FTA : James Long et Marcus Youssef / Winners and Losers : Petites guerres du quotidien
Scène

FTA : James Long et Marcus Youssef / Winners and Losers : Petites guerres du quotidien

Écrit et interprété par James Long et Marcus Youssef, Winners and Losers examine le rôle de la compétition dans les rapports humains. 

Assis l’un en face de l’autre, deux acteurs jouent à classer des individus, des idées et des objets dans la catégorie des gagnants ou des perdants. Pamela Anderson, Tom Cruise, aussi bien que le four à micro-ondes ou la Chine passent le test jusqu’à ce que le jeu dévie vers des sujets personnels.

Amis proches, les collaborateurs artistiques Marcus Youssef (du Neworld Theatre) et James Long (du Theatre Replacement), basés à Vancouver, intègrent une matière biographique à leur performance qui, chaque soir, se solde différemment selon que l’un ou l’autre domine son adversaire. «Pour chaque représentation, on choisit de nouveaux sujets de discussion qui affectent la structure du texte et on improvise de nouvelles attaques visant l’autre, explique James Long, rejoint au téléphone. Chaque soir, je peux dire si j’ai gagné ou perdu selon mes attaques contre Marcus.»

À l’origine du projet, créé à Vancouver en 2012 et mis en scène par Chris Abraham (Seeds), les auteurs ont imaginé deux romanciers russes à l’ère soviétique. Avant leurs séances d’écriture, ils s’échauffaient avec ce jeu de gagnant/perdant qui est finalement devenu le spectacle lui-même. La cruelle compétition à laquelle s’adonnent les joueurs, en apparence assez similaires, révèle leurs différences: «Marcus est originaire du Moyen-Orient, tandis que je suis un Blanc d’Amérique. Il vient d’une classe privilégiée, moi pas, et il est plus engagé politiquement que moi, explique Long. Le fait que nous soyons assez semblables fait que nous touchons à une vérité plus universelle qui serait que la compétition est centrale dans tous les aspects de notre vie. Si vous vous retrouvez dans une situation de stress où vous devez vous définir, vous allez probablement chercher ce qui vous différencie, regarder la personne qui s’oppose à vous et juger qui est le meilleur ou le pire, tomber dans cette catégorisation du gagnant ou du perdant.»

Winners and Losers vient mettre en lumière ce besoin profond de classification au fondement des relations humaines. «On peut appliquer le système binaire à tout: républicains versus démocrates, libéralisme versus conservatisme, et voir qui gagne ou qui perd, poursuit Long. C’est une façon simpliste de regarder le monde, mais quand on arrive au capitalisme contre le communisme, on peut dire que ces questions ont réellement défini les luttes du XXe siècle.»

Malgré son aspect réducteur, la catégorisation du gagnant ou du perdant finit effectivement par s’avérer plus influente qu’elle n’y laisse paraître. La question de l’argent devient d’ailleurs cruciale quand il s’agit de se définir devant l’autre. «C’est LA question qu’on n’aborde jamais de face. Le fait de venir d’un milieu aisé peut d’ailleurs ironiquement être très embarrassant», souligne Long. La compétition fait partie de «l’arbre fondateur de l’humain» et a aussi ses vertus, pensent les deux créateurs, ce qui n’exclut pas la possibilité d’une complicité entre les hommes. «Il y a un million d’exemples d’altruisme et d’entraide chez l’humain, mais un à niveau premier, je crois que les individus sont conçus pour gagner ou perdre.»

Les 27, 28 et 29 mai

À l’Espace Libre

Dans le cadre du Festival TransAmériques