Vous le savez peut-être: je suis professeur à l’UQAM.
Les étudiantes et étudiants de ma faculté ont, comme bien d’autres dans divers cégeps et universités, mené une très longue grève: et ils sont à présent sous le coup d’une loi qui leur impose de retourner en classe — et qui m’impose, à moi, de leur enseigner. La loi en question prévoit de très dures sanctions si on ne lui obéit pas.
C’est une situation inédite, je pense, et à bien des égards redoutable et inquiétante. Voici, sans beaucoup d’ordre, quelques pensées et sentiments qui me viennent à l’esprit à ce propos.
Pour commencer, je suis outré qu’on puisse ainsi ordonner d’enseigner ou d’apprendre. En sus de toutes les bonnes raisons que d’autres professeures et professeurs ont invoquées, je veux ajouter ceci que l’éducation est une activité qui présuppose une certain degré de consentement de la part des personnes qui apprennent et de celles qui enseignent et que je crains qu’on aille vers une situation où ce degré n’est pas atteint. Il est difficile d’imaginer enseigner dans ces circonstances et je comprends tout à fait l’initiative de collègues qui concluent à l’Impossibilité d’enseigner sous la loi 78 (aussi, ici.) et qui invitent donc à protester auprès de la ministre de l’éducation (des loisirs et du sport: l’appellation me fait toujours tiquer: mais elle renvoie peut-être au fait qu’enseigner laisse peu de loisir et que c’est du sport!).
Dans le même temps, mes pensées vont aux étudiantes et aux étudiants. Ils et elles me manquent, je tiens à le dire. Enseigner aura été une composante essentielle, non de ma carrière, mais bien de ma vie. J’ignore bien entendu ce que les étudiants de l’UQAM décideront, mais je vais respecter leur choix. S’ils poursuivent la grève, il est hors de question que je franchisse leurs piquets de grève. Et s’ils mettent fin à leur grève et entrent en classe, j’ai déjà avisé mon département que je ferai, même bénévolement, absolument tout ce que je peux pour les aider.
C’est que, si rentrée il y a, elle promet d’être houleuse et pédagogiquement très difficile.
On n’ a d’abord pas fini, je le crains, de voir de ces situations pénibles voire aberrantes que le casse-tête logistique que le gouvernement a imposé de résoudre aux directions d’établissement va engendrer. Des exemples? Tel professeur qui donnait des cours est à présent à la retraite; une autre en congé de maternité ; ou de maladie; ou en sabbatique; tel étudiant doit finir son cégep à Sorel et commencer son bacc à Rimouski; tel autre a des cours à prendre qui ne se donnent pas pour une raison ou une autre; un labo de science ne peut tout simplement pas, faute de places, accueillir tous les étudiants qui, avec ces cours express, devraient le fréquenter; et ainsi de suite et je n’ai (par définition) rien dit de ces situations aberrantes mais qu’on ne peut prévoir et qui vont certainement survenir.
De plus, sur le strict plan de l’enseignement, ce sera fort pénible à vivre. Quiconque a étudié peut l’imaginer sans mal. Voici un cas type, que vivront bien des gens.
Vous retournez en classe après six mois d’interruption. Vous aviez eu juste le temps (quatre semaines) de commencer à entrer dans la matière au programme. Vous n’avez à peu près pas retouché à tout cela depuis. Vous revenez en classe et on vous demande, en cinq semaines (ou six) de vous remettre dans le bain (comme c’est loin, la définition de limite! ou Platon! ou les Lois de Newton!), de compléter le programme et, pour la personne qui enseigne, d’évaluer les apprentissages. L’enfer. Tiens, je le redis: l’enfer. Et je ne dois pas être le seul prof à me creuser les méninges pour trouver la manière, non la meilleure, mais la moins pire de relever ce défi.
Il reste en gros deux semaines avant le retour en classe, si retour il y a…
À l’impossible, nul n’est tenu. 😀
Très bonne réflexion! On voit où mène l’Ordre + le pouvoir. John James Charest, premier ministre du chaos total.
