Moi et une love letter : Parade d'états amoureux
Scène

Moi et une love letter : Parade d’états amoureux

Elles sont cinq. Elles pourraient n’être qu’une. Elles lancent un flux de mots endoloris, pour dire la cruauté de la rupture amoureuse, sous forme d’épîtres d’où jaillissent la solitude, la violence, la paralysie et le manque. Moi et une love letter, d’ Alexa-Jeanne Dubé, est une exploration sentie mais peu approfondie de la quête amoureuse, sous des dehors esthétisants.

Ce n’est pas vraiment de l’épanchement. Les mots d’Alexa-Jeanne Dubé disent la solitude et la peine, mais se gardent bien de fouiller les tréfonds psychologiques de ces sentiments. Ils sont ancrés dans l’action, et dans ce qu’on pourrait identifier comme l’affirmation d’un soi vulnérable. Comme une mise en lumière d’un état de corps et d’esprit assez particulier: fragile mais pas affaissé, encore traversé de soubresauts de détermination.

Au fil des cinq lettres, les thèmes se recoupent mais adoptent différentes postures et points d’appui. L’absence de l’autre mène parfois à une forme de soumission, ou de supplication, dicté par un effroyable désir de plaire. Jusqu’à ce que les lettres mutent en réquisitoires violents, dans lesquelles les femmes s’imaginent dépecer l’homme aimé, rêvant à sa disparition. Après quoi sera explorée la paralysie, l’immobilisme, le sentiment de vide, puis la désorientation. Moins intimiste, ce segment montrant une amoureuse en perte de repères est davantage ancré dans une réflexion (embryonnaire) sur la déroute de toute une société marquée par l’effritement des relations.

En filigrane, une conviction que malgré les heurts, l’amour est encore un sentiment à poursuivre, une raison de s’accrocher. Mais l’écriture, évasive, allusive, se contente d’évoquer des états sans trop les approfondir, laissant le spectateur dans une posture d’incomplétude, d’insatisfaction. Sans doute est-ce pour le renvoyer à ses propres manques, à ses propres douleurs amoureuses, mais subsiste tout de même l’impression d’avoir eu affaire à un effleurement du sujet, à une pièce qui tourne autour de sa cible sans arriver à la saisir. Dommage.

Tout de même, les lettres sont parcourues de poétiques références à la féminité, avec lesquelles ces femmes entretiennent un rapport complexe. Signes de faiblesse ou objets de convoitise, les attributs féminins sont tour à tour des symboles de fragilité (ou d’asservissement) et de prise de pouvoir sur l’homme et sur le destin. Voilà qui est singulier. Et tout à fait en phase avec notre époque où la nudité féminine, telle que dévoilée dans l’espace public et médiatique, est autant associée à l’exploitation de la femme qu’à sa prise de parole féministe.

En adéquation avec ce regard cru sur la féminité, la mise en scène chorégraphie un doux ballet vestimentaire. S’habillant et se déshabillant à quelques reprises, les comédiennes jouent avec les frontières du corps exposé ou camouflé. Le spectacle propose aussi une esthétique soignée. Minimaliste, avec sa toile blanche et ses chaises de bois comme unique décor, il s’accompagne d’une lumière crue et de découpages d’éclairage très francs, sur une scène baignée de musique grésillante. Comme une sorte de chambre d’écho. Un dispositif très approprié à cette prise de parole, parce qu’il laisse aux mots la place qui leur revient.