[Paru dans: À Bâbord, no 48, février/mars 2013]
Avant, pendant et après les dernières élections présidentielles aux Etats-Unis, Noam Chomsky a accordé plusieurs entretiens dans lesquels il a abordé l’état présent de la société américaine, la nature de ces consultations et ce qui pourrait justifier d’y participer.
En voici quelques éléments qui me paraissent mériter réflexion — j’aurais pu en rappeler de nombreux autres, comme on le constatera en consultant les références fournies à la fin de cet article.
D’abord, que sont, selon Chomsky, les élections étatsuniennes telles qu’elles existent? En un mot, une vaste mise en scène orchestrée par l’industrie des relations publiques pour maintenir en existence une société supposée démocratique où «des personnes non informées prendront des décisions irrationnelles».
En assurant que la démocratie ne sera pas fonctionnelle, remarque-t-il, les mêmes entreprises propagandistes et avec les mêmes méthodes font, pour la démocratie et les institutions politiques, ce qu’elles font pour la vie économique, où elles assurent, là aussi, que des personnes non informées, appelées consommateurs, auront des comportements irrationnels sur un marché supposé libre.
Pour parvenir à ce résultat, on a recours à plusieurs moyens. Certains sont plus anodins : on tient par exemple les élections un mardi, un jour de semaine où certains des plus pauvres travailleurs ont du mal à se libérer.
Mais on fait surtout en sorte que les véritables et plus substantiels enjeux qui intéressent ou intéresseraient le public ne soient pas réellement discutés. Des enjeux comme l’emploi, bien sûr; mais aussi ceux où se jouent la survie de l’espèce, comme le désastre environnemental en cours ou la possibilité d’un conflit nucléaire.
De plus, la division de la société en classes a des effets marqués sur les élections. Près de la moitié de la population, sans doute parce qu’elle pense, avec raison, qu’elle ne peut influencer les politiques adoptées, ne vote tout simplement pas. Et de fait, pour l’essentiel, le 70% inférieur de la population, quand on la définit selon le revenu, n’influe que très peu les politiques adoptées. Par contre, plus on monte dans cette échelle de revenus, plus les gens votent et ont une véritable influence sur les politiques adoptées. La portion supérieure du 1 % de la population, celle qui détient la plus grande part des richesses et qui finance ces élections entre deux partis contrôlés par le monde des affaires, obtient quant à elle, à peu de chose près, tout ce qu’elle demande ou exige.
Il est, poursuit Chomsky, intéressant de contraster tout cela avec ce que seraient des élections dans une société véritablement démocratique.
Imaginons des élections dans une circonscription d’une telle société. Les citoyens réunis en un de ces forums qu’ils fréquentent pour cela, décideraient entre eux des politiques qu’ils souhaitent voir implantées à propos de sujets qui les concernent et préoccupent. Ils désigneraient ensuite leur représentant. Si une personne de l’extérieur voulait les représenter, les citoyennes et citoyens lui permettraient de venir les rencontrer : non pas pour s’adresser à eux, mais bien pour les écouter. «Convainquez-nous que vous implanterez ces politiques et nous voterons peut-être pour vous», diraient-elles; «mais rappelez-vous aussi que, même élu, vous êtes révocable si vous n’implantez pas ces politiques à notre satisfaction».
Dans une société comme les États-Unis, la personne qui veut être élue vient plutôt en ville avec son lourd appareil de relations publiques qui incite les gens à venir l’entendre. Elle prononce alors devant elles un discours rédigé par un expert en ce genre de communication sociale. Ce discours peut fort bien n’avoir rien à dire de précis sur ses intentions, voire les cacher : mais il aura été testé auprès de groupes de discussion et est destiné à séduire son auditoire.
La campagne électorale est à l’avenant : on y dépense des sommes faramineuses, essentiellement en publicités, qui n’ont, comme c’est toujours le cas, aucunement pour but d’informer les gens, mais bien de les leurrer et de les tromper. L’industrie de la publicité n’est pas scandalisée, loin de là, par ce rapprochement entre campagnes électorales et publicité: elle a d’ailleurs il y a quelques années candidement remis à la précédente campagne électorale d’Obama son prix annuel récompensant la meilleure campagne de marketing, Obama battant Apple cette année-là.
En bout de piste, suggère Chomsky, les militantes et militants ne devraient pas accorder plus que quelques minutes d’attention à ce «grandiose spectacle électoral mis en scène à fort prix», juste le temps de décider si les circonstances justifient d’y prendre part, ce qui peut arriver. Pour sa part, il annonçait qu’il voterait pour la candidate Verte Jill Stein; et que s’il était dans un État-charnière (swing state), il aurait voté contre Romney-Ryan : et donc pour Obama.