Je m’en veux de ne pas y avoir pensé moi-même à celle-là: l’ordre plus le pouvoir 🙂
Ce matin la Presse nous apprend que 33 étudiants ont voté pour la grève et 26 contre, soit 10% des étudiants inscrits en Travail Social. C’est bien beau la démocratie mais une telle situation n’est elle pas un peu bizarre ? Si les autres 400 étudiants se présentent en classe que se passera-t-il ? Les prof respecteront les décisions démocratique de cette assemblée mais pas celle de l’Assemblée Nationale ou nos députés votent. Étrange.
Les étudiants n’ont qu’à aller voter.
C’est que les étudiants sont soit en vacances ailleurs que dans leur ville ou au travail à plein temps. C’est justement ce que Charest visait en déclanchant des élections en été. Si les élections avaient été en novembre les étudiants auraient été présent pour voter.
Une chose à dire l,assemblée nationale est composée de 125 députés certes élus mais non-démocratiquement parlant pour un total de 5,6 millions d’électeurs ce qui équivaut à 0,0022% de la pop. De plus ils ont des pouvoirs décisionnels eux et avec un gouvernement majoritaire seulement 63 députés peuvent décider pour tous et se foutre des autres. En général le quorum minimal exigé est de 1% ou 2% ce qui est tout de même plus représentatif et les exécutants n’ont aucun pouvoir ce sont les membres qui en ont.
Je parle de voter aux assemblées étudiantes.
oups désolé erreur de frappe je voulais dire non-proportionnellement
Je connais des professeurs de CÉGEP qui partagent les mêmes préoccupations que vous NB. Les étudiants qui ont été hors de leur cours durant une si longue période d’arrêt devront se replonger dans le sujet, de sorte que les onze semaines prévues dès août devront couvrir en réalité les quinze semaines du programme.
Est-ce que cela aura un impact ? Une réduction inévitable du contenu de l’enseignement et/ou des départs en congé de maladie des professeurs et/ou des abandons de cours de la part des étudiants ou carrément décrochage et/ou une augmentation d’inscription dans les institutions privées.
Nul n’est tenu à l’impossible en effet. On va s’en sortir !-)
@Loyola
La Presse a fait preuve d’une mauvaise foi exemplaire dans la couverture de la grève étudiante*. Les éditoriaux restaient ce qu’ils ont toujours été: l’argumentaire de l’IEDM, mais le biais dans les nouvelles et les blogues se montrait le bout du nez du cul pour la première fois. Alors, de grâce, ayez au moins un peu de retenu quand vous induisez votre position à partir d’un exemple douteux d’un journal dans la perfidie n’est plus à montrer. Est-ce que les chiffres que vous rapportez sont justes? Sans doute. À quoi nous permettent-ils de conclure? À absolument rien.
Si, comme je le doute fortement, l’ensemble des étudiants en grève s’y retrouve à cause de la moitié +1 de 10% qui votent, je me poserai aussi des questions sur la légitimité de la grève. D’ici là, Loyola, je me la ferme et je crois en cela ma posture plus réfléchie que la vôtre.
* Un exemple parmi mille: elle parlait de boycott pour reprendre les mots du gouvernement. Il est par ailleurs étrange à quel point les spins de la propagande disparaissent vite, sauf dans la tête de ceux qui les critiquaient. Un autre, elle présentait les manifestations comme une défilé carnavalesque où le corps policier déterrait celui de Debord à grands coups de matraque.
M. Normand Baillargeon,
Vous persistez et vous signez, en vous reconnaissant ce droit vous nous en reconnaîtrez sans doute le même droit.
Vous savez très bien que votre manifeste et vos appréhensions à cette rentrée scolaire, ne fera pleurer personne dans la population québécoise.
Vous avez des obligations contractuels à respecter alors respectez les, point à la ligne.
Personne oblige un étudiant à reprendre ses cours par contre il y a obligation à dispenser les cours, sans entrave et intimidation, à un étudiant qui veut recevoir légitimement ses cours, point à la ligne.
