Le mythe du boom pétrolier a la vie dure. Depuis le début de 2012, les économistes et les analystes financiers occupent l’espace média avec un discours triomphant : grâce à l’exploitation des schistes, nous allons nager dans le pétrole et les prix vont bientôt s’effondrer. La plus récente déclaration du genre : celle du président de Gulf Oil, Joe Petrowski, qui déclarait mardi avec une belle assurance que le baril de pétrole se négocierait à 50 $ le baril d’ici la fin de 2013.
Une certitude d’autant plus étonnante que Gulf ne produit plus elle-même de pétrole – elle se contente maintenant de distribuer des produits pétroliers. Et Joe Petrowski ne peut pas ignorer que la production de sa société mère, Chevron, a atteint son sommet en 2000 et qu’elle a décliné de 7 % depuis, malgré un léger sursaut en 2010. Il sait très bien aussi que le prix du pétrole a augmenté – et non pas diminué – de 20 % depuis trois mois.
Mettons les chiffres au clair : la production mondiale de pétrole est remarquablement stable depuis 2005, à environ 75 millions de barils par jour, alors qu’elle augmentait de 2 % par année auparavant. Depuis 2007, la production américaine, il est vrai, est passée de 5 à 7,5 millions de barils par jour (dont deux millions de barils de pétrole de schiste). Mais cette production dépassait déjà les 9,4 millions de barils en 1970 et quant aux besoins quotidiens des États-Unis, ils sont actuellement de l’ordre de 19 millions de barils. La « révolution » est donc bien limitée et l’indépendance énergétique des Américains reste une vue de l’esprit.
Quand l’économie ignore la géologie
Bien que les données brutes soient implacables, les économistes et les analystes financiers continuent à nous prédire des océans de pétrole, n’hésitant pas à citer les mises en garde des géologues pétroliers à l’appui de leurs belles projections. Le dernier épisode de ce petit jeu remonte à la parution, le 9 juillet, d’un article intitulé « Peak Oil and Energy Independance : Myth and Reality » dans EOS, le bulletin de l’Union géophysique américaine.
Dans leur conclusion, les auteurs écrivent notamment : « Alors, l’idée d’un pic pétrolier est-elle un mythe? Si les lecteurs s’attendent à une chute abrupte de la production pétrolière, oui, elle l’est. » La presse économique s’est emparée de cet extrait pour claironner partout que le pic pétrolier n’était qu’un mythe, dans une unanimité dont s’inquiétait cette semaine le Journal britannique The Guardian.
Fin de l’histoire? Pas du tout, car les auteurs de l’étude, plus nuancés, ajoutent que : « Dans la mesure où la production de pétrole conventionnel a atteint un plateau et où de coûteuses sources non conventionnelles demeurent le seul moyen d’augmenter la production à court terme, il est clair que nos sociétés font face à un dilemme. Le prix restera-t-il assez élevé pour développer les sources non conventionnelles et, du coup, limiter la croissance économique? Même si c’est le cas, le rythme de production du pétrole non conventionnel pourra-t-il un jour suffire à matérialiser le concept d’une révolution énergique, sans parler d’une quelconque indépendance pétrolière? »
Les mises en garde des géologues
En fait, l’article de trois pages multiplie les mises en garde. Il rappelle que la production pétrolière reste plafonnée et que la croissance du pétrole de schiste américain ne fait que compenser le déclin rapide (de 5 % par année environ) des puits conventionnels ailleurs dans le monde. Il souligne aussi que l’exploitation de ce pétrole n’est rentable qu’en raison des prix élevés et que malgré l’explosion du prix du pétrole depuis 15 ans, l’offre ne parvient pas à suivre la demande.
