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Contre la critique: Tony Nardi frappe encore

On dirait bien que c'est le tour de Pat Donelly, journaliste théâtre du quotidien The Gazette, de prendre les coups de Tony Nardi. L'acteur et metteur en scène, dont je vous racontais ici-même la virulente prise de position contre le théâtre canadien-anglais, répond ce matin à la critique de Donelly à propos de sa Lettre no 2 (Letter Two). Une nouvelle charge que vous pouvez lire au complet dans la section commentaires de mon billet précédent.

Nardi s'attaque à l'écriture de Donnelly, qui serait le reflet d'une pensée sans envergure (je traduis librement et peut-être maladroitement l'expression "little thought" utilisée par le polémiste). Ça, c'est l'un des passages polis de sa diatribe. Dans la même phrase, il qualifie les écrits de Donnelly de «selles insalubres (stapered stool stamps)». Passons sur ces petits écarts de langage, qui servent moins bien le propos, pour se concentrer sur l'essentiel du message: le texte de Donnelly souffre d'une absence de point de vue critique et ne manifeste pas de volonté de s'engager dans le débat ou tout simplement d'y réfléchir, comme l'ont fait les francophones Alexandre Cadieux (Le Devoir), Nicolas Gendron (Dimanche Matin.com), Yves Rousseau (Le Quatrième) et moi-même. Nous voilà donc épargnés. Même si, comme le précise Nardi, les participants montréalais aux discussions suivant la lettre no 2 s'entendaient pour dire que la situation québécoise est à peine plus encourageante que celle des voisins anglos. Ce qui inclut la critique, souvent jugée complaisante et insatisfaisante, ici comme là-bas. Nardi, en plus de régler ses comptes avec Donnelly à propos d'un commentaire «irresponsable» qu'elle a écrit quelques mois plus tôt, attribuant son «courage» à sa notoriété et au fait qu'il a gagné deux prix Génie, lui sert le coup fatal: «English Montreal, for whatever reason, and for way too long, does not feel or think it deserves better.» Traduction: Les Anglo-Montréalais, pour une raison inconnue et depuis bien trop longtemps, ne semblent pas croire qu'ils ont droit à mieux. Ayoye. Ça fait mal.

Pat Donnelly a bien le droit d'être en désaccord avec Tony Nardi. Mais il est vrai que sa critique escamote grandement le contenu de la Lettre no 2 pour en dénoncer superficiellement la forme. Elle reproche au comédien de déverser son fiel sans apparats, sans mise en scène. C'est oublier qu'il ne s'agissait pas là d'une représentation théâtrale en soi, ni d'un objet destiné à séduire et divertir, mais d'une prise de parole sans compromis. Elle accuse Nardi de s'exprimer de manière décousue et d'éterniser son brûlot. Elle n'a peut-être pas tort, et c'est vrai que la lettre no 2 est éparse. Mais jamais dans son texte elle n'aborde les réels enjeux soulevés par Nardi. Elle est pour ainsi dire hors-sujet.

C'est une preuve supplémentaire de la difficulté d'aborder ces questions dans le milieu théâtral. Nardi dit de Pat Donnelly que son écriture est emblématique de la manière canadienne-anglaise, qui passe toujours à côté de l'essentiel. Je ne connais pas assez le milieu anglophone pour en juger, mais ça donne envie de rester à l'affût. Et surtout, de mettre cette situation en perspective avec la nôtre, pour se remettre en question nous aussi.

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