Vous auriez plutôt intérêt à vous dissocier de la citation qui incite à la désobéissance civile : ««Nous allons agir en conformité avec nos principes et nos valeurs, car mieux vaut désobéir à une loi injuste», ajoute son collègue du cégep Saint-Laurent, Mathieu Teasdale.
Arrêtez la cassette de « l’opprimé » nous les connaissons, vos principes et vos valeurs dans ce conflit étudiant, c’est un retour d’ascenseur de la part des étudiants à votre prochaine négociation de convention collective.
En vous enlisant volontairement dans ce conflit étudiant, d’un boycottage de cours, vous faites un grand tort à votre profession.
«Vous avez des obligations contractuels à respecter alors respectez les, point à la ligne.»
Qu’est-ce qui est plus important dans une société. L’accord contractuel entre étudiant/université ou le droit d’association, le droit de grève, de manifestation? En passant, «point à la ligne» n’est pas un argument… je pourrais dire : le père noel existe, point à ligne, ça ne rendrait pas mon propos plus convaincant.
«Arrêtez la cassette de « l’opprimé » nous les connaissons, vos principes et vos valeurs dans ce conflit étudiant»
Vous ne démontrez pas ce qui vous amène à être en désaccord avec les dites valeurs.
D’où vient la légitimité des différents pouvoirs dans notre société? En quoi la classe politique est-elle légitime? En quoi la volonté d’une communauté autrement organisée est elle légitime? Légitime selon quels critères, etc., etc.
Et vous, cessez de donner des leçons. Point à la ligne !
La situation est complètement absurde. Je donne le cours « Éthique et politique » au cégep. Une loi anti-démocratique me force à enseigner les fondement de la démocratie et la théorie du consentement.
M. Doyon,
Effectivement : Rien ne dit « anti-démocratique » autant qu’une loi responsabilisant les assemblées étudiantes, loi votée par une assemblée parlementaire qui eux-même siègent grâce à un vote général populaire cyclique qui revient à tous les 3-5 ans (selon le climat populaire), et dont cette loi est sujet à une vérification judiciaire dans un système légal encadré et défini par des parlement successifs votés de façon populaire (et donc la loi peut potentiellement être invalidée si elle n’est pas conforme à des normes légales pré-déterminés bien avant la mise en place de cette assemblée parlementaire).
Une vraie dictature digne du moyen-âge. (Sarcastique).
(PS: je suis à peu près certain que dans cette loi il n’y a aucun élément qui vous « oblige » à enseigner quoi que ce soit, mais je mets cette carte là dans ma manche).
@jonathan
salut!
et cette belle loi démocratique que tu aimes tant, jonathan, tu sais celle qui brime ta liberté, là, pourquoi a-t-elle un date d’expiration, selon toi?
J’aime.
MM. Doyon et Baillargeon,
Moi, mes libertés, ne sont nullement brimés. Je m’exprime, librement, calmement, comme bon me semble, en temps et lieu. Comme vous, par exemple, sur ce blogue.
Passez une journée agréable, vivante et enrichissante!
@jonathan
et le jour ou le gouvernement voudra interdire ton motocross parce qu’un sauté de premier ministre aura imaginé sa ré-élection en attisant la colère des écolos envers les jambons en motocross, et bien en vertu d’une belle loi ad hoc telle que la loi 78, le président de ton club de motocross ne pourra pas appeler ses membres à défiler tranquillement en motocross devant l’assemblée nationale sans risquer de faire faillite.
serait-ce juste?
y avais-tu pensé, jonathan?
nota bene tu écris trop souvent moi et mon dans tes commentaires jonathan.
Mr. Jonathan,
Avez vous lu la loi 78? Au complet?
Elle prévoit notamment l’obligation pour les professeurs d’enseigner en mentionnant qui quiconque par un acte ou une OMISSION ayant pour effet de ralentir, perturber ou empêcher la matière d’être donnée, que ce soit de manière directe ou indirecte, est soumis à de sérieuses amendes.
