Éric Paulhus et Benoît McGinnis : Deux frères
Scène

Éric Paulhus et Benoît McGinnis : Deux frères

Après y avoir monté Les Parapluies de Cherbourg et L’Homme de la Mancha, René Richard Cyr s’apprête à faire vibrer le Centre culturel de Joliette aux airs d’un nouveau théâtre musical. En tout début de carrière, ÉRIC PAULHUS et BENOÎT McGINNIS incarnent les Frères de sang d’un poignant mélodrame signé par le Britannique Willy Russell.

Créé en 1983, le musical de Willy Russell Blood Brothers tient l’affiche du Phoenix Theatre de Londres depuis 1988. Quand le metteur en scène et directeur artistique du volet estival du Centre culturel de Joliette, René Richard Cyr, découvre ce mélodrame offert par l’auteur d’Educating Rita et Shirley Valentine, son engouement est immédiat. Il aura pourtant fallu quelques années pour réunir les conditions idéales à la création francophone de cette œuvre plébiscitée à travers le monde. Avec une distribution de onze acteurs et un orchestre de quatre musiciens, Frères de sang s’ancre dans le sort d’une mère célibataire de sept enfants (Maude Guérin). Enceinte de jumeaux, celle-ci ne voit d’autres choix que de céder, dès sa naissance, l’un de ses fils à une famille fortunée. Si les destins des deux garçons vont prendre des tournures bien différentes, leurs trajectoires demeureront malgré tout inéluctablement liées.

À la veille d’endosser les rôles-titres d’un drame musical d’une telle envergure, Benoît McGinnis et Éric Paulhus paraissent étonnamment confiants. "C’est assez rare pour un acteur d’avoir la chance de participer à ce genre de projet, affirme Paulhus. Au début, j’étais craintif et maintenant, je voudrais faire ça tout le temps. Le plus rassurant, c’est la tradition qui s’est installée à Joliette, une façon de faire de la comédie musicale qui est assez audacieuse quand on y pense." "Les spectateurs ne se déplacent pas en fonction des noms inscrits sur l’affiche, ajoute McGinnis. Ils acceptent de voir des productions sans vedettes, mais profondément humaines et touchantes." En matière d’émotion, ce spectacle promet d’être à la hauteur. La fatalité qui plane dans cette histoire de famille ouvrière a beau venir d’Angleterre, elle trouve, paraît-il, d’importantes correspondances dans notre mémoire collective: "Au Québec, à une certaine époque, de nombreuses femmes ont dû se séparer de leurs enfants pour des raisons diverses, rappelle Paulhus. Il y a, encore aujourd’hui, beaucoup de non-dits dans les familles, de lourds secrets enfouis. Le déchirement ressenti par la mère devrait toucher plusieurs spectateurs."

Défi d’acteurs
Si les spectacles créés par les Productions Libretto profitent de l’époque florissante que traverse actuellement la comédie musicale au Québec, ceux-ci adoptent une formule assez unique. Sans hésiter, les deux comédiens accordent à leur metteur en scène le mérite de cette agréable singularité. "René Richard privilégie l’intériorité, précise Paulhus. Ça fait toute la différence, car la voix n’est jamais détachée de l’émotion du personnage. Le résultat repose sur les acteurs et les musiciens, pas sur d’impressionnants changements de décor."

Le texte de Willy Russell (traduit par Maryse Warda) semble avoir posé de grands défis aux deux interprètes. Tout d’abord, par la nature de ses dialogues, chargés de répliques tronquées et d’hésitations, mais surtout à cause de la délicate évolution des personnages de l’enfance à l’âge adulte: "La pièce est constituée d’une succession de courts tableaux, explique Paulhus. Comme l’histoire se déroule sur 20 ans (de 1962 à 1982), nos personnages ont parfois quatre ans de plus d’une scène à l’autre. Créer de fines nuances entre les âges est une tâche assez complexe qui est peu fréquente au théâtre."

Possédant d’indéniables aptitudes vocales et un amour inné du chant, les deux jeunes comédiens affirment s’appuyer, ici comme ailleurs, sur leur formation d’acteur. "Outre un travail musical préparatoire, on a abordé Frères de sang exactement comme on l’aurait fait avec une pièce traditionnelle, affirme Paulhus. On a cherché à en faire ressortir l’humanité, à la jouer avec franchise." "On compose nos personnages avec profondeur, ajoute McGinnis. C’est probablement ce qui fait la différence avec d’autres comédies musicales." "Comme on n’apprécie pas les imposteurs, on ne se prétend pas chanteurs, renchérit Paulhus. On demeure des acteurs qui chantent, mais on sait très bien qu’on est capables de livrer la marchandise!"

Du 14 juin au 14 août
À la Salle Rolland-Brunelle du Centre culturel de Joliette