Quartett : Les amants d'outre-tombe
Scène

Quartett : Les amants d’outre-tombe

Florent Siaud offre une magnifique mise en scène du Quartett de Heiner Müller, où les deux libertins de Laclos s’achèvent dans un ultime et maléfique combat.

Placés dans un décor apocalyptique où trône un lit-épave et flottent des spectres inquiétants, les vieux amants de Laclos récupérés par Heiner Müller se présentent dans cette mise en scène de Florent Siaud (connu pour ses mises en scène d’opéras baroques) comme des naufragés de l’amour jouant leurs dernières cartes avant de mourir.

Soleils dans la nuit, éblouissants de verbe et de violence, Merteuil et Valmont sont aussi de grotesques personnages jouant un théâtre décadent, répétant des prouesses d’une élégance artificielle en s’accrochant aux jeux de la séduction comme aux dernières armes leur rappelant leur pouvoir, tel un souvenir de leur humanité disparue. Transformés en fauves, ces duellistes s’entredévorent et n’ont en effet presque plus rien d’humain. Le théâtre libertin sert à Müller de miroir de l’Occident ravagé par les guerres qui mènent au terrifiant spectacle de la mort, que Florent Siaud donne à voir dans toute sa noire splendeur.

Les deux actrices charismatiques se transforment au gré des scènes que leurs personnages se jouent, se faisant tour à tour prédateurs et victimes dans une danse carnavalesque où le rire convoque la mort. Marie-Armelle Deguy joue la Merteuil manipulatrice et stratégique avec aplomb, tandis que Juliette Plumecocq-Mech offre un Valmont diabolique et bestial tout en gestuelle féline, griffes ouvertes et voix d’outre-tombe. Malgré une diction un peu mécanique, cette dernière offre un mémorable Valmont sauvage, vicié jusqu’à l’os et encore vif depuis son caveau.

Florent Siaud a fait un travail admirable avec les deux actrices françaises qui maîtrisent à merveille la superbe partition de Müller, mais s’est aussi entouré d’une solide équipe de concepteurs moitié française, moitié québécoise. La scénographie signée Christophe Ouvrard ainsi que les éclairages (Nicolas Descôteaux), la vidéo (David B. Ricard) et la conception sonore (Julien Éclancher) suivent une direction artistique assumée et cohérente. Ils créent de superbes tableaux clairs-obscurs où deux bêtes se livrent un dernier et sublime spectacle érotique jusqu’à sa funeste apothéose. Un grand moment de théâtre.