Imaginez! La loi prévoit même qu’une omission qui aurait pour effet de ralentir indirectement un cours soit sanctionnée!!! De quoi parle-t-on ici? Quel genre d’acte serait à ce point anodin mais hautement répréhensible???
M. Bengio,
Avec tout respect, cher jeune homme,…j’imagine le scénario…
Il y a des élèves dans la classe. Ils sont assis et cordés, prêts à prendre des notes, curieux et intéressés (je présume) mais le prof refuse de se pointer le nez.
Hmmm….
Je cherche la tragédie pour le prof…
De toute évidence, et avec tout respect, je pense qu’il va simplement falloir qu’on soit d’accord pour demeurer en désaccord, mon petit ami. Nos points de vue ne sont simplement pas basés sur les mêmes priorités. No biggie. Je vous ai tendu l’oreille, vous semblez ouvert à écouter les gens de l’autre côté. Il n’y a rien de plus à faire. Supportez ce que vous croyez être bon, je ferai de même de mon côté, et, in the end, j’espère que vous passerai une agréable journée!
@jonathan
tu réponds pas aux questions et t’accroches au terne « je pense qu’il va simplement falloir qu’on soit d’accord pour demeurer en désaccord, mon petit ami. »
dans le jargon on appelle ça se défiler.
vraiment si tu avais du cran tu nous expliquerais comment, selon toi, un prof d’éthique peut préserver la confiance de ses étudiants après avoir défoncé leur ligne de piquetage.
»le prof refuse de se pointer le nez. Je cherche la tragédie pour le prof… »
Je me permets de poursuivre… le prof refuse de se pointer pour protester contre la loi 78, mais aussi pour respecter les votes de grève, admettons. On signale ce manquement et le prof reçoit une amende entre »1000$ et 5000$ par jour de contravention », s’il s’agit d’un dirigeant d’établissement les amendes vont jusqu’à 35 000$, et sont doublées en cas de récidive…
M. Bengio,
Comme j’ai dit: c’est ok d’avoir un point de vue différent, jeune homme.
Mais s’il y a des étudiants intéressés à avoir un cours, je ne vois pas pourquoi les profs s’abstiendraient d’en donner…lorsque c’est dans une institution d’éducation…quand les étudiants veulent s’en faire dispenser… Il me semble que tous les éléments nécessaires pour donner des cours soient là?
Votre exemple ne me convainc pas de la tragédie de la situation.
Supposons que le vote de grève est donné par, ouff…je sais pas…disons 33 étudiants sur plus de 400 – des chiffres aléatoires, comme ça. Par analogie, on peut laisser croire que dans un auditorium de 400 personnes, s’il y a une trentaine qui se plaignent de faim parce que le cours se poursuit jusqu’à 12h30 – schedulé pour cette plage horaire – c’est pas nécessairement correcte que le prof s’en aille et laisse les 370 autres à la merci des plus vocaux… »parce qu’il respecte les bruyants ». Qu’il se présente, qu’il dispense son cours, comme prévu. Cela ne lui empêche pas de manifester le soir, de voter contre ou pour un certain parti, cela ne lui empêche pas d’écrire sur des blogues, de se faire publier dans les journaux, et d’avoir contact avec les jeunes qui manifestent.
Évidemment, je fais une analogie simplifiée. Je concède, petit ami, que cela n’encapsule pas toute la dynamique. De façon simplifié, s’il ne suit pas ce que je pense qu’il doit faire, c’est correcte également. Je ne lui en voudrai pas plus pour autant. No worries – le choix est libre. Le choix n’est pas sans conséquences, mais libre, certes. Facile comme choix? Non. Déchirant? Peut-être. Mais à faire.
Dans cette situation, entre les étudiants qui sont par dessus tout curieux, intéressés et motivés vs les étudiants qui sont outrés de tout, mon choix personnel serait facilement fait. Je ne serais pas là pour faire des amis mais pour enseigner, du mieux que je peux, à ceux qui veulent écouter. Si un prof à une problématique avec ça et fait un autre choix: il est humain. Il a le droit. Il vivra avec les conséquences.
