Sacrée Famille au Théâtre de St-Sauveur: rustre papa
Scène

Sacrée Famille au Théâtre de St-Sauveur: rustre papa

Néo-brunswickois installé à New York, Carl Ritchie est un auteur chéri d’off-Broadway mais aussi des théâtres d’été québécois, qui l’ont adopté ces dernières années. Au Théâtre St-Sauveur, sa pièce Sacrée famille est mise en scène cet été par Alain Zouvi : un choc de valeurs et de générations sur fond de tensions familiales, dominé par un humour dessinant les stéréotypes à gros traits.

C’est la deuxième fois que la comédienne Danielle Proulx joue avec aplomb le rôle de Chantal, mère aimante qui rompt avec son mari pour cause d’adultère mais aussi d’excès de comportements réactionnaires. Sacrée Famille (adaptation québécoise de Family Values) est devenue ces dernières années une pièce fétiche des théâtres d’été québécois, d’abord jouée en 2007 au Théâtre Beaumont St-Michel dans une mise en scène de Michel Poirier (c’est là que Proulx s’est mesurée au rôle pour la première fois) puis au Théâtre Hector-Charland de l’Assomption en 2010 dans une mise en scène de Louise Laprade. Jamais deux sans trois: Alain Zouvi initie cet été le public de St-Sauveur à cette comédie de situation qui mêle amours compliquées et tensions familiales autour d’un homme au caractère impétueux et conservateur, qui n’accepte pas l’homosexualité de son fils et les choix amoureux de sa fille.

À première vue, il y a des similitudes frappantes entre l’univers de Carl Ritchie et celui de Steve Galluccio (Mambo Italiano). Les deux auteurs tissent des comédies familiales texturées et très nord-américaines, alliant la répartie à la française et le comique de situation à l’américaine dans un équilibre relativement constant. Tous deux scrutent la cellule familiale et s’y amusent des tensions générationnelles, parents et enfants vivant dans des univers moralement et socialement opposés et causant au quotidien d’incessantes querelles. La recette fonctionne bien et le spectacle d’Alain Zouvi, grâce aux interprétations colorées de Danielle Proulx, Vincent Fafard, Christian Baril et Frédéric Millaire-Zouvi, réussit à incarner ces tensions avec énergie même s’il ne réinvente pas la roue.

Roger Larue, Vincent Fafard,  Christian Baril, Danielle Proulx, Patricia Larivière et Frédéric Millaire-Zouvi dans Sacrée famille
Roger Larue, Vincent Fafard, Christian Baril, Danielle Proulx, Patricia Larivière et Frédéric Millaire-Zouvi dans Sacrée famille

 

En montrant un père de famille (unidimensionnel Roger Larue) engoncé dans des valeurs conservatrices et passéistes que tout son monde rejette, Sacrée Famille cherche à exposer les divisions morales qui brisent bien des familles américaines conformistes, dans lesquelles l’aîné homosexuel fait tache sur les portraits de famille et fait grincer le père des dents. On se croirait souvent à une autre époque, dans une Amérique d’antan, mais à vrai dire le renouveau conservateur au Québec permet à cette pièce une inscription certaine dans l’actualité et rappellera à bien des spectateurs un oncle borné ou un cousin aux horizons limités.

Mais on est tout de même dans une comédie aux ficelles très apparentes, où la subtilité n’est pas particulièrement de mise: les personnages sont tirés à très gros traits et suivent une trajectoire univoque – ainsi on peinera à croire que ce père profondément homophobe et allergique  aux Juifs réussisse à changer de cap dans les scènes finales.  Les représentations classiques de l’homosexuel efféminé sont aussi du lot, notamment dans le personnage d’amant décomplexé incarné par Christian Baril. Il y aura néanmoins eu un peu matière à rire: c’est sans doute tout ce qui compte.

La deuxième partie de la pièce souffre de quelques carences structurelles, avec une ellipse de six mois qui ne semble justifiée que par une pénible blague physique autour de la grossesse de la frangine. L’intrigue s’y dénoue dans un excès d’explications qui va assurément lasser les spectateurs habitués aux codes du genre, mais dans l’ensemble, cette comédie familiale atteint sa cible en racontant, justement, les aléas d’une famille qu’on ne choisit pas mais qui ne peut jamais vraiment nous échapper et qu’on continue de côtoyer tendrement malgré la tourmente.

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Au Théâtre St-Sauveur jusqu’au 29 août
Les jeudi, vendredi et samedi à 20h30
Formule souper-théâtre disponible