Déluge : Fictions contemporaines
Scène

Déluge : Fictions contemporaines

Anne-Marie White et Pierre Antoine Lafon Simard ont causé lapins, cauchemars, maternité et séjour à Berlin lors d’un entretien aussi éclaté que l’est leur Déluge.

Deuxième volet d’une trilogie entamée avec Écume, en 2010, Déluge est attendu par les amateurs de théâtre ottaviens avec une fébrilité sans pareille. Anne-Marie White a emprunté une surprenante tangente pour sa nouvelle création, proposant une écriture radicalement différente.

L’idée de situer sur un même axe ces deux oeuvres ainsi qu’une troisième, prévue dans deux ans, a émergé graduellement lorsque White a constaté la richesse des thèmes qu’elle avait commencé à explorer. "Dans Déluge, la maternité et la notion de fiction intérieure sont abordées selon des angles nouveaux. Quand j’ai créé Écume, je baignais dans les hormones maternelles, d’où le caractère doux et enveloppant de la pièce. La réalité, cauchemardesque, m’a ensuite rattrapée; j’ai deux enfants et ils sont confrontés à la violence du monde. Les fictions servent, ici, à se fermer les yeux devant ces horreurs", relate-t-elle.

Déconnexion

Déluge se concentre sur Solange, un personnage déconnecté pour lequel White s’est inspirée d’un épisode dont elle garde un vif souvenir. "Une journée où je faisais mille et une courses, je roulais sur l’autoroute et en regardant dans le rétroviseur, j’ai réalisé que l’espace où devait être mon bébé était vide. Cette seconde d’angoisse, pendant laquelle je me suis demandé où j’avais oublié mon enfant plutôt que ce qui était exactement arrivé, m’est apparue comme un grand moment de déconnexion."

"Le tout premier jet s’est écrit de façon complètement inconsciente; je me suis laissé aller. Je concevais un tableau à la fois, sans savoir où l’histoire allait me mener", précise White, qui ajoute avoir subséquemment effectué un travail dramaturgique assez important pour dépouiller la structure, sans toutefois altérer l’histoire.

Montréal-Québec-Berlin-Ottawa

En 2011, une première version de Déluge a été présentée sous forme de lecture publique au Festival du Jamais Lu, à Montréal, ainsi qu’au Carrefour international de théâtre, à Québec. Une résidence de création à Berlin a par la suite permis d’amorcer le travail de transposition sur scène. Pierre Antoine Lafon Simard, cometteur en scène, raconte: "Il est sain et rare de pouvoir prendre un temps à l’abri des contraintes de production et du quotidien. C’est à Berlin que nous nous sommes le plus rapprochés de la psychanalyse, où nous avons testé nos limites, connecté nos imaginaires et assumé les risques."

Lafon Simard est apparu tôt dans le processus de création, d’abord comme acteur, puis, au fil de nombreuses discussions avec White, en tant que cometteur en scène. "Au-delà de la déconstruction narrative du texte, l’histoire est très solide et s’appuie sur une horreur et un drame qui nous remettent tous en question en tant qu’humains", évoque-t-il pour définir comment se sont ralliés les deux artistes devant une matière première si audacieuse. "C’est un labyrinthe et nous devons le traverser à deux. Nous nous tenons tout simplement la main pour affronter les minotaures!" blague Lafon Simard, déclenchant un rire chez sa complice.

Influences cinématographiques

Composée, entre autres, d’Olivier Fairfield à la musique, de Max-Otto Fauteux à la scénographie et de Frédéric St-Hilaire à la vidéo, l’équipe qui entoure White et Lafon Simard est prometteuse. La vidéo de St-Hilaire, selon Lafon Simard, rappelle le talent qu’a David Lynch de déconstruire le temps pour que s’immisce l’horreur dans le quotidien.

Le cinéaste a également servi d’inspiration pour les clips promotionnels que le Théâtre du Trillium a diffusés en ligne au courant des dernières semaines. White explique: "Olivier nous a apporté Rabbits, de David Lynch, et, franchement, j’ai beaucoup ri! C’est ce type d’humour que porte Déluge et qui a été exploité dans les publicités. Écrire cette pièce n’a pas été particulièrement laborieux. J’ai une distance par rapport à la matière parce qu’au fond, c’est mon imaginaire qui l’a pondue."

Du 25 au 30 septembre
À La Nouvelle Scène