEUR!
Je me permets donc de citer une fois de plus les propos de la mère Thatcher sur l’inexistence des sociétés :
*****Epitaph for the eighties? « there is no such thing as society »
Prime minister Margaret Thatcher, talking to Women’s Own magazine, October 31 1987
« I think we’ve been through a period where too many people have been given to understand that if they have a problem, it’s the government’s job to cope with it. ‘I have a problem, I’ll get a grant.’ ‘I’m homeless, the government must house me.’ They’re casting their problem on society. And, you know, there is no such thing as society. There are individual men and women, and there are families. And no government can do anything except through people, and people must look to themselves first. It’s our duty to look after ourselves and then, also to look after our neighbour. People have got the entitlements too much in mind, without the obligations. There’s no such thing as entitlement, unless someone has first met an obligation. »*****
Madame Thatcher m’a appris au moins quatre choses.
Premièrement, étant sociologue depuis plus de 40 ans, j’ai appris, grâce à une intellectuelle de calibre supérieur, que, toute ma vie durant, j’ai tenté d’étudier le néant, l’inexistant et le vide. Alors, je vais devoir demander aux universités de mettre en place une faculté de «néantologie» ou, pourquoi pas, une faculté de «sociophobie».
Deuxièmement, j’ai appris que les êtres humains appartiennent à un agrégat social plutôt qu’à des groupes ou à une société. Alors, pourquoi pas une faculté d’«agrégat-logie»?
Troisièmement, j’ai appris que la droite (ou les droites?) a toujours raison contre les rêveurs et les «moumounes» du socialisme, soient-il gentiment «étatisants», «autoritaires» (cela existe et a souvent existé) ou plutôt libertaires. Imitant sans grand talent le grand Yvon Deschamps ou Elvis Gratton, je pourrais crier : «eux-autres (la droite), ils l’ont l’affaire».
Quatrièmement, la Thatcher m’a appris que la guerre, c’est une bonne chose (je pense ici à la guerre des Malouines) et que le brave général Pinochet qui a gouverné le Chili en appliquant «une démocratie musclée» avait éminemment raison.
Quoi qu’il en soit, si je me permets d’être sérieux, je dirai à ceux et celles qui, éventuellement me liront, que s’ils veulent comprendre un peu mieux le «harperisme», ils devraient lire et relire ce fameux et historique discours de la Thatcher. Ce qui existe, c’est d’abord et avant tout l’économie. Je ne dis pas que Thatcher et Harper, c’est totalement la même chose. Mais il y a de nombreuses ressemblances et passerelles entre la pensée de Thatcher, de Harper, de Bush Fils et de nombreux politiciens européens.
Étant un tantinet fainéant, je vais proposer une définition de la droite en m’inspirant de Vincent Cespedes qui a écrit :
*****«DROITE : Ensemble des mouvements politiques ayant des positions conservatrices et révolutionnaires. Privilégiant les classes privilégiées, la droite prône l’ordre et l’autorité, le capitalisme et les privatisations, la réduction de l’impôt sur le revenu et l’abolition de l’impôt sur la fortune, le culte de l’uniforme, de la nation, du terroir (…)»*****
Le même Vincent Cespedes définit ainsi la gauche :
*****«GAUCHE : Parti ou pensée politique soutenant des opinions progressistes –ou révolutionnaires pour l’extrême gauche—qui privélégient l’intérêt des plus faibles et la réduction des inégalités sociales. »*****
Pour ceux et celles qui pensent, en toute sincérité, que la distinction «droite-gauche» est surannée et dépassée, je souligne que Cespedes propose une citation dÉmile Cioran :
*****« DROITE et GAUCHE, simples approximations dont malheureusement on ne peut se dispenser. Ne pas y recourir, ce serait renoncer à prendre parti, suspendre son jugement en matière politique»*****
Je termine en me demandant, en vous demandant si Albert Brie a raison lorsqu’il écrit :
*****«On naît à gauche, on meurt à droite»****
Je remercie Normand Baillargeon d’avoir proposé un thème aussi essentiel.
JSB, sociologue des médias
UN OUBLI DE MA PART:
Lorsque je cite Vincent Cespedes, j’utilise son livre intitulé CONTRE DICO PHILOSOPHIQUE. Éditions Milan, 2006.
JSB
UNE IMPORTANTE ERREUR DE MA PART:
Lorsque je présente la définition de la droite, présentée par Vincent Cespedes, j’écris ceci: «DROITE : Ensemble des mouvements politiques ayant des positions conservatrices et révolutionnaires.» Au lieu de «RÉACTIONNAIRE», j’écris «révolutionnaire», ce qui est une erreur très sérieuse. Mille excuses!
JSB
Je me permets une ultime citation concernant les «classes sociales» et, par ricochet, la gauche et la droite. C’est Albert Brie qui, il y a plusieurs lunes, a affirmé:
*****«MILLIARDAIRE. Millionnaire qui échappe à la misère.»*****
Pauvre Obama qui ne «vaut» que quelques millions!
JSB
@Jean-Félix: j’apprécie l’ajout de la dimension + ou – autoritaire: l’axe rigidité-souplesse.
Ce qui est paradoxal chez les tenants de la droite: ils désirent la liberté et les subventions de l’État avant tout pour eux-mêmes.
Un libertarien dit: MA liberté, RIEN pour les autres…