Comme j’ai dit, mon exemple ne vous affectera probablement pas, jeune homme, et donc ça ne servira à rien de jouer au ping pong comme ça. Étant bien campés chacun sur notre terrain, je ne peux que vous souhaiter du beau temps!
Bonne journée encore!
@jonathan
tu es d’avis qu’un prof doit enseigner s’il y a des contribuables dans sa classe qui veulent consommer leur cours dument payé.
soit.
crois-tu que ce prof doive donner son cours si un seul contribuable se pointe et que les trois cent quatre-vingt-dix-neuf autres font la grève?
évidemment pas! ça serait absurde, n’est-ce pas? mais s’il s’en pointe deux, trois, dix, cinquante, alouette?
voilà tu as compris! il s’agit de tracer une ligne quelque part, mais où, jonathan?
petit rappel historique: quelqu’un, un jour, a imaginé le concept de « majorité ». majorité dans le sens de cinquante pour cent plus un. et la démocratie vit le jour. depuis, la ligne que tu cherches, jonathan, on la trace là.
le respect d’une décision démocratique, voilà ce qui empêchera les profs comme normand de te livrer ta marchandise, jonathan.
maintenant que tu as compris, jonathan, crois-tu toujours que normand devrait faire fi du vote de grève, bousculer les manifestants et donner son cours d’éthique à la minorité qui aura voté contre?!?
—————————
« Comme j’ai dit, mon exemple ne vous affectera probablement pas… »
pourquoi ne pas en choisir un qui est susceptible d’affecter ton interlocuteur, jonathan?
« Étant bien campés chacun sur notre terrain,… »
voyons jonathan! ici tu prêtes des intentions à patrick en plus d’admettre ta fermeture d’esprit! haha!
Vous allez voir, c’est réellement l’enfer.
Demandez aux cégeps qui ont ratrapper 11 semaines en 5 au printemps derniers(Par exemple: cégep de Joliette). Je l’ai, les élèves étaient exténués et les enseignants aussi. Ont fesait de 7h20 à 20h10. Plus de pause de 5 minutes entre les cours non plus. En plus de cela, il nous manquait 30% du temps. C’est pour vous dire que la matière passait vite et que les notes aux examens (si ces examens n’étaient pas adaptés) étaient plus basse. Sur le plan physique, beaucoup on manqué de sommeil pour la première foi ou n’avait tout simplement pas le temps de manger.
À propos de la reconduction de la grève en travail social. Il faut mettre en contexte pour comprendre le bas taux de participation (bas? 9,6% c’est haut pour une assemblée). Cette association était en grève jsuqu’à gel des frais de scolarité, jusqu’à sommet sur les frais de scolarité ou jusqu’à élection. Si un des 3 critères étaient atteint, ils devaient tenir une asemblée de reconduction dans les 3 jours. C’est une position tenue depuis le printemps. Les étudiants étaient bien au courant de cela. C’est de leur faute s’ils ne sont pas pointé. De plus, on est en été, la plupart des étudiants ne se tienne pas l’été dans les alentour du Cégep. Mais même en temps normal, durant la session, les taux de participation ne sont pas aussi haut dans les assemblée. Une participation de 9,6% en été est donc un gros pourcentage.
À titre de comparaison, mon cégep compte 2500 élèves. En temps normal, nous avons de la difficulté à atteindre le quorum de 2%, soit 54 élèves. C’est moins que l’AÉSSUM! S’il-vous-plaît renseignez-vous sur la participation aux assemblée étudiantes avant de passer des commentaires.