Mais Chomsky répète encore que ce dont nous avons le plus urgent besoin, c’est de s’organiser, c’est de militantisme et d’éducation. Changer le monde par ces moyens a été accompli dans le passé, dans des conditions parfois pires encore que les nôtres: ce peut donc l’être cette fois encore.
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Quelques ressources pour aller plus loin :
«Noam Chomsky : Elections Today : Uninformed people Making Irrational Decisions»
« Noam Chomsky on How Progressives Should Approach Election 2012»
« Noam Chomsky Post-Election: We Need More Organization Education, Activism»
Normand,
Excellent billet, une fois de plus. Il est indéniable que la technologie, actuellement Internet, est une porte ouverte sur la possibilité d’éduquer et d’informer, pas tant davantage qu’auparavant; nous sommes aujourd’hui submergés d’information, mais surtout, mieux qu’auparavant. C’est pourquoi d’ailleurs une défense de la toile est capitale. Seulement, l’accessibilité à l’éducation actuelle et à l’information de qualité n’est rien sans l’intérêt des uns et des autres à se former, s’informer et prendre activement part aux débats et actions nécessaires à cette société en devenir qui est la nôtre. L’idéal, s’il demeure dans les idées, n’est pas même un idéal.
Le livre et les bibliothèques publiques qui en sont remplies, sont ouvertes à tous et toutes depuis bien avant l’ère d’Internet. La multiplication des sources est certes une bonne chose toutefois combien sont-ils à saisir et comprendre l’ampleur de ce qui se passe devant nos yeux et y porter attention ? Cette minorité, démographiquement, ne semble pas suivre une allure proportionnelle.
Lorsqu’on s’y met, on se rend bien compte que la littérature est présente, l’information disponible, les problèmes, connus et identifiés, les solutions, possibles dans la majorité des cas. C’est gros toute cette question du matérialisme, de la dominance, de la cupidité et de l’égoïsme. L’étude de l’histoire de la civilisation Occidentale, si elle nous aide à saisir et comprendre nos erreurs passées, n’est pas très réconfortante. Il est intéressant de voir également comment l’Occident à empoisonner l’Orient mais c’est une autre histoire.
Il est certainement encourageant de constater la volonté de certains à se mobiliser et d’autres, utiliser leur crédibilité, leur notoriété et toutes les tribunes possibles afin de tenter de se faire entendre dans le brouhaha médiatique qui est celui de « la fabrique de l’opinion publique ».
On revient à la responsabilité des « intellectuels », disons plutôt la responsabilité de ceux qui « voient », qui « savent ». Ou bien on devient un porteur de la « bonne nouvelle », avec tout le courage que cela nécessite et les épreuves qui s’en suivent ou bien on prêche à une minorité de convertis, ce qui se produit souvent.
Comment alors intéresser les gens, les amener à se questionner, à saisir que sans la force du groupe, nous n’y arriverons pas ?
Pas besoin ici d’expliquer l’importance de l’éducation comme vecteur principal de possibles changements véritables dans une vision d’avenir sur le long terme. Sans le pouvoir et une réforme de ce pouvoir, je ne vois que très difficilement comment nous pourrons y arriver.
Laborit disait : « « Tant qu’on n’aura pas diffusé très largement à travers les hommes de cette planète la façon dont fonctionne leur cerveau, la façon dont ils l’utilisent et tant que l’on n’aura pas dit que cela a toujours été pour dominer l’autre, il y a peu de chance qu’il y ait quoi que ce soit qui change ».
Merci de ce riche commentaire. Très en résonance avec quelque chose que je lis en ce moment: http://www.zcommunications.org/how-capitalism-conquered-the-internet-by-robert-w-mcchesney
Si ça vous inspire , serai curieux et intéressé de vous lire…
Effectivement, inspirante lecture, il y a beaucoup à en dire. Je vais procéder de manière très éclectique sans nécessairement citer les passages originaux de Mcchesney. Je pense que les lecteurs sauront s’y retrouver. Plusieurs points nécessiteraient d’être davantage développés…
Je cite, de l’article :
“…or newspapers without a government, I should not hesitate a moment to prefer the latter. But I should mean that every man should receive those papers and be capable of reading them.”
“…for a free press and therefore democracy, which also demands that there be a literate public, a viable press system and easy access to this press by the people.”
