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Session d’écoute: Numéro 2, Bernard Adamus

La série d’entrées de blogue Session d’écoute découle d’un fantasme de mélomane: se rendre dans un studio de référence hi-fi, Le Lab Mastering, afin d’écouter pour la première fois un nouveau disque en compagnie de son créateur. Le but n’est pas d’accoucher d’une critique (impossible après une seule écoute), mais bien de confronter les premières impressions, à chaud, avec celles de l’artiste.

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Simplement intitulé Numéro 2, le deuxième album de Bernard Adamus s’ouvre sur les rires étouffés du chanteur. Quelques secondes à peine avant d’entamer la première pièce, Les Obliques, Adamus et ses musiciens semblent chercher la concentration qui leur permettrait de plonger dans l’émotion brute d’un blues de lendemain de brosse.

Dans les haut-parleurs du Lab Mastering, la guitare à résonateur, le trombone et le chant désespéré de Bernard créent une chaude ambiance de cuisine à deux heure du matin. Les yeux fermés, l’illusion est totale. La bouteille de whisky trône sur la table à côté des verres à moitié vide… Nous y sommes, cigarette au bec.

Pour son premier disque enregistré «avec un budget décent», Bernard Adamus confirme qu’une attention particulière a été portée au traitement sonores des chansons. «Nous étions au Wild studio de Pierre Rémillard où nous avons monté deux pièces d’enregistrement. L’une plus grande et plus chargée, pour le jour, et l’autre plus intime et minimaliste, pour la nuit. C’est dans celle-là qu’on a produit Les Obliques

S’enchaîne Entre ici pis chez vous, un boogie digne des meilleurs saloons de l’Ouest. Au piano droit brille Alexis Dumais qui martèle les touches de toutes ses forces, procurant un son percutant, saturé et riche. Le rythme est entraînant, inspiré par la vie à 100 miles à l’heure des tournées qui ont suivi la parution de l’album précédent, Brun.

Puis Bernard Adamus ose et nous ramène dès la troisième plage dans un spleen contagieux aux textures feutrées d’harmonium: Fulton Road. Sa voix frappe encore. Le chant triste nous amène cette fois sous le soleil d’un désert aride.

À ce stade-ci de l’écoute, il apparaît clair que Bernard Adamus et le réalisateur Éric Villeneuve ont conçu un disque aux riches paysages sonores puisque chaque pièce évoque un tableau distinct.

Ouais ben (mescaline version) épouse un répertoire blues sale dont l’aspect terreux est accentué par l’effet de distorsion dans la voix de Bernard. Arrange-toi avec ça (le premier extrait) puise ensuite dans le vieux rock’n’roll, et 2176 nous ramène dans l’atmosphère acoustique de Brun, rappelant au passage que l’auteur-compositeur-interprète demeure l’un des meilleurs conteurs de la présente scène musicale québécoise. Son langage est cru, imagé, son réalisme renforcé à grand coup d’anglicismes.

Dans sa version régulière, soit tout aussi déglinguée mais plus percutante que lorsque jouée sous le signe de la mescaline deux titres plutôt, Ouais ben est rejoué sans pour autant créer d’effet de redite. Le rythme n’est pas le même, et la saturation sentie dans la mélodie d’harmonica, la voix de Bernard et la batterie confèrent un grain plus chaud. «Avec Éric Villeneuve, on a décidé de tout ré-amplifier les instruments, explique Bernard. Même la voix et le drum passaient par des amplis dans la pièce où étaient disposés les micros. C’est ce qui donne le son plus lo-fi et gras.»

Le mélancolie rattrape Numéro 2 avec Le scotch goûte le vent, une poignante balade de peine d’amour d’hiver, une saison toujours maudite par Adamus. «J’ai ben de la misère avec le frette. J’ai pas de permis de conduire et j’ai l’impression d’être pogné chez-nous pendant trois mois.»

Après Les p’tits mardis, une ritournelle sur l’ennui quotidien, l’album se termine par trois chansons courtes: Le problème (ambiance mystérieuse, presque inquiétante), La diligence (rare relent fanfaresque de Brun) et Les chemins de doute (dernière plage mélancolique qui fait écho à Les Obliques, un peu comme les deux versions de Ouais ben).

Au final, 39 minutes de richesses sonores, d’effets de réverbération et de saturation. Un disque réfléchit qui n’offre peut-être pas d’extrait radio assassin, mais un univers protéiné et incarné. Un deuxième disque plus exploratoire, mais qui conserve cette force de frappe singulière qui fait tout le charme d’Adamus.

Numéro 2 sera disponible en magasin le 25 septembre.