Les réflexions de Normand sont partagées par de très nombreuses personnes qui enseignent dans les universités et les CÉGEPS. L’enseignement exige la création d’un rapport particulier entre la personne chargée d’enseigner et les personnes qui viennent étudier. Ce lien, qui en est un, non seulement de consentement, mais de reconnaissance et de respect, est le fondement indispensable du questionnement intellectuel qui est au coeur de l’éducation. On ne fréquente pas l’université pour y chercher des réponses toutes faites, du « prêt-à-penser » (on pourrait très bien accomplir cela tout seul, à la bibliothèque ou sur internet) ; non, on passe plusieurs années à l’université pour apprendre à poser des questions, c’est-à-dire pour acquérir un certain type d’autonomie et de maturité intellectuelles. Mais il faut bien comprendre qu’il s’agit d’un processus qui est collectif et qui n’est jamais pleinement achevé. On peut (et on doit) toujours aller plus loin sur le chemin du savoir et de la sagesse. Les personnes qui enseignent, comme celles qui viennent étudier, sont toutes impliquées dans un apprentissage continu. En tant qu’enseignant, mes étudiantes et étudiants apprennent des choses en fréquentant mes cours ; mais j’apprends toujours énormément chaque année dans mes échanges avec eux.
Un commentaire publié plus haut dit que nous avons des obligations contractuelles à respecter et que la loi nous oblige « à dispenser les cours, sans entrave ni intimidation ». D’une part, laissez-moi dire qu’un enseignant qui intimiderait réellement ses étudiantes et étudiants serait coupable d’une faute grave ; il existe d’ailleurs des lois, ainsi que des codes de conduite dans les établissements, qui permettent de sanctionner de telles conduites. D’autre part, plusieurs ne semblent pas avoir saisi que nous ne pouvons pas « dispenser nos cours » comme si de rien n’était, si nous sommes nous-mêmes sujets à l’intimidation, si on nous contraint à la honte de franchir les lignes de piquetage, si on nous entoure d’hommes et de femmes armés qui nous surveillent constamment, si on menace de nous infliger des amendes sévères au cas où nous poserions certaines questions ou discuterions de certains points de vue, c’est-à-dire où nous ferions les choses qui sont au coeur même de l’aventure intellectuelle qu’est l’université.
Pour que l’enseignement soit réussi, il faut ce fondement de respect évoqué plus haut. Or, ces rapports de respect peuvent-ils survivre au climat d’intimidation que je viens de décrire ? Plutôt que de soupçonner les professeures et les professeurs de mauvaise foi et d’intentions sournoises, on ferait mieux d’écouter l’expression de leur désarroi face à la dénaturation appréhendée de leur profession et de leur vocation.
J’avoue hésiter beaucoup en tant qu’étudiant quant à la poursuite de la grève. Il est évident que si on considère la grève comme le simple outil pour contrer la hausse des frais de scolarité, elle devient désuète en tant d’élection et serait plus justifiée si Charest est réélu.
MAIS, la grève fut bénéfique sur bien d’autres plans que celui d’une simple négociation. Elle eut l’effet de politiser beaucoup de québecois et de mettre à l’avant-plan plusieurs idées qui me tiennent à coeur comme la démocratie, la redistribution des richesses, le rôle de l’éducation, etc.
Que faire?
Vous pouvez voter pour suspendre votre grève jusqu’au 4 septembre et tenir une assemblée générale le 5. Si le parti qui gagne les élections veut maintenir la hausse, rien ne vous empêchera alors de retourner en grève pour forcer des négocitions et arracher des concessions.
Il y a quand même une vieille citation qui résume très bien le texte de M. Baillargeon, à propos de l’enseignement, et qui, en jouant sur la métaphore, décrit tout aussi bien la situation actuelle.
Le penseur grec Plutarque disait » l’Esprit n’est pas un contenant qui doit être rempli, mais bien du bois qui a besoin d’être allumé, de s’embraser ».
