S’il y a une chose qu’il faut applaudir dans l’entreprise de Jean-Rock Gaudreault, avec ce rare texte pour adultes dans une oeuvre majoritairement composée de pièces jeune public, c’est sa volonté de porter un regard critique sur le Québec d’aujourd’hui et de remettre au goût du jour les questions d’identité, qui continuent de nous obséder même si elles ne sont plus à la mode.

Au coeur de la vie d’Henri (Michel Dumont) et Anne-Marie (Pauline Martin), ce couple de vaillants Saguenéens confrontés à leurs échecs et désillusions, se bousculent les questions de la transmission de leurs valeurs et de leur identité à la génération suivante, et celles de leur rapport à la langue, au travail, au territoire, à l’inter-culturalisme et à l’affirmation nationale. Dommage que tout cela demeure tiède et inoffensif.

À vrai dire, la pièce a des airs très familiers, et ses personnages, à quelques exceptions près, vivent les mêmes remises en question que les intellos désemparés du Déclin de l’empire américain et des Invasions barbares, films cultes de Denys Arcand. Gaudreault porte le même regard sur les échecs de la nation, en déplaçant toutefois sa lentille hors de Montréal, vers la classe ouvrière.

Pourtant, le constat social manque de virulence et de subtilité, parce qu’il se perd dans la glorification du bon coeur et des valeurs traditionnelles des personnages, réduisant souvent le propos à un éloge de la vie simple, de l’amour tranquille et du dur labeur. Rien de mal à ça, mais cette insistance à nous faire voir les choses de l’unique point de vue d’Henri et Anne-Marie ne suscite pas la réflexion attendue et encourage plutôt l’attendrissement. Les autres personnages, comme Larry (Harry Standjofski), l’Anglais de service, ou Henriquez (Marcelo Arroyo), l’immigrant guatémaltèque, sont hélas plutôt schématiques.

La mise en scène de Monique Duceppe est conventionnelle, pour ne pas dire convenue, et ne révèle rien de plus que ce que le texte nous laisse voir à sa première lecture. Dans l’ensemble, elle a dirigé ses acteurs vers un jeu réaliste, sans excès, malgré une légère tendance à l’émotion surfaite dans certaines scènes, notamment lors des envolées nationalistes d’Henri. Un spectacle qui se prend bien, mais qu’on oubliera vite.