Tout comme elle : À chour ouvert
Scène

Tout comme elle : À chour ouvert

Avec Tout comme elle, un oratorio magistral pour 50 voix, Brigitte Haentjens repousse les limites de son art.

Si les précédentes réalisations de Brigitte Haentjens abordaient avec franchise la douloureuse relation mère-fille – notamment ses relectures de L’Éden cinéma et de La Cloche de verre -, la plus récente création de la souveraine directrice de la compagnie Sibyllines s’y plonge corps et âme, c’est-à-dire avec une impudeur aussi impitoyable que salvatrice. Prenant sa source dans la prose exquise de Louise Dupré, Tout comme elle est un moment de théâtre exceptionnel. Avec l’aide de Julie Charland et Yso (costumes), Claude Cournoyer (lumière), Bernard Falaise, Bernard Grenon et Émilie Laforest (musique), Haentjens signe une œuvre chorale où la haine et la tendresse sont vécues et proférées avec tant d’authenticité qu’elles en atteignent des proportions incommensurables.

En ce moment, la scène de l’Usine C accueille un événement artistique à n’en pas douter historique. Chaque soir, 50 de nos plus grandes comédiennes fichent leurs talons hauts de femme, d’artiste et de citoyenne dans les sables mouvants de la relation mère-fille. Au nom de toutes leurs semblables, dotées de la force du nombre, elles approchent le gouffre immense qui sépare chaque femme de celle qui l’a mise au monde. Intrépides, elles tendent la main à celles qui se trouvent sur l’autre rive. Alors que certaines, une fois réunies, en profitent pour se blottir l’une contre l’autre, d’autres se poussent cruellement dans le vide. Il y a des ruptures tout aussi nécessaires que des réconciliations.

Il ne faudrait surtout pas croire que la soirée est funèbre, loin de là. Le chœur n’est pas tragique et gémissant, il est battant et combattant. Similaires et différents, les corps s’étreignent et s’égratignent avec drôlerie, dérision et lucidité. Tout en exécutant la chorégraphie d’un affrontement immémorial, ces femmes entonnent un grand chant d’amour. Tout comme elle est une somme, une œuvre monumentale où apparaissent, sur un seul et même tableau, toutes les forces de sa créatrice. En empruntant à la choralité de Jacques Lecoq aussi judicieusement qu’a l’esthétique de la pin up, à la plastique de Vanessa Beecroft aussi habilement qu’à l’imagerie religieuse, Brigitte Haentjens mène un bal que nous ne sommes pas près d’oublier.

Jusqu’au 4 février
À l’Usine C
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