Cette image, dans ce contexte de retour forcé en classe et d’indignation pour un problème qui a été reporté (pas réglé), l’explique bien: on peut bien vouloir dire qu’il faut remplir la tête des étudiants afin qu’ils puissent continuer et ne pas bloquer la « chaîne de production » de diplômés, mais la réalité, c’est bien plus qu’on donne le mandat aux enseignants d’allumer, avec un paquet d’allumettes en carton, une grosse bûche bien mouillée… Bien beau leur dire qu’ils sont sous contrat: leur obligation contractuelle, en opposition au problème qui s’offre à eux, n’a d’utilité que le papier sur lequel l’obligation est écrite. Ça fera une bien maigre « gazette » pour tenter d’allumer le tout…
Le penseur grec Plutarque disait
*****« l’Esprit n’est pas un contenant qui doit être rempli, mais bien du bois qui a besoin d’être allumé, de s’embraser ».*****
Merci à Marc Roussel pour ce stimulant et incandescent rappel des brillantes et brûlantes paroles de ce cher Plutarque.
Marc Roussel, vos propos m’ont allumé et ravi. Merci!
JSB
« Vous avez des obligations contractuels à respecter alors respectez les, point à la ligne. »
Pour votre information, Patriote, sachez que nulle part mon contrat stipule que je doive remettre une deuxième version de mon plan de cours et un calendrier modifié, enseigner les samedis, faire en sorte que mes étudiants atteignent les compétences visées par le cours en beaucoup moins d’heures que ce qui serait nécessaire. En d’autres termes, nulle part mon contrat évoque que je doive réparer les pots cassés par le gouvernement libéral.
Mais heureusement pour les étudiants, en tant que prof, je n’ai pas l’habitude de ne m’en tenir qu’à « mes obligations contractuelles »: j’aiderai mes étudiants du mieux que je peux à réussir s’ils rentrent en classe et, s’ils poursuivent la grève, en respectant leur vote démocratique.
Bien à vous.
@ Liseli,
Je comprends très bien que votre convention collective ne vous oblige pas à doubler une version de votre plan de cours sur une quelconque situation, soit-elle exceptionnelle. Et à ce que je sache, vous n’auriez rien perdu en salaire pour cette session suspendue en raison d’une situation fortuite.
Cependant, une entente de principe, entre le gouvernement et la FNEEQ ( Fédération nationale des enseignantes et enseignants du Québec ) concernant les modalités pour une rentrée scolaire à l’effet de compléter la session d’hiver 2012, suspendue. Cette entente de principe, devra éventuellement être soumise à l’acceptation par les représentants des syndicats d’enseignants de niveau collégial.
* 13,3 millions de dollars pour le salaire des 180 enseignants dépêchés en renfort.
* 4 millions pour l’embauche d’enseignants à statut précaire dont le contrat se terminait en juin;
*1 million pour le paiement des salaires des enseignants actuels qui devront travailler le samedi (rémunération à temps simple).
Si cette entente de principe est entérinée, ce dont je suis persuadé en prenant compte que 96% des étudiants concernés se sont inscrits pour terminer leur session suspendue, vous n’aurez autre choix que de vous y soumettre sinon un autre fera le travail à votre place.
Quant au fardeau de responsabilité de ce conflit, boycottage de cours et gouvernement, sur une hausse des frais de scolarité, tout est en lien directe avec nos convictions.
En tout respect.
Normand Baillargeon, je veux et peux vous dire, même si je suis retraité depuis quelques années, qu’une de vos réflexions m’émeut profondément, moi qui ai enseigné la sociologie pendant 37 ans:
*****«Dans le même temps, mes pensées vont aux étudiantes et aux étudiants. Ils et elles me manquent, je tiens à le dire. Enseigner aura été une composante essentielle, non de ma carrière, mais bien de ma vie.»*****
Merveilleux propos!
Heureusement il m’arrive assez souvent de croiser d’anciens étudiant et étudiantes. Dans la presque totalité des cas ce sont des retrouvailles bouleversantes.
Merci, Normand!
JSB
Il faut souhaiter que le PLQ ne soit pas élu, ou les thérapeutes feront fortune après l’élection de Charest…
En ce qui concerne le droit associatif, les difficultés émergent du fonctionnement même des associations étudiantes. Par exemple, une association regroupant des étudiants aux cycles supérieurs en éducation peut se donner un mandat de grève et l’association supérieure, qui regroupe les étudiants des cycles supérieurs, toutes disciplines confondues, ne pas avoir de mandat de grève, ce qui crée de véritables confusions. Les étudiants se prononcent majoritairement contre la hausse des droits de scolarité mais ne s’entendent pas sur les moyens de pression, qui eux découlent la plupart du temps des regroupements associatifs nationaux. Il faut avoir en tête ces nuances.