Comment y arrive-t-on ? Nous partons de bien loin…
D’abord, concernant la nécessité d’aboutir à un univers journalistique et médiatique digne de ce nom, il faut rappeler que plusieurs institutions dans nos sociétés occidentales sont censées adopter une fonction régulatrice ou de contrôle du mouvement entre différents pouvoirs. Ce qui est décrit et dénoncé avec la pensée de Jefferson quant aux interactions de l’organe de presse en relation avec les instances du pouvoir n’est pas nouveau et cette même problématique, nous la retrouvons en l’état lui-même. L’un des rôles de l’état est de faire contrepoids au pouvoir dominant en place. Nous vivons actuellement sous la mainmise d’oligarchies qui ont leurs entrées dans toutes les officines du pouvoir. Nul autre que René Lévesque insistait là-dessus dans un épisode de son émission point de mire dont on peut en trouver l’une des seules traces disponibles sur youtube. Il y a le capital, la société civile et l’État qui doit s’assurer que ni les uns ni les autres aient plein pouvoir. Il m’apparaît utile de le rappeler puisque la fonction actuelle des États aujourd’hui est très éloignée de ce qu’on décrit dans les manuels.
L’on oublie trop souvent la notion de transmission, qui nous vient en fait de la tradition, « traditio » : transmettre, ce qui est transmis et de « Praxis » : action. Avec cette vision linéaire de l’histoire répandue aujourd’hui, la tradition est perçue telle un ensemble de rites et coutumes dépassées alors que si on porte attention au sens étymologique et historique des mots, force est de constater l’importance de ce qui a été « perdu ». Pensons aujourd’hui à Fred Pellerin, dont c’est le domaine de prédilection; pourquoi les gens l’écoutent et l’aiment ? Pensons à nos universités…et surtout à ce qu’elles pourraient être.
Ce que l’on remarque aujourd’hui, nous le retrouvons du temps de Jefferson, comme du temps des grecques et des romains, il en a presque toujours été ainsi de la forme du pouvoir en occident; la loi du talion. Bien que nous connaissions pourtant les mécanismes du pouvoir et quels sont les meilleurs moyens afin de neutraliser les inégalités, et nul besoin de faire allusion à des courants « étiquettes » tels que socialisme ou communisme, la classe dominante a vite fait de rendre caducs les possibilités pour les dominés de prendre action. Là-dessus, un extrait de Chomsky, que vous vous rappellerez sûrement, me semble tout dire :
http ://books.openedition.org/agone/257
« Toute fausse représentation est nuisible. Une large part de la responsabilité de ce phénomène est attribuable aux structures de pouvoir qui, pour des raisons qui sont plutôt évidentes, ont intérêt à maintenir les gens dans l’incompréhension. Rappelons-nous De l’origine des gouvernements, de David Hume. Dans cette œuvre, l’auteur exprime la surprise qu’il éprouve devant le fait que les gens se soumettent à leurs dirigeants. Il en conclut que, puisque « la force est toujours du côté des gouvernés, les gouvernants n’ont pour se maintenir au pouvoir que l’opinion publique. Le gouvernement se fonde donc uniquement sur l’opinion publique; et cela s’applique aux gouvernements de toutes sortes, des plus despotiques et militaires aux plus libres et populaires ». Hume voyait juste et, soit dit en passant, il était loin d’être « libertaire », au sens où on l’entend aujourd’hui. Il sous-estime sûrement le potentiel de la force dont il parle, mais il me semble que ses observations sont fondamentalement justes et importantes, particulièrement pour les sociétés qui sont plus libres et dans lesquelles l’art de contrôler l’opinion publique est, par conséquent, beaucoup plus raffiné. La fausse représentation et les autres manœuvres visant à créer la confusion sont des phénomènes naturellement concomitants.
8Alors, la fausse représentation me dérange-t-elle ? Bien sûr ! Mais le mauvais temps me dérange aussi… La fausse représentation existera tant et aussi longtemps que les concentrations de pouvoir créeront une sorte de classe des commissaires destinée à les défendre. Puisqu’en général les gens au pouvoir ne sont pas très intelligents, ou plutôt juste assez perspicaces pour comprendre qu’il leur est préférable d’éviter l’arène de l’information et de la discussion, ils ont recours à la fausse représentation, au dénigrement et aux divers mécanismes accessibles à ceux qui savent qu’ils pourront toujours se protéger à l’aide des multiples moyens qui relèvent du pouvoir. Il nous faut comprendre pourquoi tout cela se produit et l’analyser du mieux que nous le pouvons; cela fait partie du projet de libération de nous-mêmes et des autres, ou plus précisément, de tous ceux qui travaillent ensemble pour parvenir à ces fins.
