Au début du mois de mars, je suivais la formation l’Iris du Goût animée par le biérologue Mario D’Eer au Vices & Versa à Montréal. Outre le fait d’avoir passé un week-end fort agréable en compagnie de gens passionnés, mes lèvres ont enfin fait la rencontre du fameux verre noir qui représente le fondement de ce concept intrigant.
La certification Iris du goût est le programme le plus innovateur n’ayant jamais été développé dans le monde de la dégustation des bières. Il s’agit du premier programme mondial de certification des compétences de dégustateur basé sur des dégustations à l’aveugle.
Je ne suis pas en train d’écrire un texte pour démystifier les bases du programme; c’est très bien expliqué sur le site officiel de l’Iris. Ce que je veux partager, c’est mon expérience de dégustation dans les verres noirs, ce que j’en pense et ce que ça apporte comme nouvelles dimensions. Les seuls prérequis : un verre noir et un complice pour nous servir un produit inconnu.
«L’essentiel est invisible pour les yeux…»
Lorsqu’on verse une bière dans un verre conventionnel, on lui prête des saveurs avant même d’y avoir goûté. De la même façon qu’on juge une personne par son allure générale ou son habillement, on présumera – par exemple – qu’une bière rousse aura des arômes de caramel, qu’une bière brune sera généralement plus sucrée qu’une blonde ou qu’une pinte de noire offrira nécessairement des notes de torréfaction. À ce titre, je suis persuadé qu’en mettant quelques gouttes de colorant noir dans une bière, on obtiendrait des commentaires comme «ça goûte le chocolat» ou encore «ça me fait penser à du café». Je ne suis pas en train de dire que les gens sont des imbéciles; je ne fais que mettre en lumière l’importance qu’on porte au visuel lors de la dégustation d’une bière. Dans un contexte d’analyse, sans qu’on s’en rende réellement compte, les renseignements que nous donnent nos yeux nous servent de béquilles. Je constate une abondance de bulles et une effervescence démesurée : la bière sera forcément pétillante! Et si nous goûtions avant de regarder, serions-nous systématiquement en mesure de tirer les mêmes conclusions? Je crois que non et c’est ce que le verre noir m’a prouvé.
Boire dans un verre noir…
…peut provoquer de drôles de surprises. Vous pourriez dire de bien mauvaises choses au sujet d’une bière que vous appréciez habituellement ou, à l’inverse, vous pâmer pour un produit qui vous laisse généralement indifférent.
…peut vous confondre par rapport aux styles. Puisqu’on confond souvent «style» et «couleur», il devient plus difficile de se rattacher aux saveurs pour trancher. Par exemple, seriez-vous capable de différencier une IPA impériale relativement sucrée d’un vin d’orge américain plutôt amer? Je suis sûr que ceux qui s’y connaissent un peu répondront «ben oui», mais j’aimerais quand même les voir à l’œuvre avec un verre noir sous le nez.
…peut vous donner envie d’essayer de deviner le produit. En réalité, il s’agit du piège principal. L’Iris du Goût sert à identifier les saveurs (sucré, amer, acide) d’une bière et d’en quantifier l’intensité. En cherchant à identifier le produit pendant la dégustation, on veut se rattacher au domaine du «connu». Lorsqu’on croit reconnaître une bière, on a tendance à identifier les saveurs qu’on connaît de cette bière. Mais ça ne fait pas partie des règles du jeu.
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D’autres ateliers de l’Iris du Goût sont à venir à Gatineau les 4 et 18 mai prochains (Grandes et petites histoires de la bière / Les grandes influences – référentiels de base sur le monde de la bière), mais il y a fort à parier que d’autres dates vont s’ajouter pour Québec, Montréal et peut-être même ailleurs. Chose sûre, il s’agit un projet ambitieux et innovateur et vous risquez d’en entendre parler encore. Soyez aux aguets!
Pour plus d’information, pour assister aux ateliers ou pour vous procurer les verres noirs, visitez la boutique de CaBrasse.ca.