Martin Genest : Vertigo
Scène

Martin Genest : Vertigo

Vertigineuse offre que nous fait Martin Genest avec son adaptation théâtrale d’Octobre de Pierre Falardeau. Au-delà de l’histoire, le metteur en scène nous renvoie cette question: jusqu’où seriez-vous prêts à aller pour défendre vos valeurs?

Après avoir adapté en 2005 le film Festen au théâtre, Martin Genest utilise encore le septième art avec son dernier-né, Octobre 70, une production du Théâtre Blanc. Alors que Festen s’attardait au rapport à l’image, Genest raconte que, d’emblée, c’est le problème éthique plutôt que l’intérêt historique qui l’a poussé à adapter cette oeuvre de Falardeau: "Pourquoi adapter Octobre? Parce que, essentiellement, je ne sais pas jusqu’où j’irais, moi, pour défendre mes valeurs. Ces gars-là sont allés jusqu’à tuer quelqu’un par conviction politique, conviction humaine. Je ne dis pas que je suis d’accord avec ça! Mais, à petite ou grande échelle, c’est une question à laquelle on peut être confronté. Se tenir debout ou plier?" Une question qui fait partie prenante de notre histoire, qu’on le veuille ou non. Cités en ouverture du film de Falardeau, les mots de Camus: "Nécessaire et inacceptable."

TRAVERSER LE MUR

Martin Genest aime jouer avec la convention du quatrième mur. Avec Festen, lui et le scénographe Jean Hazel amenaient le public directement à la table où étaient rassemblés les protagonistes. "Jean et moi, ça nous intéresse beaucoup de placer le spectateur dans l’espace scénique; l’amener malgré lui à jouer un rôle", explique Genest. Ils ont donc imaginé, dans la Caserne Dalhousie, un espace qui, il le sait déjà, sera déstabilisant pour le public… et vertigineux!

Comme Octobre s’intéresse à ce qui se passe de l’intérieur, alors que sont enfermés durant neuf jours d’attente interminable les quatre ravisseurs (Lucien Ratio, Éric Leblanc, Louis-Olivier Mauffette et Renaud Paradis) et Pierre Laporte (Vincent Champoux), Hazel a imagé une scénographie où les spectateurs ont une vue inédite sur la situation, alors que ces derniers sont disposés sur les trois étages qui entourent et surplombent la scène, représentant une maison, amputée de son toit. Maison qui devient cage, huis clos de plus en plus insoutenable.

De là, Genest utilise divers procédés – la simultanéité des scènes, qui embrouillent la notion de temps, la projection, pour rapprocher l’acteur du public à certains moments-clés – "pour amener le spectateur, qui au départ sera plutôt dans une position critique, au-dessus de la situation, dans les états – la rage, le doute, la fatigue – par lesquels ces gars-là sont probablement passés".

JE ME SOUVIENS

Genest et son équipe ont eu la chance de rencontrer Falardeau avant son décès. Le cinéaste a fait preuve d’une grande générosité en leur partageant entre autres quelques anecdotes de tournage et en fournissant au metteur en scène ses versions de scénario d’Octobre. "On ne le savait pas, mais il était déjà malade à ce moment-là, peut-être même qu’il savait qu’il allait mourir, raconte Genest. Il aurait pu nous dire "Foutez-moi la paix", mais non, il nous a donné le plus d’info possible sur le sujet, il s’était préparé. On voyait que ça lui tenait à coeur. Il ne voulait pas que les gens oublient. C’est pour ça qu’il avait fait le film."