DOSSIER THÉÂTRE: Alexandre Fecteau, Frédéric Dubois et Anne-Marie Olivier : À la conquête du public
Scène

DOSSIER THÉÂTRE: Alexandre Fecteau, Frédéric Dubois et Anne-Marie Olivier : À la conquête du public

À l’heure où les salles de cinéma sont pleines à craquer et où les spectacles d’humour se vendent plus que jamais, il semble que le théâtre demeure souvent boudé par le grand public. Discussion à trois voix sur l’état des lieux.

La qualité artistique avant tout

 

On dit du théâtre qu’il est le miroir de la société. Encore faut-il qu’il y ait du monde dans les salles pour justifier la pertinence de cette plate-forme culturelle. Or, malgré une offre de qualité, il arrive que le public ne soit pas au rendez-vous. Devant une telle situation, force est d’admettre la nécessité de faire de la sensibilisation auprès de nouveaux spectateurs afin d’amener la population sur les sièges des théâtres. «Tant qu’à présenter une pièce, on veut qu’il y ait un maximum de monde. C’est nécessaire, comme quand tu prépares un repas et qu’il n’y a personne pour le manger», défend Anne-Marie Olivier, directrice artistique du Théâtre du Trident.

 

D’où l’importance, sans doute, de créer des spectacles accessibles au grand public. «Pour moi, s’adresser au grand public, c’est un respect de base à avoir. Grand public ne signifie pas absence de contenu, ni forme différente. Grand public, c’est parler dans la même langue, faire en sorte que l’expérience théâtrale soit précieuse.» Cette idée trouve des résonances dans le discours d’Alexandre Fecteau, metteur en scène au sein du collectif Nous sommes ici qui souligne l’importance de surprendre n’importe quel spectateur, tant le néophyte que le spectateur aguerri. Il y apporte néanmoins une nuance: «La pratique est tellement multiple qu’à l’intérieur de ça, il y a des affaires très accessibles et il y en a qui le sont moins. Je pense qu’il faut qu’il y ait du théâtre qui peut être compris par tout le monde, mais qu’il ne faut pas, pour ça, arrêter de faire du théâtre de recherche, par exemple.»

Prendre des risques

 

À Québec, le circuit des amateurs de théâtre comporte quatre lieux principaux qui offrent une programmation très différente l’une de l’autre: le Théâtre du Trident, la Bordée, le Théâtre Périscope et Premier Acte. De plus, on y compte plusieurs dizaines de compagnies de théâtre, chacune ayant ses propres méthodes de création. Devant une telle diversité des pratiques, il ne fait aucun doute que n’importe qui peut y trouver son compte. Pourquoi, dans ce cas, la mayonnaise ne prend-elle pas? Qu’est-ce qui fait hésiter la population à se déplacer pour assister aux productions?

La campagne promotionnelle actuelle du Théâtre Périscope met de l’avant plusieurs préjugés qui habitent encore les foyers dans l’idée de les démolir un à un. «Tout est en place pour que le monde puisse venir [au théâtre] et comprendre. Il n’y a pas de monde plus intelligent ou plus apte à comprendre. C’est triste que les gens pensent ça», explique Frédéric Dubois, directeur artistique de l’endroit. Évidemment, il n’y a pas que ça. «L’offre est tellement rendue énorme. C’est facile aujourd’hui d’arriver chez nous et d’ouvrir la télé. L’effort n’est pas primé en ce moment. C’est des trucs contre lesquels on lutte, mais dont la bataille est vaine, je pense.» Ce à quoi Fecteau répond: «Au théâtre, on ne sait à peu près jamais à quoi s’attendre. C’est un risque à prendre. Ça fait partie du plaisir, mais seulement une fois qu’on est convaincu. Ça fait peur quand on n’est pas convaincu».

 

Responsabilité communautaire

Convaincre les sceptiques. Il fait nul doute qu’un tel défi sous-tend un travail de longue haleine. Pour Frédéric Dubois, on doit avant tout faire des théâtres des milieux de vie et d’échange communautaire, particulièrement à Québec. Faudrait-il attirer les curieux à l’aide de visages plus connus dans la distribution des pièces, comme le démontre l’enthousiasme déployé pour Marc Labrèche en tête d’affiche des Aiguilles et l’opium? «On a des gros défis à relever et il faut parfois sortir cette carte-là. Il faut aussi casser le mythe qui dit que si tu ne passes pas à la télévision, ce que tu fais n’a pas de valeur. […] Ce qu’il nous reste à faire ensuite, c’est de faire les meilleurs shows possible, que ce soit avec des gens connus ou non», explique Anne-Marie Olivier.

 

Cependant, il ne revient pas qu’aux compagnies de théâtre de porter une telle responsabilité. Il en tient aussi aux amateurs de théâtre de faire rayonner leur passion. «Amenez du monde avec vous, insiste Alexandre Fecteau, mais choisissez intelligemment votre spectacle et surtout accompagnez-le.» Un message lancé au public, qui est peut-être, finalement, l’acteur central de cette campagne de séduction du théâtre chez le Québécois moyen.

 

N.D.L.R.: Les slogans utilisés à la Une de la version papier ont été empruntés au Théâtre Périscope. Une campagne publicitaire inspirante dont il a d’ailleurs déjà été question dans nos pages au préalable.