9Tout cela peut sembler naïf, et ça l’est ; mais je n’ai encore entendu aucun commentaire sur la vie humaine et la société qui ne le soit pas, une fois dépouillé d’absurdité et d’égoïsme. »
Il ne faut pas oublier que l’histoire est jalonnée de périodes de moyen âge. Les civilisations suivent des cycles de croissance, de prospérité, de déclin et de moyen âge. Le dernier moyen âge a perduré 1000 ans, ce n’est pas rien, ces 1000 ans, avant que le « savoir » des grecs soit « redécouvert », d’abord par les arabes pour revenir ensuite à l’occident. L’on pourrait également noter le travail de moines qui, dans leurs caveaux froids et humides, recopiaient ce savoir pour qu’il se transmette (tradition, culture). L’homme, cet organisme cybernétique, sans une réelle et adéquate transmission du savoir et de la culture, est condamné à un éternel recommencement. Nos sociétés, tel l’homme, telle la nature, forment un ensemble de systèmes complexes intereliés et comptant de nombreux niveaux d’organisation, dont chacun dépend des niveaux précédents et suivants dans une dynamique tout aussi complexe. Cette complexité doit être montrée et expliquée à tous et à toutes, pour leur et pour notre plus grand bien.
En ce qui concerne les ressources, encore une fois, la problématique est similaire à celle du contrôle des médias et de l’appareil étatique. Tant que les ressources seront sous le contrôle d’une élite dominante qui force la majorité de ses contemporains à une lutte compétitive et acharnée pour les besoins de base (voir Maslow), nous ne pourrons passer à une étape subséquente. Le contrôle des ressources amène le pouvoir, le pouvoir permet la dominance et la dominance maintien le contrôle des ressources. De quel droit les ressources planétaires sont-elles dans les mains d’une minorité qui s’enrichit alors qu’il faudrait que tous les autres se contentent et soient heureux d’obtenir des miettes ? Les ressources sont un patrimoine universel de l’humanité. Fait intéressant et peu banal à mon avis; lorsqu’on s’intéresse aux anciennes civilisations et traditions, ce qui inclus les différents textes sacrés, l’on peut remarquer que dans un grand nombre de cas, le récit s’articule autour d’une lutte pour un territoire, des ressources etc. D’ailleurs, ce sont également les ressources qui sont le préambule à la plupart des activités colonisatrices humaines.
Si internet est actuellement un puissant outil, il faut noter sa sous-utilisation et ce à plusieurs niveaux, dont un concerne les compétences minimales requises à se retrouver adéquatement sur la toile. Nombre de professeurs au collégial et à l’université m’ont déjà fait part de leur constat quant aux faibles aptitudes de recherche en ligne de leurs étudiants. Peu de ceux-ci savent utiliser correctement plus d’un mot clé en utilisant par exemple les signes logiques « ou » puis « et ». Pareillement avec l’utilisation des guillemets. Ce qui semble évident pour certains n’est pas la norme. Et que dire du sens critique ? Dans le flot d’informations en ligne, encore faut-il savoir trouver et discerner. D’où bien entendu l’importance de la langue, la comprendre, savoir la décortiquer et saisir les subtilités etc. À mon sens, il faut remercier, entre autres, tous les contributeurs Wikipédiens de ce monde, qui permettent une porte d’entrée sur la connaissance et le savoir que plusieurs n’auraient pas autrement. Je me permets de noter également les classiques des sciences sociales. Plus que jamais, nous avons besoin de communicateurs, de pédagogues et surtout, d’une refonte de l’éducation.
Alors que Jefferson est intervenu au moment où la constitution américaine fût écrite, l’article de Mcchesney, encore une fois, traite d’un phénomène très actuel en ceci qu’avec la récente nouvelle concernant les jeux de coulisse lors de la tentative de rapatriement de la (pas notre) constitution en 82, nous avons un bel exemple de la concomitance et de la non indépendance des instances du pouvoir sous apparence, propagande à l’appui, d’une indépendance tout à fait étanche. La nomination des juges ? Quel mot ont eu à dire à ce moment nos concitoyens, membres nous dit-on, d’une société démocratique ? Lorsque des accords économiques ou autres, de libre-échange par exemple, sont signés, le citoyen est-il vraiment informé, comprend-il réellement qui pousse dans le sens de ces accords et qui en profite vraiment ? Suivre l’argent et analyser à qui profite une décision X est une excellente façon de se faire une idée.
