La sagesse des abeilles : Pollen philosophique
Scène

La sagesse des abeilles : Pollen philosophique

Loin du maelström urbain, 20 000 butineuses convient le public à La sagesse des abeilles, un bal poétique et réconciliateur entre les hommes et le vivant écrit par le philosophe Michel Onfray et orchestré par le metteur en scène Jean Lambert-wild.

L’idée originale de mettre un essaim d’abeilles sur scène autour d’un texte méditatif écrit et récité par Michel Onfray est née d’une source sûre, explique Jean Lambert-wild, joint au téléphone. Cette valeur se nomme l’amitié et fait partie de ces choses essentielles que l’on néglige aujourd’hui, comme la poésie, le vivant et la nature, à l’honneur dans ce spectacle hors du commun imaginé par Lambert-wild, directeur de la Comédie de Caen, et le philosophe Michel Onfray, directeur de l’Université populaire de Caen. "Les abeilles vivent aujourd’hui un vilain drame causé par de nombreux facteurs qui traduisent nos égarements et, si on continue comme ça, l’ensemble de nos écosystèmes va être gravement touché, déclare Lambert-wild. Le texte de Michel restitue cette conversation que l’homme a toujours eue avec les abeilles, une conversation ontologique et mythologique et qui nous apprend la sagesse et la vertu des abeilles, qui invite à la méditation."

Après une première collaboration autour d’un texte intitulé Le recours aux forêts, les deux complices se sont trouvé une même fascination entomologique qui a fait naître cette méditation à la fois philosophique et politique sur ce fameux syndrome d’effondrement des colonies d’abeilles. "Si les abeilles meurent, c’est qu’il y a une conversation que nous ne menons plus avec le vivant, explique Lambert-wild. Nous ne passons plus de temps à le regarder. Les enfants ne connaissent plus les arbres en bas de chez eux. Quand vous ne pouvez plus nommer votre environnement, il disparaît. Les abeilles ont un peu le rôle qu’avaient les canaris dans les mines autrefois. Leur mort est l’indicateur de dérèglements profonds."

L’équipe de concepteurs français qui travaille ensemble depuis des années s’est donc penchée sur la vie des abeilles pour concevoir ce spectacle fragile et très particulier qui a nécessité l’apprivoisement des petites bourdonneuses. Ils ont découvert leurs lois, leur mémoire de trois jours et leur curiosité qui s’effrite avec le temps, comme chez tout être vivant, et qui a commandé l’alternance de trois ruches pour que les abeilles aient, chaque soir, approximativement le même engouement à aller vers la lumière et à se donner en spectacle. "On a appris à danser avec les abeilles, à aller dans le temps des abeilles, confie le metteur en scène. On travaille avec des apiculteurs pour une sensibilisation dans tous les lieux où on travaille. On essaie même de polliniser poétiquement notre environnement en mettant des abeilles sur le toit du théâtre!"

Pour ce numéro de charme délicat, Lambert-wild a inventé une marionnette qu’il manipule avec des jeux optiques apparentés aux simples jeux de lanterne magique, une technique simple à laquelle se greffent des éléments plus complexes, à commencer par le mouvement des insectes. "Je pense que le spectacle correspond à l’enjeu que le théâtre doit avoir aujourd’hui de trouver des formes de narration nouvelles adaptées aux enjeux de notre époque. Il est un miel pour les hommes qui peut sembler anodin ou ridicule et qui s’appelle la poésie. A priori, ça ne sert à rien. Ça ne crée pas de PIB, mais nous ne pouvons pas vivre sans. Le théâtre est l’endroit où la poésie peut éclater dans toute sa beauté et réajuster la perspective que nous avons sur le monde, sur le cosmos et sur nous-mêmes." Sur ces paroles éclairées, il ne reste plus qu’à souhaiter que les butineuses d’ici soient inspirées par la poésie de Michel Onfray.

Du 11 au 14 septembre
À l’Usine C
Dans le cadre des Escales improbables