Les étudiants ne sont pas divisés sur le projet éducatif, mais sur le sacrifice à faire de leur propre cheminement académique pour une cause que plusieurs jugent perdue, encore davantage depuis la mise en place de la Loi 78. Cette Loi aura eu pour effet de faire peur aux indécis face à la grève comme moyen de pression.
Les déchirements émotifs auxquels j’ai assistés, d’étudiants coincés financièrement, pris de culpabilité face aux idéaux de leurs parents qui ne sont pas les leurs ou, plus largement sur le plan social, en quête de reconnaissance d’une parole, est une souffrance à laquelle, comme enseignants, nous sommes et serons encore confrontés cet automne, qu’il y ait grève ou pas. Cette souffrance, inhérente à toute lutte identitaire, se vit dans nos classes, dans les rapports avec nous, les enseignants.
La question n’est pas de savoir si nous aurons, techniquement, toutes les infrastructures nécessaires pour enseigner et tout le temps voulu pour répondre aux exigences des programmes, mais de savoir si nous aurons les compétences du coeur pour aider ces jeunes qui luttent pour leur place dans la société et pour un renouveau de liberté.
Mme Marchand,
<>
merci! tout est dis ici, surtout dans « un renouveau de liberté ».
La Liberté existe déjà mais elle est mal utilisée.
dans le fameux cliché vertueux « quel genre d’avenir voulons nous pour nos enfants » que je ne suis plus capable d’entendre de la part des partis politiques et d’une parti de la société voici que nous avons un mouvement étudiant qui est politisé, et que fait on? on veux tu simplement le museler. si nous voulons et tenons à faire en sorte que l’avenir soit meilleur nous devons accepter d’avoir une jeunesse politisée. dans le mot « meilleur » j’inclus ce que doit être fait pour éviter le Irréversible. il y a des gros problèmes à résoudre dans un avenir rapproché. Qui sera en place pour les régler? les étudiants actuels.
donner suite aux politiques actuelles suivre le courant dominant de l’opinion publique, est ce la voie à suivre?
il arrive un moment où il faut revenir aux principes directeurs auxquels on choisi d’adhérer et qui donnent un sens à notre existence.
– dans quel monde aimerions nous vivre?
– à quoi ressemblerait un monde meilleur que le nôtre actuel?
pour répondre à ceci il faut avoir des axiomes solides. et quand je vous lis ainsi que M. Baillargeon je perçoit des axiomes solides ce qui est excellent pour vos étudiants.
La gestion de la crise étudiante par le gouvernement a démontré malheureusement une faillite intellectuel.
le gouvernement n’a pas su et ne démontre pas savoir développer une solution car il est ancré dans la défense des intérêts établis ce qui par le fait même a justifié selon eux la loi 78.
ceci étant dis un choix de confrontation tel que choisi par les étudiants est très risqué. je souhaite que les étudiants puissent revoir et établir une stratégie ni radicale ni conservatrice mais en « dehors » » de l’éventail des opinions politiques.
ceci étant je reprends ce que @julien écrit « À l’impossible, nul n’est tenu ».
le plus important pour moi en tant qu’observateur est de savoir que vous et vos collègues y mettrons toute votre passion pour y arriver à traverser ce moment en quelque sorte historique.
bonne rentrée
Bonjour,
Nous souhaitons vous contacter pour un article dans notre revue (française) l’Émancipation syndicale et pédagogique sur ce sujet, un bilan du mouvement étudiant québécois, ses perspectives, en cette rentrée 2012. Ce serait pour le 16 septembre. Merci de bien vouloir répondre à mon adresse mail.
Monsieur Jousmet. A qui s’adresse votre invitation ?