Jusqu'où te mènera ta langue au Théâtre de Verdure : La parole va encore frapper
Scène

Jusqu’où te mènera ta langue au Théâtre de Verdure : La parole va encore frapper

En 2011, le festival du Jamais Lu orchestrait une grande soirée de langues pendues, prêtes à porter des paroles indignées et décapantes: c’était le happening Jusqu’où te mènera ta langue?. Reprise quelques fois depuis, à Ottawa comme à Montréal, cette soirée est offerte à nouveau au cœur de l’été, et en plein air s’il vous plaît, au Théâtre de Verdure. Tour d’horizon.

Franc-parler. Éclairages inusités sur des enjeux d’actualité. Mots crus, mots décomplexés, langues libres et langues en colère. C’est ce que le metteur en scène Martin Faucher a récolté quand il a approché quelques-uns des plus brillants et des plus lucides auteurs dramatiques québécois pour leur demander de s’exprimer dans la spontanéité. Le contexte aidant (printemps arabe et période de pré-crise-étudiante au Québec), ils ont accouché de textes vibrants, inventifs et indignés.

Fanny Britt, par exemple, dénonce la vacuité et l’anti-intellectualisme ambiants avec son regard perçant.

De sa plume fébrile, elle écrit:

«Tu dis qu’y faut savoir dire la vérité sur soi avant de dire la vérité sur les autres. Tu le dis en citant Virginia Woolf pour te cautionner parce que ta culture est pauvre beaucoup plus pauvre que ce qu’on pourrait croire pis ta citation de Virginia Woolf tu l’as trouvée chez Renaud-Bray dans un livre affreux mal-édité d’une madame photographiée en position de présidente-slash-cosméticienne sur la jaquette du livre avec ses grosses bagues pis ses lunettes Chanel.»

Philippe Ducros, qui aurait aimé écrire quelque chose de drôle pour une fois, n’y est pas arrivé et a livré un texte brûlant sur l’absence de démocratie et sur l’analphabétisme criant, qui emprisonnent la nation québécoise dans l’immobilisme. Puis, cherchant de l’espoir, il réussit à en trouver dans le visage d’une femme et dans le portrait d’un territoire et d’un peuple plein de promesses.

«Jusqu’où ira ma langue? Ma langue, elle est collée sur le métal gelé du terrain de jeu de la cour d’école qu’est l’Amérique. Bébé gâteux, le regard graisseux. Alors tu te pointes. À l’horizon. Tu me regardes. De tes yeux où valsent les aurores boréales. De tes lèvres humides, pleines de lacs fertiles où vivent les truites et les diamants. Tu déboutonnes ta blouse blanche de neige, avec pudeur, en silence. C’est le printemps. Tu la laisses tomber sur l’asphalte qui dégèle, m’offrant tes seins miraculeux, boucliers contre la vulgarité, vallons majestueux. Le métal se réchauffe. Ma langue se décolle du froid des dirigeants.»

Et ainsi de suite. Ces textes, dont plusieurs ont été publiés dans le numéro 146 de la revue Jeu (d’où je les tire), forment une toile de paroles fortes, poétiques mais ancrées dans l’ici-maintenant, propices à éclairer nos propres réflexions et nos propres indignations.

C’est aussi dans ce contexte qu’Olivier Choinière a lancé sa diatribe contre l’artiste-administrateur, L’administration nous ronge, qui a par la suite beaucoup circulé en ligne (notamment chez nos collègues du BANG BANG) et dans les pages de Liberté (dans le numéro 294).

Sous les étoiles, répercutés par les vents du soir, ces mots-là risquent de résonner puissamment.

Jusqu’où te mènera ta langue est présenté le dimanche 11 août à 20h au Théâtre de Verdure, au parc Lafontaine.