Après avoir visionné le film Dérives, directement accessible en ligne et présenté par l’équipe de 99% Média, je dois admettre que j’ai eu mal à ma polis. La cité-État aurait-elle des petits problèmes à gérer son corps policier ? Que se passe-t-il entre les murs de l’École nationale de police ? Évidemment, ces questions ne sont pas nouvelles mais l’on est en droit de se demander : à quand une progression dans ce dossier ?
Il est justement question de la répression policière commise lors du printemps érable dans le film Dérives. Avis à celles et ceux qui n’apprécient guère voir Goliath varger (frapper à grands coups répétés sur quelqu’un), invectiver et mépriser David, ce film n’est pas pour vous. Certains diront que le film est propagandiste, or il est plutôt très bien articulé. Et puis, que peut-on dire contre des images filmées qui ont été prises sur le vif ? Ne serait-ce que pour les intervenants qui racontent leur point de vue sur les événements ou tout simplement pour le devoir de mémoire, ce film vaut franchement la peine d’être vu.
Le film m’a amené à lire le code déontologique des policiers du Québec et effectivement, les policiers du SPVM comme de la SQ ont sérieusement omis de respecter plusieurs articles fondamentaux de leur propre code déontologique. En voici quelques uns :
3. Le présent Code vise à assurer une meilleure protection des citoyens et citoyennes en développant au sein des services policiers des normes élevées de services à la population et de conscience professionnelle dans le respect des droits et libertés de la personne dont ceux inscrits dans la Charte des droits et libertés de la personne (chapitre C-12).D. 920-90, a. 3.
5. Le policier doit se comporter de manière à préserver la confiance et la considération que requiert sa fonction.
Notamment, le policier ne doit pas:
1° faire usage d’un langage obscène, blasphématoire ou injurieux;
2° omettre ou refuser de s’identifier par un document officiel alors qu’une personne lui en fait la demande;
3° omettre de porter une marque d’identification prescrite dans ses rapports directs avec une personne du public;
4° poser des actes ou tenir des propos injurieux fondés sur la race, la couleur, le sexe, l’orientation sexuelle, la religion, les convictions politiques, la langue, l’âge, la condition sociale, l’état civil, la grossesse, l’origine ethnique ou nationale, le handicap d’une personne ou l’utilisation d’un moyen pour pallier cet handicap;
5° manquer de respect ou de politesse à l’égard d’une personne.D. 920-90, a. 5.
6. Le policier doit éviter toute forme d’abus d’autorité dans ses rapports avec le public.
Notamment, le policier ne doit pas:
1° avoir recours à une force plus grande que celle nécessaire pour accomplir ce qui lui est enjoint ou permis de faire;
2° faire des menaces, de l’intimidation ou du harcèlement;
3° porter sciemment une accusation contre une personne sans justification;
4° abuser de son autorité en vue d’obtenir une déclaration;
5° détenir, aux fins de l’interroger, une personne qui n’est pas en état d’arrestation.D. 920-90, a. 6.
8. Le policier doit exercer ses fonctions avec probité.
Notamment, le policier ne doit pas:
1° endommager ou détruire malicieusement un bien appartenant à une personne;
2° disposer illégalement d’un bien appartenant à une personne;
3° présenter à l’égard d’une personne une recommandation ou un rapport qu’il sait faux ou inexact.D. 920-90, a. 8.
11. Le policier doit utiliser une arme et toute autre pièce d’équipement avec prudence et discernement.
Notamment, le policier ne doit pas:
1° exhiber, manipuler ou pointer une arme sans justification;
2° négliger de prendre les moyens nécessaires pour empêcher l’usage d’une arme de service par une personne autre qu’un policier.D. 920-90, a. 11.
Ceci dit, je reviendrai sur la seconde question préalablement posée : Que se passe-t-il entre les murs de l’École nationale de police ? Pour se faire une petite idée, il suffit de se rendre sur le site de l’École. Plus particulièrement dans la section portant sur les formations offertes : http://www.enpq.qc.ca/nos-formations.html# Que retrouve-t-on comme formation en matière d’approche sociale ? RIEN. RIEN comme dans R-I-E-N. Et pourtant, les policiers-ères sont supposé(e)s travailler pour le bien des citoyennes et citoyens. Plus encore, ce sont des agents de la paix. Il me semble que ce ne serait pas un luxe si les policiers avaient accès à des cours du type Société 101 ou Philo 1. Au lieu de cela, ils apprennent quoi ? Le Maniement du fusil de calibre 12, Contrôle de foule – Membre de peloton (cotes d’alerte 2 et 3), Arme à impulsions électriques, Cinémomètre laser et j’en passe.
