Théâtre et politique : Des artistes du milieu théâtral anglo-montréalais dénoncent la Charte de la laïcité
Scène

Théâtre et politique : Des artistes du milieu théâtral anglo-montréalais dénoncent la Charte de la laïcité

Le projet de loi 60 va directement à l’encontre de l’harmonie sociale et culturelle, pensent des artistes de théâtre anglomontréalais qui expriment aujourd’hui, à la suggestion dela fondation Cole, leur inquiétude devant le projet de Charte de la laïcité.

Dans un communiqué de la fondation Cole, qui chapeaute le programme Conversations interculturelles (destiné à promouvoir les rapprochements entre les cultures), les artistes Dean Fleming, Rahul Varma et Julie Tamiko Manning dénoncent le projet péquiste.

Selon Dean Fleming, directeur artistique de Geordie Production, «la Charte suscite de si fortes réactions que nous avons décidé d’y consacrer toute notre saison 2014-2015. Celle-ci sera vouée aux thèmes du racisme, de la différence et de la tolérance (ou de l’intolérance). Le climat engendré par la Charte est difficile à comprendre pour bien des jeunes. Plusieurs générations d’enfants ont grandi dans un contexte ouvert àla diversité. Ilest inquiétant de constater que non seulement la Charte interfère avec cela, mais qu’elle s’y oppose activement.»

Julie Tamiko Manning a lancé le Projet Tashme dans l’espoir d’apaiser les humiliations infligées à plusieurs générations de Canadiens d’origine japonaise à la suite des mesures gouvernementales qui ont privé injustement leurs grands-parents et arrière-grands-parents de leurs droits fondamentaux. Pour elle, il n’est pas difficile d’entrevoir des similitudes entre la position du gouvernement québécois à l’égard de plusieurs communautés religieuses en 2014 et celle du gouvernement fédéral et du gouvernement de la Colombie-Britannique à l’endroit de la communauté canadienne d’ascendance japonaise pendantla Deuxième Guerremondiale.

«Au même titre que le gouvernement de la Colombie-Britannique s’est servi de l’attaque de Pearl Harbor pour se débarrasser de son “problème japonais”, l’attentat contre les tours jumelles sert aujourd’hui de prétexte au monde occidental pour blâmer et ostraciser la communauté islamique. Le traitement subi par les Canadiens d’origine japonaise en Colombie-Britannique pendantla Deuxième Guerremondiale est une forme institutionnalisée de racisme, maquillée en mesure de sécurité nationale. Cela m’enrage de penser qu’un gouvernement puisse convaincre ses citoyens d’endosser un projet de loi intolérant sur le plan culturel, racial et religieux en l’édulcorant en « valeurs », sachant que cela ne mènera pas à l’égalité, mais à l’intolérance, à la haine et à l’hystérie. C’est déjà arrivé par le passé. »

Rahul Varma, directeur artistique de Teesri Duniya Theatre, tire son mandat et sa pratique créative du multiculturalisme et perçoit une richesse dans le respect des différences, des particularités, des visions du monde et des convictions de chacun. Pour lui, on n’atteindra la vraie égalité que lorsqu’on reconnaîtra les gens pour ce qu’ils sont et qu’on privilégiera l’égalité des chances indépendamment de l’apparence vestimentaire. « La présumée neutralité ou égalité défendue par la Charte est une forme de discrimination masquée. Interdire l’expression personnelle de la culture, de la religion et de la spiritualité dans les institutions publiques, c’est empêcher les gens d’apprendre les uns des autres et ouvrir la voie aux stéréotypes et à l’exclusion. Les minorités culturelles ont choisi de s’établir au Québec parce qu’ils y voient une société égalitaire ayant à coeur le respect mutuel. C’est en nous respectant les uns les autres – non seulement pour notre humanité commune, mais aussi pour notre unicité – que nous parviendrons à bâtir une société saine, forte et créative. »

La Fondation Colea profondément à coeur le débat qui entoure le projet de loi 60 et la proposition d’une Charte des valeurs québécoises. Barry Cole estime qu’il n’y a aucun problème ni « crise » à résoudre, puisque « la séparation de l’Église et de l’État, de même que l’égalité entre les hommes et les femmes, sont déjà protégées par les chartes québécoise et canadienne des droits et libertés. Les mesures qui soulignent négativement les différences culturelles et qui excluent les minorités ne sont d’aucune utilité, poursuit-il ; bien au contraire, elles sèment la division et l’aliénation sociale au lieu de favoriser la cohésion au sein de la société. »La Fondation Coleaborde ces enjeux par l’entremise des arts, du théâtre et de la littérature afin d’élargir les horizons socioculturels de tous les citoyens d’une manière respectueuse qui ne cherche pas la discorde.