Actuellement, la problématique des problématiques de l’homme, c’est lui-même face à son environnement car nous n’avons pas que des problèmes entre nous, mais avec tout notre environnement. Aucune société humaine auparavant n’a autant détruit son propre habitat, dont il tire sa subsistance. Saccager notre écosystème aujourd’hui équivaut, indirectement, au « progrès ». Cela vous est-il assez irrationnel ? Alors que la science nous avise depuis au moins 50 ans, de façon claire, des problèmes environnementaux, démographiques, alimentaires etc. sans entrer dans la dynamique des problèmes sociaux sous-jacents, qu’avons-nous fait ? Pas grand-chose, loin d’avoir pris des dispositions pour améliorer notre sort collectif, nous avons fait de telle sorte d’empirer la plupart des constats peu reluisants déjà existants et notre inaction perpétuelle ne joue pas en notre faveur. Nous gaspillons, nous détruisons, nous laissons des frères humains vivre dans des conditions épouvantables etc. Nous avons tout intérêt à nous réveiller et prendre action car la planète n’est pas en danger, nous, oui ! La question qui demeure est; quand frapperons-nous un mur avec un « choc » suffisant pour nous amener vers un éveil massif et nous mettre alors réellement en marche vers l’avenir. À ce chapitre, ce à quoi nous assistons dans les dernières années; printemps arabe, mouvement occupied, soulèvements face aux mesures d’austérité etc. sont le résultat assez direct et concret de la présence d’une frange grandissante de la population, qui se branche à Internet depuis près de deux décennies.
“Can one reform the Internet and make it a public good with capitalism still intact? “
Le capitalisme demeurera sans doute, intact, probablement pas, le libéralisme et le néolibéralisme actuel, certainement pas. Le capitalisme, c’est : tu en fais davantage, tu mérites davantage. Le libéralisme, avec ses notions de propriété, de profit comme fin, de lois du marché etc, avec la compétition forcée, le gaspillage des ressources, le matérialisme orienté etc. ne peut pas à mon sens subsister.
Alors qu’il faut à notre fausse économie une croissance constante à tout prix afin ne pas s’effondrer sous sa propre structure déficiente, les ressources, à ce rythme, ne fourniront pas très longtemps. Lorsque les gens apprendront comment penser plutôt que quoi penser, que seront exposés les faits, il est difficile d’admettre que le système actuel pourrait demeurer en place. Si je peux me permettre une analogie que certains ont fait avant moi : l’économie et la loi du profit est la religion d’aujourd’hui. Le discours voilé, en son nom on ment, on détourne, on falsifie, on se fait la guerre etc…pas parce que le système, en théorie, n’est pas bon, tout comme ne sont pas à rejeter toutes nos racines judéo chrétiennes. Il ne s’agit pas non plus de la nature humaine; celle-ci n’est elle-même pas en cause. C’est notre méconnaissance de cette nature humaine et notre refus de créer un ordre, une organisation qui s’impose pour le bien collectif qui nous mène à notre perte. Nous, qui nous croyons la créature la plus évoluée et intelligente sur cette planète, j’ai bien peur que mis à part le savoir technique, nous ne méritions pas davantage. La science au service de qui déjà ? Nous sommes forcément des êtres conditionnés, dans tous les cas, on ne peut l’éviter mais nous avons la possibilité de créer un ensemble de conditionnements qui soient voulus et compris. C’est le rôle de l’éducation, educare; faire sortir de, de créer une manière de vivre qui soit en harmonie avec l’homme et la nature. Une vie qui nous soit profitable, individuellement et collectivement.
Tant que nous serons sur un bateau en train de couler parce que la coque est percée de toutes parts, rien ne sert d’amener tout le monde à s’épuiser en jetant de l’eau par-dessus bord avec petit sceau. Il faut une réparation majeure ou un nouveau bateau.
Je terminerai ici avec une autre citation de Laborit :
« Hé bien, il me semble qu’aussi longtemps que la propriété privée ou étatique des matières premières, de l’énergie, et de l’information technique n’aura pas été supprimée, aussi longtemps qu’une gestion planétaire de ces trois éléments n’aura pas été organisée et établie sous la forme d’une « démocratie planétaire », subsisteront des disparités internationales qui ne peuvent que favoriser les disparités intra-nationales. »
« La commercialisation des élections »; l’un des 25 sujets occultés par les médias en 2004 aux USA. Cela semble encore d’actualité.
Source : http://www.projectcensored.org
cité dans : BAILLARGEON, Normand. Petit cours d’autodéfense intellectuelle. Lux Éditeur, numéro 8. Montréal, Québec. 2006, p.286