L'invention du chauffage central en Nouvelle-France : Chant patriotique pour âmes gelées
Scène

L’invention du chauffage central en Nouvelle-France : Chant patriotique pour âmes gelées

Le NTE propose avec L’invention du chauffage central en Nouvelle-France un voyage rocambolesque en Amérique française pour ressusciter sa mémoire endormie.

Sur une scène où trône une cabane aux murs transparents munis de portes coulissantes faisant vivre les violents contrastes entre la chaleur des maisons et le froid du dehors, une galerie de 60 personnages font défiler les clichés de l’histoire canadienne-française (et s’en moquent sans merci), du chauffeur de ski-doo au verbe laconique à l’Amérindien en symbiose avec un climat hostile, en passant par le colonisé, qu’il soit acteur des années 1960 aux manières et à l’accent empruntés à la France ou jeune émancipé des années 1970 qui ne jure que par les States. Nos mythes et nos légendes sont réanimés avec panache grâce à l’éclatante distribution d’acteurs, l’audacieuse mise en scène de Daniel Brière et le texte inspiré d’Alexis Martin qui fait vibrer notre corde patriotique avec parfois un peu d’insistance, mais dans un souci constant de divertir et de faire réfléchir intelligemment à notre destin collectif. La fresque érudite joue avec la chronologie en établissant des parallèles éclairants et comiques entre les premiers colons et nos contemporains, de 1608 jusqu’à la crise du verglas en 1998. La pièce ressuscite notre mémoire à travers le thème du froid, le leitmotiv du "pays des mots gelés" tiré des Relations des Jésuites et la présence d’un magnifique choeur de femmes (Danielle Proulx, Émilie Bibeau et Marie-Ève Trudel), hypnotique comme le vent d’hiver. Métaphore de notre paralysie politique et de notre langue meurtrie, le froid exerce résolument son emprise sur notre identité. Parodique et lyrique, le chant un peu long, mais ô combien réjouissant, de ce premier volet de la trilogie historique du NTE exploite brillamment le potentiel théâtral sous-estimé de notre histoire.