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Avignon 2009: Parlons théâtre québécois

Hier après-midi au Cloître St-Louis, quartier général du festival d'Avignon, on discutait théâtre québécois. La table ronde, animée par l'éditeur et homme de lettres Emile Lansman, réunissait des intervenants québécois et français pour tenter de dresser un portrait de la situation du théâtre québécois en France.

Il s'y est dit beaucoup de choses, mais il en ressort un constat: les Français ne voient finalement que bien peu de choses du théâtre québécois. En trois heures de discussions, on n'a entendu que les cinq ou six mêmes noms: Robert Lepage, Daniel Danis, Michel Tremblay, Michel-Marc Bouchard, Denis Marleau et  Wajdi Mouawad. Il y a bien eu mention du Théâtre de la Pire Espèce ou de Sébastien Harrison, mais si peu. Une sélection bien peu représentative de l'ensemble. «Certes, a dit Marie-Hélène Falcon (directrice artistique du Festival Trans-Amériques), mais est-ce bien nécessaire d'exporter ce qui est représentatif de l'ensemble ? Quand je choisis des spectacles à l'étranger, je m'intéresse surtout à ceux qui sont en rupture avec leur milieu, ceux qui font avancer les autres. C'est la même chose pour les programmateurs français de passage au Québec."

N'empêche, on touche là à un autre problème. Sur le nombre effarant de compagnies actives au Québec, combien sont en effet engagées dans cette voie parallèle, motivées par le désir d'aller toujours plus loin et de faire monter tout le monde avec eux vers le haut? Combien travaillent dans une optique internationale, en tenant compte de ce qui se fait ailleurs pour s'y positionner ou ne pas le répéter? Pas assez, sans doute. Et le metteur en scène Martin Faucher, lorsqu'il expliquait le rapport de proximité qui existe entre les artistes et le public de chez nous, a mis le doigt sur un élément d'explication.  «C'est formidable ce rapport avec le public, ce dialogue constant, mais parfois ça empêche aussi la prise de risques, par crainte que le public ne suive pas.» Et vlan. Voilà ce qui paralyse, consciemment ou non, bon nombre de créateurs québécois qui craignent de voir leurs salles se vider.

Bon, c'est vrai qu'au Québec, le réflexe d'aller au théâtre n'est pas aussi ancré que chez les Français. Mais, entre vous et moi, la peur de la salle vide est-elle vraiment légitime ? Les salles du FTA et du Carrefour, qui accueillent les artistes les plus audacieux de l'Europe et du monde entier, sont pourtant remplies à craquer. Quand on offre au public un travail de qualité, que ce travail soit risqué ou non, le public est au rendez-vous. Qu'on se le dise. 

Bien sûr, il manque aussi des fonds publics pour permettre aux productions québécoises de tourner. Cela, personne ne le conteste. Mais en adoptant un nouvel état d'esprit, en favorisant la prise de risques et en se tournant nous aussi vers l'international (sans y égarer notre identité, ce qui n'est pas impossible – l'exemple de Robert Lepage en est probant), parions que de nouveaux créateurs québécois se mettraient à circuler dans le Vieux Continent. Il est permis d'en rêver.

°°Philippe Couture est invité au festival d’Avignon avec le soutien de l’Office franco-québécois pour la jeunesse.