Les 7 Jours de Simon Labrosse : Tranches de vie
Scène

Les 7 Jours de Simon Labrosse : Tranches de vie

La vie de Simon Labrosse n’est pas un théâtre… mais une beurrée de marde!!! Ce sombre constat, Simon est beaucoup trop candide pour se résigner à le faire.

La vie de Simon Labrosse n’est pas un théâtre… mais une beurrée de marde!!! Ce sombre constat, Simon est beaucoup trop candide pour se résigner à le faire. C’est pourquoi il a décidé de nous jouer sa vie. Le temps d’une pièce en sept actes représentant autant de jours dans son existence. Le théâtre dans le théâtre, pour mieux nous parler de la vraie vie qui est trop souvent absente, voilà la prémisse de la plus récente création de Carole Fréchette, Les 7 Jours de Simon Labrosse, mise en scène par Martin Faucher.
La pièce a déjà été présentée en lecture publique dans le cadre de la Semaine de la dramaturgie, en décembre 1995. Près de cinq ans plus tard, le Théâtre de la Manufacture produit à La Licorne le texte de Carole Fréchette. Cette ancienne comédienne, fonctionnaire au Conseil des Arts, et auteure des Quatre Morts de Marie, a décidé de se consacrer uniquement à l’écriture en 1993. Tout vient à point à qui sait attendre, car madame Fréchette représente une des nouvelles voix les plus originales et les plus intéressantes de notre paysage dramaturgique.
Mais revenons à Simon. Sa vie ressemble à une course à obstacles. Chômeur diplômé et sans le sou, il cherche désespérément un emploi. Mais il n’en trouve pas. Débrouillard et autonome, il décide de proposer ses services aux autres. Chaque jour, il imagine un nouveau métier: cascadeur émotif, finisseur de phrases, flatteur d’ego, allégeur de consciences, remplisseur de vide, ou consoleur d’âmes en peine. Or, chaque fois, il est rejeté par tout le monde…
Simon est aussi amoureux. Lorsqu’il rentre chez lui, le soir, après ses vaines recherches d’emploi, il enregistre des cassettes pour Nathalie, sa blonde exilée en Afrique. Mais cette dernière ne lui répond pas; et les cassettes envoyées outre-mer lui reviendront avec la mention «destinataire inconnu»… On devinera alors que, à l’instar de ces professions qu’il se forge, l’amour de Nathalie est aussi le fruit de son imagination.
Au fil des jours, la volonté de Simon s’effac comme la queue d’une comète dans le ciel de ses espérances. À la fin, le comique de son quotidien ne peut plus cacher son immense solitude. Simon se plante au centre de la scène et, stoïque, il fixe le public. L’éclairage baisse, seule une ampoule nue jette une lumière blafarde et faiblissante. Noir.
Ce finale montre que, malgré l’humour des péripéties du pauvre Simon, la dernière pièce de Carole Fréchette est un drame. Le drame des gens qui vivent en marge d’un système de plus en plus étouffant pour le petit monde. Le drame d’une société qui fait de moins en moins de place à ses marginaux. Pas ces marginaux que l’on croise dans la rue et qui affichent leur mal de vivre. Pas ceux qui dénoncent les autorités et courent les manifs, qu’importe la cause. Simon Labrosse est un marginal moins spectaculaire. Un homme qui vit dans l’anonymat en cultivant ses illusions. Un solitaire qui nage à contre-courant de ses contemporains. Car Simon est un naïf perdu dans un monde de cyniques.
Tout au long de la pièce, les personnages nous lancent des statistiques de toutes sortes: sur le taux de chômage, l’indice Dow Jones, la chute du Nasdaq ou du dollar canadien… Ces statistiques économiques rendent encore plus absurde la quête de Simon. Malheureusement, la mise en scène de Martin Faucher accentue beaucoup trop l’aspect ludique et comique du texte. Au point où j’avais l’impression d’assister, par moments, à un spectacle jeune public tant le jeu des comédiens était appuyé. Faucher a beau vouloir se distancier du drame, il est dommage que les artifices de sa mise en scène nous éloignent parfois des enjeux du texte.
Toutefois, dans le rôle de Simon, Daniel Parent offre une prestation remarquable. Le comédien réussit rapidement à rendre son personnage attachant. Il a une gueule et un charisme qui font penser au comédien Alexis Martin, avec lequel il semble aussi partagé un talent certain. C’est un acteur à surveiller. Sophie Vajda, dans le rôle de Nathalie, obsédée par son développement personnel, et Phlippe Cousineau, en poète déprimé et négatif, forcent un peu la caricature. Le décor de Jean Bard, qui dédouble l’appartement de Simon pour créer une mise en abyme, est efficace.
Finalement, la pièce vaut le déplacement pour la découverte d’un personnage en quête de hauteur qui se heurte au confort et à l’indifférence de sa société._

Jusqu’au 29 avril
À La Licorne
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