Jacques Laroche : Revu et corrigé
Scène

Jacques Laroche : Revu et corrigé

Jacques Laroche et l’équipe des Productions Préhistoriques débarquent enfin de Québec pour dévoiler aux Montréalais leur fameux King Lear contre-attaque, une relecture clownesque des oeuvres de Shakespeare.

Création collective inspirée de l’univers du grand Will – le communiqué parle d’un laboratoire théâtral où six zigotos, en quête d’une raison pour rester sur scène, se sont enfargés dans l’oeuvre de Shakespeare -, King Lear contre-attaque est mis en scène par Jacques Laroche. Avec des projets comme celui-là, où alors comme le Gloucester de Simon Boudreault et Jean-Guy Legault, un texte qui a été lu la semaine dernière à la Sala Rossa, on peut dire que le dramaturge élisabéthain a la cote ces jours-ci, surtout auprès de ceux qui donnent dans le rire et la dérision.

Cette fois, il s’agirait d’une expérience théâtrale spontanée dont l’acteur et sa folie sont les pivots. Une création où les destins tragiques et bien connus d’Othello, Desdémone, Iago, Hamlet et, bien sûr, King Lear sont revus et corrigés par… six improbables clowns. En effet, Alexia Bürger, Catherine Larochelle, Véronika Makdissi-Warren, Sophie Martin, Francis Marineau et Alexandre Morais incarnent un chat, un matelot, un cuisinier, une princesse, un cowboy et un Cro-Magnon. Au coeur de cette curieuse mais inventive galerie de personnages, il y a un fameux mouchoir. Vous savez, celui qui suffit à déclencher les foudres d’un mari jaloux, très jaloux?

"Dans le spectacle, explique le metteur en scène, on bifurque très vite de King Lear vers Othello. Finalement, c’est une grosse erreur d’avoir choisi cette pièce. Mais, on le sait, ça fait partie de l’esprit du clown que de mal interpréter les choses, de mal comprendre, de ne retenir qu’un élément. Comme l’affiche, par exemple, qui ne représente absolument pas le spectacle. Ça laisse présager une représentation très violente, alors qu’elle est très tendre. En fait, on n’est jamais bien loin de la chambre à coucher."

Ainsi, le chassé-croisé, ce délire que certains critiques de la Vieille Capitale ont jugé hautement rafraîchissant, est bien plus amoureux que politique, bien plus fantaisiste que tragique. "À vrai dire, l’intrigue de Shakespeare est un prétexte. J’ai l’impression que le spectacle parle plus du théâtre, de l’envie qu’on a d’aller sur scène et d’être appréciés, applaudis par un public. C’est du vrai théâtre d’acteurs. D’ailleurs, le décor est une scène de théâtre, le Globe en miniature."

Ainsi, il n’y aurait pas vraiment de distinction entre l’acteur et le clown. Il faudrait plutôt parler de cohabitation. Comme on dit, au creux de chaque acteur, il y a un clown qui sommeille. Ici, les clowns semblent bien réveillés! "Ce sont comme des enfants qui refusent d’aller se coucher, explique Laroche. Parce qu’il y a de la visite, des gens à qui ils veulent présenter leur spectacle. On peut dire qu’ils ne sont pas là pour impressionner le public, mais bien pour le séduire, l’attendrir."

À en croire la rumeur, le charme opère. Mais qu’est-ce qui explique que le spectacle n’ait pas été présenté à Montréal auparavant. "J’étais un peu craintif au départ, avoue Laroche. Le spectacle a été créé il y a quand même six ans! Mais, en commençant à répéter, j’ai bien vu que ça tenait toujours la route. D’abord grâce à Shakespeare, que je considère un peu comme un bien culturel commun, une vedette, le Wayne Gretzky du théâtre. Mais aussi parce que le spectacle est traversé par une naïveté qu’on voit rarement au théâtre. C’est très doux. Il se tisse tranquillement une complicité entre les acteurs et les spectateurs. À mon avis, c’est ce qui fait la force de l’ensemble."

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LES PRODUCTIONS PREHISTORIQUES

En 1999, les comédiens Jacques Laroche et Véronika Makdissi-Warren ont fondé les Productions Préhistoriques pour donner libre cours à l’une de leurs plus grandes passions: le clown. En s’appuyant sur l’acteur et ses immenses facultés d’improvisation, ils ont créé Mammouth et Maggie, un spectacle qui a séduit les spectateurs de Premier Acte, pour ensuite charmer ceux du Théâtre Périscope, en 2001, et du Théâtre d’Aujourd’hui en 2003. La deuxième création de la compagnie, King Lear contre-attaque, a vu le jour en 2002, au Périscope, puis, victime consentante de son succès, a été reprise au même endroit, 2 ans plus tard. Porté par les éloges qu’il a reçus dans la capitale, le spectacle débarque enfin dans la métropole.