Isabelle : Confession d'un enfant seul
Scène

Isabelle : Confession d’un enfant seul

Le comédien Fabien Dupuis accouche d’un premier solo théâtral, Isabelle, un monologue sincère et humoristique sur une enfance blessée.

Sans pathos ni aucune cérémonie, un garçon simple vient nous raconter son histoire d’enfant subissant les assauts d’une mère violente et fuyant dans les bras de sa cousine Isabelle. À travers son récit livré sans prétention, tissé d’anecdotes ordinaires, de jeux, de déguisements et d’éveil sexuel, le personnage incarné avec beaucoup de naturel par Fabien Dupuis fait aussi remonter à la surface certains souvenirs plus durs, comme sa peur des coups et la grande solitude à laquelle il sera condamné.

Présenté comme un «stand-up tragique», le monologue alterne en effet entre un humour léger et des moments plus graves où le théâtre surgit alors grâce à la très belle mise en scène de Marc Béland qui a choisi d’isoler certaines émotions en les encadrant par un éclairage et une ambiance sonore qui font sortir le récit du témoignage réaliste et gagner en profondeur et en personnalité. Le drame intime de ce garçon castré par sa mère et resté enfant se révèle alors avec beaucoup de vérité. Fragile et nu sous la lumière crue concentrée sur lui, il incarne à lui seul la tragédie d’une vie étouffée, avortée, sacrifiée, l’existence d’un adulte qui n’a pas pu grandir et qui, en enterrant sa mère, goûte enfin à la liberté qui consiste pour lui à avaler deux trios au Burger King sans subir les remontrances maternelles, mais reste incapable d’une réelle autonomie.

Connu surtout pour ses rôles à la télévision (Watatatow, Virginie), Fabien Dupuis révèle un jeu polyvalent, subtil, passant avec aisance du comique à la gravité et livrant avec beaucoup de franchise un texte très personnel. Lorsqu’il incarne la mère enragée qui envoie chier le docteur, on reçoit toute la charge émotive que cette image provoque chez le garçon, et le soulagement de raconter et de se départir du terrible fardeau supporté seul durant tant d’années. Le récit s’essouffle à certains endroits, quand il raconte, par exemple, son goût pour le dessin, mais la langue simple fait naître de belles images qui évoquent tantôt la sensualité que lui inspire sa cousine, tantôt la terreur d’une main prête à le frapper. Sans réinventer le genre, Fabien Dupuis offre un bon solo théâtral avec Isabelle, qui a bénéficié, pour notre plaisir, des conseils de bons collaborateurs (Marc Béland à la mise en scène, mais aussi Cédric Lord à la scénographie, Lucie Bazzo à la conception d’éclairages, et Michel Marc Bouchard comme conseiller à la dramaturgie).