De plus, l’exploitation du pétrole non conventionnel exige énormément de travail et d’argent. « Dans le secteur de Bakken dans le Dakota du Nord, écrivent les auteurs, il faut forer 100 nouveaux puits par mois seulement pour maintenir la production au niveau actuel. En mars 2013, 5 047 puits produisaient 705 000 barils par jour à Bakken, soit une production moyenne par puits de 140 barils par jour. Ces chiffres sont insignifiants quand on les rapproche de ceux des puits conventionnels, qui produisent habituellement au rythme de milliers de barils par jour. De plus, il s’agit d’un pétrole coûteux, dont on estime le seuil de rentabilité commerciale entre 80 et 90 $ par baril. »
Débordant du cadre strict de la géologie, l’article souligne qu’à partir de 110 $ le baril, le prix du pétrole semble provoquer une forte baisse de la demande. Il est donc possible que la production chute un jour non pas en raison de l’épuisement des réserves, mais faute d’acheteurs solvables – un facteur dont les économistes ne tiennent jamais compte. Dans l’état actuel des choses, le plafonnement de la production mondiale entrave également le retour de la croissance économique.
La société industrielle marche sur la corde raide. D’une part, il faut maintenant garantir des prix de 80 à 90 $ le baril pour que la production de pétrole soit rentable, un prix plancher qui augmentera au fur et à mesure que s’épuiseront les ressources les plus faciles d’accès. Mais d’autre part, la demande plonge sérieusement à partir de 110 $ le baril et en 2008, le pétrole à 150 $ a littéralement démoli l’économie mondiale. Diminuez les prix un peu et la production s’effondrera; augmentez-les un peu et c’est l’économie qui s’effondrera. Mais pour les économistes, tout va pour le mieux.
Source :
« Peak Oil and Energy Independance : Myth and Reality », EOS, 9 juillet 2013 : http://www.aspo-australia.org.au/References/Bruce/Peak-Oil-and-Energy-Independence-July-2013-EOS.pdf
Encore une fois ce sera la règle de l’offre et la demande qui fixera les prix à la pompe. Le pétrole de schiste permettra aux États-Unis de devenir autosuffisants, mais la demande en provenance d’Asie (Chine et Inde) fera augmenter la demande mondiale à des sommets jamais atteints. Pensons à l’apparition d’une classe moyenne dans les populations de ces 2 pays qui se développent rapidement. Le coût d’extraction de ces nouvelles sources de pétrole restera élevé, et nous ne pourrons pas nous passer de cette énergie sur les 5 continents. Pour l’instant les puits de pétrole conventionnels sont moins coûteux et la récession économique pousse les prix vers le bas.
Les États-Unis ne seront jamais autosuffisants, point final. Même au sommet de leur gloire, lorsque le pétrole conventionnel était abondant et facile d’accès, leur production n’a jamais dépassé 9,4 millions de barils par jour (en 1970). En ce moment, après cinq ans d’efforts surhumains, leur production est passée de 5,0 à 7,5 millions de barils, dont seulement 2,2 en pétrole de schiste.
Or, l’objectif à atteindre, pour l’autosuffisance, est d’environ 20 millions de barils par jour. On est très loin du compte. Il faudrait multiplier par sept la production de pétrole de schiste, ce qui est impossible car il n’existe pas assez de sites à forer, ni assez de plateformes, d’équipes techniques et de capitaux pour arriver à une production aussi colossale. Les géologues pétroliers n’ont d’ailleurs jamais affirmé que c’était possible; ça reste un rêve d’économistes déconnectés des réalités sur le terrain.
Pour ce qui est de la Chine et de l’Inde, leur demande croissante fait en sorte que les prix restent élevés, malgré la récession. Mais il ne faut pas oublier que sous le seul des 80-90$ le baril, toute la nouvelle production non-conventionnelle (schistes, offshore à forte profondeur, polaire…) devient non-rentable, tout comme la recherche. La chute de production provoquerait un rapide redressement des prix.
