Michel Laprise : L'art du faux
Scène

Michel Laprise : L’art du faux

Après la réconciliation entre les sexes, dans Masculin/Féminin, MICHEL LAPRISE a écrit une pièce sur la vraisemblance et l’illusion, le vrai et le faux. Toujours en voulant repousser un peu plus loin les frontières de la représentation théâtrale.

En cette ère de marketing et d’infopub, le metteur en scène Michel Laprise fait bande à part. Pour la promotion de L’Ombre d’un doute, la prochaine création de sa compagnie, le Théâtre Pluriel, il a demandé aux comédiens de ne rien révéler de l’histoire, et il a interdit aux caméras de télévision de prendre des images des répétitions! Pour la rencontre avec le journaliste de Voir, il a suggéré de faire l’entrevue dans l’obscurité la plus totale avec un magnétophone… Pourquoi pas!

«Je voulais que les entrevues avec la presse soient comme un jeu», affirme Laprise, dans la noirceur d’un local de l’École nationale. Et, bien sûr, cela a un lien avec la pièce, dont les dix premières minutes se déroulent dans le noir total. Seul élément de l’histoire que Laprise se hasarde à dévoiler: le personnage principal (Gabriel Gascon) est atteint de cécité depuis trois ans. Il doit donc s’en remettre à ses proches pour se faire une idée du monde dans lequel il vit. Il leur voue en somme une confiance… aveugle.

«Sa vision du monde est construite à partir du regard des autres. Je voulais faire, humblement, une métaphore de l’homme moderne qui ne peut pas s’informer à la source, qui doit faire confiance aux médias pour se faire une idée.»

Si Masculin/Féminin, le précédent show de Laprise, était «une pièce sur la réconciliation», L’Ombre d’un doute porte plutôt sur le conflit. L’auteur a écrit la pièce lors d’un séjour à Paris, après avoir été confronté à «la méchanceté et à la mesquinerie de certaines gens du milieu». Mais l’écriture a dépassé l’anecdotique pour devenir «une fable sur la désinformation et le pouvoir».
«Pourquoi, dans la vie, préfère-t-on souvent le mensonge à la vérité?, de questionner Laprise. Peut-être que le mensonge est plus séduisant… En tout cas, il nous déresponsabilise. En travaillant sur ce texte, j’ai découvert que, moi aussi, j’aime souvent vivre dans l’illusion plutôt que dans la réalité.»

La démarche du Théâtre Pluriel est souvent axé sur la notion de perception. Pour Laprise, il y a toujours quelque chose qui vient influencer l’expérience théâtrale. «Dans des shows comme Fenêtre sur qui? ou Tonalités, le dialogue qui s’installe entre les comédiens et les spectateurs est souvent de l’ordre de la perception. Il y a des moments-clés pendant lesquels le spectateur doit prendre position selon sa vision des choses.

«J’aime déstabiliser le public, poursuit-il. Je questionne les conventions de la représentation, pour mettre l’accent sur la relation scène-salle. Je veux faire des shows différents, qui ne puissent pas s’adapter ni au cinéma ni à la télévision. Ça ne marche pas toujours… Mais c’est le risque de la création.»

Outre Gabriel Gascon, la distribution comprend également Aubert Palascio, Robert Toupin, Carmen Ferlan, Pascal Auclair, Julie Beauchemin, Charles Lafortune et Stéphane Blanchette.

Du 11 mai au 2 juin
À la salle André-Pagé de l’École nationale de théâtre
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