Clone-moi : Mauvaise expérience
Scène

Clone-moi : Mauvaise expérience

Avec une création hybride et bizarroïde, François Archambault croise plusieurs genres: de la comédie légère à la comédie musicale en passant par l’horreur. Hélas, l’auteur de Cul sec n’est manifestement pas dans son élément.

Il en va des créations artistiques comme des expériences scientifiques: on a beau disposer d’une bonne idée de départ, impossible de prévoir le résultat final. Sur papier, la pièce de François Archambault, Clone-moi, avait un potentiel alléchant. Une comédie sur le clonage, voilà qui nous change agréablement des intrigues convenues des pantalonnades, et qui remet les pendules poussiéreuses du théâtre d’été à l’heure de Dolly et des manipulations transgéniques. Bienvenue en l’an 2000! Un morceau de robot, donc, pour l’audace du Théâtre des Grands Chênes de Kingsey Falls – qui a le mérite de ne présenter que des créations. Mais pour le reste…

Avec ce spectacle hybride et bizarroïde, François Archambault joue lui-même les apprentis sorciers, en croisant plusieurs genres: la comédie légère, la comédie musicale et la comédie d’horreur à la sauce scientifique. Hélas, on est loin des Frankenstein Junior, ou de Little Shop of Horrors, qui auraient pu servir de modèles au genre.

De crainte de devoir léguer son entreprise de «paparmannes» à un autre que lui-même, le bien nommé Narcisse (Christian Bégin) rêve d’un successeur à son image: un clone. Par une nuit orageuse, il rend donc visite à l’inquiétant Herman (Normand Lévesque), un savant misanthrope à la tête de Frankenstein (le monstre, pas le docteur). Narcisse y fait connaissance avec les étranges «rejetons» du scientifique, qui sont en fait le fruit (ici, il faudrait dire le légume…) de croisements entre humains et certains aliments: la belle Maïs-Soleil (Julie Perreault), dorée à ravir, et le rondelet Jean-Navet (Marcel Leboeuf), dont les blagues ont la lourdeur et le mauvais goût attendus…

Au-delà de cette prémisse, pratiquement rien ne bouge, tant il manque une épine dorsale, bref une histoire solide, à la pièce. L’intrigue (quelle intrigue?) se réfugie dans deux maigres filons: les mamours compliqués de Maïs-Soleil avec l’invité, et les pitreries horrifiques, gracieuseté de Jean-Navet, dont le pauvre Narcisse fait les frais. Surtout prétexte à accumuler les bizarreries, l’histoire piétine, et il faut attendre l’épilogue pour voir arriver le clone. Dommage que l’auteur n’exploite pas davantage son riche thème, dont il ne fait pas grand-chose. Avec ce texte généralement paresseux et peu inspiré, on n’est clairement pas dans la satire.

L’entreprise se veut bien sûr parodique. Mais même (et surtout, dirais-je) la parodie exige une certaine rigueur. Clone-moi tire un peu dans toutes les directions, comme si le spectacle ne savait trop quel niveau d’humour embrasser. Aux côtés de passages plus fous, plus imaginatifs, qui jouent avec le délire de la situation (le monologue nostalgique de Narcisse sur sa main perdue; les grains de Maïs qui éclatent sous les baisers…), cohabitent de lourdes fantaisies, des gags délibérément niaiseux («moignon donc»), ou des jeux de mots faciles. Alors qu’on sait que l’auteur de Cul sec et de Si la tendance se maintient peut être férocement drôle, quand il donne dans la critique sociale. Ici, il n’est manifestement pas dans son élément.

Malgré les costumes éclatés dessinés par Suzanne Harel, la mise en scène de Normand Chouinard ne pousse peut-être pas assez clairement la veine parodique. Par exemple, ces chansons qui se veulent caricaturales, mais qui, à quelques exceptions près, se déroulent mollement sur la musique fade d’Yves Morin. Entre le numéro de «savant fou» au parler syncopé de Normand Lévesque et les galipettes de Marcel Leboeuf, le jeu offre peu de surprises. Christian Bégin, lui, fait ce qu’il peut (c’est-à-dire qu’il en fait beaucoup) avec son personnage peu ou mal dessiné. Seule la délicieuse Maïs-Soleil de Julie Perreault parvient à charmer par sa fraîcheur.

Souvent plus bizarre que drôle, Clone-moi ressemble, la plupart du temps, à un croisement expérimental qui aurait mal tourné…

Jusqu’au 2 septembre
Au Théâtre des Grands Chênes de Kingsey Falls
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