Le prix a payé! Voyez vous les bonzes de l’économie sont des personnes qui se berces dans l’illusion que tout est merveilleux au royaume de la paperasse d’ailleurs nos banquiers en ont été la preuve marquante en 2008 aidés nous on manque de liquidité on a pas su prévenir on pensaient juste a nos poches, bien peu importe l’indice des prix du baril ce satané liquide est source de bien des maux tel guerres, famines et naturellement pollution et dans un avenir assez rapproché tout comme les banques ils vont manqués de « liquidité » cette fois si nos gouvernements vont leurs pretés du pétrole pour les sortir de l’impasse vous en conviendrez la réponse est assez évidente.Ah oui aux prochaines vacances $2.00 le litre Joyeux noël.A vidé le sang de la terre nous détruisons terre air et mers.Avant le point de non retour des alternatives s’impose au plus sacrant et ils existes voila le drame de la chose!!!
Il y a un pic, une montée vertigineuse du prix du baril sur le 2e tableau, qui semble simultané à la crise de 2008 (subprime, etc.), et qui est probablement plus étroitement lié à cette crise (qui se prolonge toujours) qu’on semble le penser généraleemnt. Le fait est très frappant.
Un prix semblable revient en 2010-2011 sur le même tableau et semble se maintenir, quoique un peu plus bas, jusqu’à ce jour. L’ampleur et la complexité des causes de la crise de 2008 est certainement liée au pétrole, sous une forme ou une autre, et « l’indice pétrolier » de la crise semble se maintenir. Très vraisemblablement liée au pic d’extraction gaz-pétrole. Qui vivra verra. En attendant, procurez-vous un cheval. Ou des chiens de traîneaux.
Bien observé, vous avez le regard bien aiguisé. Quant au mode de transport de remplacement, avez-vous songé à l’âne? Il est plus facile à nourrir qu’un attelage de chiens et nécessite moins de soins qu’un cheval, tout en acceptant de porter de lourdes charges. Il ne reste plus qu’à convaincre le nouveau maire de Montréal de changer le règlement sur les véhicules à traction animale. On verra bien qui sera le plus buté, de l’âne ou de l’administration municipale. 🙂
Test d’inscription 🙂
« Quant au mode de transport de remplacement, avez-vous songé à l’âne? » Oui 🙂 Tout ce que vous dites sur lui est vrai.
Très intéressant votre article : ) Ciao.
Ajoutons que l’âne a le pied plus sûr que le cheval. Dans les rues pleines de nids de poule de Montréal, ça compte!
«L’âne a le pied plus sûr que le cheval. Dans les rues pleines de nids de poule de Montréal, ça compte!» Oui. On pense aussi à la mûle, plus au Nord et pour des distances plus longues. J’habite en Haute-Matawinie, le chien de traîneau, surtout le huskie, est bien adapté et peut nous servir généreusement été comme hiver, surtout l’hiver (mais faut peut-être éviter de faire travailler des huskies l’été). Le cheval aussi est adapté ici. La mûle aussi. Le problème est que ces animaux se sont fait rare au fil des dernières décennies (surtout à partir de la fin des années 50s, en gros) et qu’il faudra se les procurer. À moins de commencer à les élever maintenant. En tout cas, mon contexte matériel ne me permet pas d’en avoir, même ici (toutes le municipalités glissent sur une pente aberrante).
La période de « déplétion » vas nous prendre par surprise. Y aura la bicyclette. Une petite merveille de technologie simple et solide.
Le militantisme montréalais me semble par ailleurs plus organisé – le contexte urbain est la fois le problème et l’avantage pour les « campagnes serrées » du type de celles dont vous parlez. Personnellement je n’ai pas les moyens de « passer » très loin dans ce qui vient. Mais chaque pas que je peux faire, je le fais. Je dépierre un champ présentement. Il s’améliore. J’explore et j’observe les plantes sauvages. J’ai remarqué qu’une couronne d’oreille autour d’un pied d’ail semblait protéger l’ail de la sécheresse. Des heures de plaisir. Ou des siècles. J’aime beaucoup Charlot 🙂
Je voulais parler d’une «couronne d’oseille». C’est très frappant.