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Léthéonie: voyage dans l’oubli

COVER_Léthéonie_450_2XYZVisiblement, Julien Paré-Sorel aime les casse-tête.

Il s’y était déjà intéressé dans un projet BD ultérieur. Et il y revient avec Léthéonie, publié cet automne chez Front Froid.

Le genre d’album qui nécessite un investissement actif du lecteur, pour bien saisir la nature de ce qui est raconté, de ce qui est vécu au fil des planches. Une solution, une explication qui est là, bien présente, palpable. Voire même des solutions : selon nos expériences, selon nos références… Il n’en tient qu’au lecteur de l’y extirper.

Pour assurer cette cohérence, Paré-Sorel n’a rien laissé au hasard dans son Léthéonie. Tout particulièrement dans l’architecture des lieux et des êtres qui les peuplent.

Pensés, individuellement en regard d’une fonction, d’une émotion, d’une dynamique.

Pensés, collectivement, comme un écosystème, répartis au fil de l’île qu’il nous invite à découvrir au fil des pages, présentés au fil des rencontres réalisées par son personnage principal.

D’une façon, j’aurais envie de dire que Léthéonie, c’est un peu un Road Movie.

Un héros qui se réveille, un beau jour, sur une plage d’une île qu’il ne connaît pas, ne sachant trop pourquoi il s’y trouve, ou ce qu’il y fait. Il partira à sa découverte, de ses marais à ses sommets, de ses plages à ses forêts. Le tout présenté au lecteur par chapitre, de manière épisodique… De rencontre en rencontre, justement. D’étape en étape.

Un Road Movie, oui. Et aussi, clairement, un récit centré autour de la notion de mémoire ou d’oubli. La référence mythologique du titre (Léthé, personnification de l’Oublie dans la Grèce Antique, ou encore ce fleuve Letheonie_p3des Enfers dans lequel les ombres des morts allaient boire afin d’oublier le passé) est d’ailleurs fort claire à cet effet.

Oubli pour le héros, donc. Quête d’identité, quête de soi…

Oubli pour le lecteur également qui, à l’image du héros qu’il suivra au fil des planches, est placé devant l’inconnu…

Un vif moteur, donc, pour cette « lecture active » que propose Julien Paré-Sorel qui souhaite, par là, amener le lecteur à lire et relire l’ouvrage… À prolonger, donc, l’expérience de lecture offerte par Léthéonie. Et à l’amener, au fil de la réflexion qui y est liée, peut-être également un brin au-delà des planches…

C’est un sympathique ouvrage qui nous est donc proposé ici. De par sa démarche autant que dans son dessin. Une belle recherche graphique pour un univers tout en cohérence qu’on invite le lecteur à explorer. Un voyage de quelques mots, mais de beaucoup d’images, rythmé au fil des planches, passant de pages occupées par une case, deux cases, à d’autres, où elles se multiplient.

Entre la contemplation et l’urgence, si l’on peut dire…

Troisième parution de la collection Anticyclone poussée par Front Froid (après Émeute à Golden Gate de Jeik Dion et Philip Kaufman, et La Petite révolution de Boum), Léthéonie nous propose donc une lecture dynamique et engageante, qui trouve agréablement sa place dans notre bibliothèque.

Si vous avez envie d’en entendre un peu plus sur l’ouvrage, je me permets, en terminant, de diffuser ici une petite rencontre enregistrée il y a quelques jours avec Julien Paré-Sorel, question de revenir, une dizaine de minutes, sur les circonstances de création de l’album :