Anne-Marie Olivier et Véronique Côté / Faire l'amour : Amour triomphant
Scène

Anne-Marie Olivier et Véronique Côté / Faire l’amour : Amour triomphant

Sexe passionnel, triangles amoureux, éveil sexuel: Anne-Marie Olivier et Véronique Côté vous promettent des frissons, des sentiments exaltants, mais aussi des regards allumés et informés sur le sexe de vos congénères dans la pièce Faire l’amour.

Présenté avec grand succès à Québec la saison dernière, Faire l’amour est un spectacle documentaire ambitieux mais délicat, qui expose des histoires vécues de sexe gourmand mais surtout des histoires vécues d’amour triomphant. L’auteure Anne-Marie Olivier et la metteure en scène Véronique Côté, connues pour leur théâtre inquiet d’un monde à la dérive mais plein d’espoir pour l’humanité, se sont lancées dans une vaste collecte d’histoires vraies (un peu plus d’une centaine de rencontres avec des gens de divers horizons) pour tenter de comprendre le rapport au sexe de leurs compatriotes. Elles pensaient récolter un peu de tout, et peut-être quelques récits salaces, mais elles ont découvert une soif d’amour et de sentimentalisme quasi généralisée chez leurs prochains.  

«Ça nous a surprises, mais ne nous a pas déplu, dit Anne-Marie Olivier. D’autant que l’un de nos objectifs souterrains était certainement de faire contrepoint à une sexualité désincarnée qui est trop souvent montrée dans la fiction.» 

Dans un monde hypersexualisé, comme le veut le lieu commun au sujet de notre époque, parler de sexe est-il vraiment si simple et le faisons-nous tous de façon décomplexée? «On ne savait pas si les gens allaient oser nous raconter ce qu’ils ont de plus intime, poursuit Olivier. Mais une fois l’anonymat garanti, les cueillettes d’histoires ont été fructueuses. Surtout lors des soirées de groupe, où les confessions furent nombreuses et fécondes, comme s’il y avait eu un effet d’entraînement, ou une forme de solidarité qui avait poussé les gens à raconter des choses qu’ils n’avaient jamais racontées auparavant, parfois jusqu’à l’explicite. On aurait dit, par moments, que le temps s’arrêtait.»


Si elles ont été soucieuses de représenter la diversité sexuelle, les deux créatrices regrettent un peu de ne pas avoir pu réunir un échantillon représentatif de la diversité culturelle du Québec. «On a aussi abandonné l’idée de couvrir les déviances sexuelles, qui pourraient constituer entièrement un autre spectacle, de même que le rapport à la pornographie, qui est un sujet passionnant mais trop vaste pour le faire entrer dans un seul spectacle.»

Reste qu’elles ont été en présence d’une grande diversité d’histoires et de types de sexualité. Et qu’elles ont constaté les différences fondamentales entre la perception masculine et féminine de la sexualité. «Je ne pense pas que ce soit pour des raisons culturelles, dit Anne-Marie Olivier. C’est vraiment à cause de la biologie humaine, de la génétique. L’expérience de la sexualité est tellement différente chez l’homme et la femme. Ça a l’air simpliste de le dire comme ça, mais ça nous est réapparu indéniable; et je pense qu’on n’en est pas assez conscients. L’homme et la femme, d’ailleurs, n’ont pas la même façon de raconter les histoires, n’évoquent pas les mêmes sensations. Par contre, quand il est question de l’emportement dans lequel l’amour nous entraîne ou des bouleversements dans lesquels le sexe nous met, il y a de grandes similitudes.»

En tissant cette toile de récits, Anne-Marie Olivier et Véronique Côté caressent aussi l’ambition de raconter notre société, par accumulation, même si elles sont conscientes de ne pouvoir qu’effleurer le sujet. «Pour aller vraiment dans cette direction, dit l’auteure, il aurait fallu faire davantage de cueillettes et travailler avec des sociologues de la sexualité. On n’est pas allées aussi loin, mais on marche sur ce chemin-là.»

Véronique Côté, qui a eu la tâche de donner à cet assemblage de confessions une incarnation scénique, dit avoir recherché la sobriété. «J’ai essayé de créer un espace pour que se déploie librement cette parole, en respect de tout ce qui a été dit, sans porter de jugement. Je voulais que les acteurs soient dans une grande vulnérabilité, qu’ils se déshabillent de leurs couches d’acteur et de leurs traditions de jeu.»

La comédienne, qui est de plus en plus auteure, vient aussi de faire paraître un lumineux essai aux éditions Atelier 10, La vie habitable, où, fidèle à elle-même, elle cherche la poésie dans un monde qui en semble de plus en plus dénué. «Je crois que nous avons un besoin collectif de voir le monde de manière plus imagée et plus poétique, qu’il faut réhabiliter l’inspiration dans notre façon de réfléchir les enjeux sociaux et de vivre la politique. Or ce besoin est en ce moment nié et écrasé. J’avais envie de tirer les ficelles de cette négation de la poésie.»

Une parole essentielle, a-t-on envie de dire.

Du 19 au 29 novembre à l’Espace Libre