Le policier ne peut donc pas faire office de gardien de la cité avec une telle formation. Il est plutôt le chien de garde de la cité. Personnellement je ne crois pas qu’il soit nécessaire que les policiers-ères du Québec aient une formation très élaborée en sociologie, en philosophie ou en psychologie, quoique cela serait immensément bénéfique pour la population, mais un strict minimum est nécessaire. Sur ce, souhaitons-nous une commission d’enquête sur la brutalité policière commise lors du printemps érable et un meilleur corps policier québécois.
Pour visionner le film: https://www.youtube.com/watch?v=9iZdAdczrGk
Ce film, comme vous le dites, doit être vu!
Pour votre questionnement concernant la formation policière. Il faut comprendre où intervient celle donnée à l’École nationale.
Un policier, une policière au Québec est formé(e), dans un premier temps, dans un cégep durant trois ans. Il/elle recevra ainsi des cours de philo, de sociologie, de psycho, de communication, de littérature, de droits, etc. (dont des cours plus directement liés à la profession). Cette formation doit être complétée par un séjour à l’École nationale d’une durée de 15 semaines afin de mettre en œuvre des compétences telles que : prendre en charge un événement, patrouiller stratégiquement un secteur, contrôler un périmètre de sécurité, utiliser le pistolet en situation de tir défensif, etc.
http://www.enpq.qc.ca/futur-policier/programme/competences.html
Dans votre article, vous faites allusion aux formations spécialisées offertes aux policiers en fonction qui désirent acquérir plus d’outils que la formation de base (par exemple pour mener des entrevues auprès des enfants, ou encore l’utilisation des alcotests). Ce type de formation « spécialisée » se donne aussi à l’École nationale.
Votre référence est bonne mais il s’agit d’un autre volet de la formation policière.
Permettez-moi un petit détour historique avant de vous transmettre mon propre questionnement :
La création de l’Institut de police du Québec (nom de l’époque) remonte à l’année 1969 dans le but d’apporter une solution aux lacunes du manque de formation policière mises en lumière par l’utilisation abusive de la matraque en réponse à l’effervescence sociale des années soixante dont notamment le fameux « samedi de la matraque » en 1964 (à l’occasion de la visite de la reine Élisabeth II, on assiste à une répression policière brutale exercée contre une foule sans armes).
« Parallèlement à la création de l’Institut de police, les cégeps (dont la création remonte à 1967) accueillent le programme des techniques policières. L’implantation de la formation policière dans les cégeps au Québec marque une volonté sociale d’exiger une formation plus poussée, plus ouverte et plus professionnelle pour la force de l’ordre. C’est en quelque sorte l’aboutissement d’une période d’ouverture sur le monde qui caractérise le Québec mais aussi une période trouble où les citoyens on fait face à une répression particulière de la part de la police et de l’armée.
Le pari a été lancé qu’il serait plus avantageux pour la formation des futurs policiers et policières d’être dans un environnement décloisonné à l’intérieur duquel se côtoie la diversité caractéristique de la société et d’être exposés à l’apport de plusieurs disciplines. » (tiré d’une conférence transmise en 2005, par moi-même)
De mémoire, nous avons au Québec, une des forces policières la plus « citoyenne » au monde, si je peux m’exprimer ainsi. Le problème, à mon humble avis, consiste davantage à l’existence d’une telle dérive malgré une formation initiale « large » offerte dans les cégeps. Comment en sommes-nous arrivés là, au Québec? Et qu’en plus, une bonne part de la population québécoise n’a pas la moindre idée qu’une telle dérive se soit déroulée et ce, même en étant un témoin quotidien des nouvelles diffusées par les médias traditionnels… moi, j’en suis pas encore revenue!
Merci beaucoup madame Blanchette,
Votre commentaire est bien constructif et très intéressant.
Pour ce qui est de la question de décloisonner l’Institut, je suis tout aussi d’accord avec vous.