L'Hôtel du Libre-échange : Un Feydeau réhabilité!
Scène

L’Hôtel du Libre-échange : Un Feydeau réhabilité!

Les Têtes Heureuses relèvent le défi de redonner ses lettres de noblesse à l’oeuvre de Feydeau. Bienvenue à L’Hôtel du Libre-échange.

Les Têtes Heureuses surprendront peut-être en présentant L’Hôtel du Libre-échange de Georges Feydeau, écrit en 1894.

Comédien fétiche de cette compagnie, Christian Ouellet – qui portera le rôle principal de la pièce – raconte brièvement l’intrigue: "Pinglet est un homme très riche qui s’ennuie mortellement avec sa femme, qu’il qualifie de gardienne de prison. Jusqu’au jour où l’épouse de son voisin et meilleur ami apparaît chez lui, un matin, en déshabillé. Il se sentira soudainement attiré." Le désir – charnel et extraconjugal comme le veut la coutume! – deviendra alors le moteur de la production… avec tout un jeu de ruses, de calculs, de mensonges, de manipulations. Un classique!

D’ordinaire, l’opinion théâtrale n’est pas tendre pour ce type de théâtre. Rodrigue Villeneuve s’en confessera d’ailleurs rapidement dès l’ouverture de la conférence de presse de la compagnie: "Apparemment, ça ne fait pas partie de notre répertoire habituel, qui réunit des textes plus classiques. Mais cette année, pour notre 30e anniversaire, nous voulions un spectacle accessible, plus léger. Feydeau s’est imposé. Et puis, on peut le justifier d’une autre façon: on a monté dernièrement Tchekhov et Jarry, et Feydeau est leur exact contemporain. L’idée de les réunir est éclairante. Feydeau est un peu leur frère: on y retrouve la noirceur et le désespoir du premier; la folie et l’éclatement du second."

Du coup, la table est mise pour une incursion dans un univers vaudevillesque revisité à la façon Têtes Heureuses. Le traitement de cette pièce sera très actuel au dire du metteur en scène: "Ça se fera avec presque rien. Mais presque rien, ça veut dire aussi le mieux possible!" Telle est la commande passée aux concepteurs Chantale Boulianne, Alexandre Nadeau et Patrice Leblanc. "Esthétiquement, il y aura peu d’éléments: un canapé, des lavabos, des chaises, de la lumière et du son."

Bref, un Feydeau qui sera, nous assure-t-on, libéré des frous-frous et des clichés éculés, tout en gardant l’essence comique de l’auteur, sa franchise, voire sa brutalité. Là où est attendu un théâtre du divertissement, de l’artifice se trouvera aussi et surtout un théâtre de la vérité… soutenu par un génie de l’écriture, du scénario.

Ouellet renchérit: "Quand on lit le texte pour la première fois, on a en tête une certaine tradition. Mais le travail qu’on fait est pour nous en sortir, pour tenter de retrouver l’humain sous la superficialité. C’est un bon théâtre d’acteur. C’est un Feydeau sans porte qui claque, sans fenêtre pour se sauver. C’est déstabilisant. Il ne faut pas que ce soit trop commedia dell’arte ou que ce soit trop franchouillard, artificiel. Il faut que ce soit vrai."

Un jeu qui doit se faire avec la minutie d’un horloger parce que la mécanique propre au genre ne pardonne rien. Rythme. Précision. Tension. La préparation aux rires (parce qu’après tout, ça reste une comédie malgré ses accents parfois sombres, inquiétants!) est rigoureuse. Les qualités exigées des comédiens sont nombreuses. "Chaque fois, je me demande si je vais arriver à la fin de la représentation en un seul morceau!" assure Ouellet. Une appréhension artistique que partage probablement le reste de la distribution, composée de comédiens professionnels (Martin Giguère, Sophie Larouche, Mélanie Potvin, Lucille Perron, Eric Renald et Patrick Simard) et d’une équipe d’étudiants de l’UQAC, finissants en théâtre.

Un travail exigeant, oui, au point où Rodrigue Villeneuve, au terme de sa conférence de presse, lancera avec conviction: "Je ne dirai plus jamais de mal de Feydeau!"