Louis-Karl Tremblay : La subversion par les princesses
Scène

Louis-Karl Tremblay : La subversion par les princesses

Louis-Karl Tremblay a craqué pour une princesse et ce ne sont sûrement pas les beaux yeux d’Yvonne, princesse de Bourgogne qui ont fait de l’effet au metteur en scène.

L'(anti-)héroïne imaginée par l’écrivain Witold Gombrowicz est un personnage subversif que Tremblay a pris un malin plaisir à faire revivre sur scène. Yvonne (Ariane Lacombe) est si repoussante, silencieuse, molle et dépourvue de charisme que toute la cour de Bourgogne est sous le choc quand cette nouvelle fiancée du prince Philippe (Francis-William Rhéaume) apparaît dans le décor. On est loin de Kate Middleton…

Dans cette première pièce de théâtre de l’écrivain polonais Gombrowicz, chacun essaiera de changer l’antipathique princesse pour la transformer à son image: conforme et lisse… en apparence. En vain. "Elle ne bronchera pas. Rien. Elle ne réagit jamais et ne respecte pas les codes sociaux. Plus elle reste figée, plus la cour enrage", explique Louis-Karl Tremblay.

"Yvonne renvoie une image choquante. Elle reste dans la vérité de sa nature, coûte que coûte, tandis que les autres sont pleins d’apparat", poursuit-il. Suffit de gratter un peu les épaisses couches de fard de la reine (Markita Boies), du roi (Peter Batakliev) et des autres membres de la cour pour s’apercevoir que les faux-semblants règnent. "Ça nous est tous déjà arrivé de se comporter de la sorte, d’oublier notre appartenance pour être ce qu’on espérait de nous. Yvonne refuse de faire ça."

Puisqu’elle nous pousse dans nos retranchements en montrant des facettes plutôt ordinaires de l’espèce humaine, Yvonne, princesse de Bourgogne exige une certaine dose d’autodérision. "Ça suscite des rires vicieux. Et ce rire, on ne sait pas comment ni où on l’attend."

Après qu’il eut monté en 2009 Les Troyennes d’Euripide adaptées par Sartre, la réflexion de Gombrowicz sur le conformisme et les comportements sociaux amenait Tremblay ailleurs, dans un univers théâtral plus cynique, empreint de l’humour noir qui caractérise l’auteur, un anarchiste de la forme.

"J’aime que l’auteur déboulonne la mécanique théâtrale: il commence sa pièce avec des codes bien connus, puis il met le trouble en faisant entrer dans l’histoire une fille laide. Belle parodie de certains classiques de la dramaturgie, comme plusieurs du répertoire shakespearien."

Portés par le désir de l’artiste d’utiliser la choralité et l’image scénique, les 15 acteurs qui prennent part à son projet risquent d’ouvrir des pistes de réflexion sur des problématiques sociales qui n’ont pas fini de faire couler de l’encre.