Marie Gignac et Frédéric Dubois / Où tu vas quand tu dors en marchant… 2 : Québec, le soir
Scène

Marie Gignac et Frédéric Dubois / Où tu vas quand tu dors en marchant… 2 : Québec, le soir

Le Carrefour international de théâtre fête ses 20 ans. Marie Gignac et Frédéric Dubois, initiateurs du projet Où tu vas quand tu dors en marchant…, reviennent sur un évènement désormais incontournable.

D’emblée, le projet Où tu vas quand tu dors en marchant… avait quelque chose d’un pari risqué: le public serait-il au rendez-vous? Or, depuis sa première édition en 2009, le parcours a déjà rassemblé 80 000 spectateurs. "Ç’a commencé par une idée folle: sortir le théâtre dans la rue, d’une part, entame Marie Gignac, directrice artistique du Carrefour, mais aussi proposer une nouvelle vision de la ville, trop souvent carte postale." Frédéric Dubois, qui assure la coordination artistique du parcours déambulatoire, complète: "C’est pour ça aussi que le projet est de nuit; les murs, alors, parlent d’autre chose. On voulait explorer la nuit et ses déclinaisons. Le rêve, le cauchemar, l’inédit, les secrets, les confidences, l’intimité, les cachettes, le pervers."

Entre autres ambitions, les initiateurs du projet tenaient à mettre à contribution le talent de Québec, toutes disciplines confondues: comédiens et musiciens aussi bien qu’artistes en arts visuels et chorégraphes. "On voulait aussi sortir tout le monde de sa zone de confort, ajoute Frédéric Dubois. Sortir de notre pratique habituelle. On est tous capables de faire du théâtre en salle; dans la rue, on ne peut rien prévoir. Ça nous mettait tous dans l’eau bouillante. Et je pense que c’est ce qui a provoqué cette effervescence dans le produit fini."

Cette effervescence, rappelons qu’elle arrivait à point nommé: lancé en 2009, le parcours succédait en effet aux festivités qui avaient animé la ville un an plus tôt. "Ce spectacle a été rendu possible grâce à une subvention spéciale pour faire en sorte que le bouillonnement de 2008 puisse se prolonger, rappelle Marie Gignac. Tout le milieu culturel de Québec avait un peu peur qu’il y ait une sorte de down après cette année-là, la gueule de bois, une espèce de dépression post-400e."

Les citoyens de Québec ne demandaient que ça, sortir. Et le parcours, lui, avait trouvé sa place. "Je raconte toujours cette anecdote, évoque Frédéric Dubois, où, dans une des stations, la deuxième année, je me suis retrouvé près de deux ados. Tout le long, ils disaient: "Eille man, man, maaan! C’est trop hot, man!" Et c’était parfait. Ces deux-là, ils venaient de se faire dire que le théâtre, ça pouvait aussi être ça."

Si ce n’était pas son but premier, Où tu vas… s’est néanmoins constitué en vitrine pour le Carrefour, mais aussi, de façon plus large, pour le théâtre même, un art parfois écarté parce que prétendument difficile. "Je pense que les gens aiment le théâtre, mais ne le savent pas, remarque Marie Gignac. Ils l’aiment, mais en ont peur, le croyant inaccessible. On propose un projet artistique pour lui-même, mais je pense qu’un de ses effets, c’est de faire la promotion du théâtre en général dans la population de Québec. Ça en rapproche les gens, ça leur donne le goût d’y aller."

"Quand on a vu à quel point ça avait eu du succès la première année, reprend-elle, on s’est donné le défi de le produire à nouveau. On ne s’imagine toutefois pas la charge de travail que ça représente: la logistique, l’équipement, les décors, fermer les rues et des lampadaires, etc. C’est un truc énorme, et ça ne dure que trois soirs. Le spectacle est aimé, et très fréquenté; certains nous disent même que ça devrait durer plus longtemps, voire tout l’été. Mais on aime bien que ça demeure un moment privilégié dans le Carrefour."

Sorte de locomotive du festival, le parcours reprendra cette année la plupart des tableaux de la seconde version, proposée pour la première fois en 2011. Le trajet débute au jardin de Saint-Roch, où 11 personnages nous donnent rendez-vous dans leur intimité, pour ensuite suivre la rue Fleurie, qui se transforme encore cette année en marché aux souvenirs. Sur les murs extérieurs de l’ancien Cinéma Charest, on retrouvera les niches haut perchées de Christian Fontaine et les objets étranges du duo Cooke-Sasseville, alors que les façades de la rue du Pont s’illumineront de documentaires vidéo autour de cette artère entre divertissement, art et ressources sociales. Au lieu de la marina Saint-Roch, le parcours se termine cette année à la place de l’Université-du-Québec. Rendez-vous à 23h pour un grand bal silencieux, dont la chorégraphie se trouve en ligne.

www.carrefourtheatre.qc.ca