Opération Tango : Bleu acier
Société

Opération Tango : Bleu acier

Au Québec, on s’intéresse très peu à la vie militaire. Il y a quelques années, Jocelyn Coulon, à l’époque responsable des pages internationales au Devoir, publiait Les Casques bleus, un excellent livre, qui brossait un portrait vivant et contrasté de cette organisation imaginée par le premier ministre canadien Lester B. Pearson, et qui permettait de comprendre son fonctionnement de l’intérieur. C’est ce qu’a tenté de faire Jacques Despins, par le biais de la fiction, avec Opération Tango, une série en cinq épisodes qui prend l’affiche dimanche prochain.

Avant d’ouvrer à la télévision, Jacques Despins était directeur des communications au Parti Québécois. Il a travaillé pour plusieurs émissions jeunesse avant de se joindre à l’équipe de Qui vive!, à TVA. C’est dans le cadre de ce magazine sur la santé qu’il a réalisé un reportage sur le choc post-traumatique des soldats de retour de Bosnie. C’est à ce moment que le déclic s’est produit. «La chose militaire m’a toujours fasciné, explique-t-il. J’avais déjà proposé une série sur Dieppe, il y a six ou sept ans, mais personne n’était intéressé. Cette fois, j’étais vraiment décidé à mener mon projet à terme.» Première étape: établir des contacts avec l’armée. Mauvais timing. Nous sommes en pleine enquête sur les événements en Somalie, et les militaires sont fermés commes des huîtres. Finalement, au bout de deux ans de négociations, le général Dallaire va s’intéresser au projet de Despins, et lui ouvrir les bonnes portes.

Quoi, un réalisateur qui collabore avec l’armée? Cette remarque, Despins l’a entendue à plusieurs reprises. «Nous ne sommes pas aux États-Unis. Au Québec, si on veut faire une série militaire, la participation de l’armée est inévitable, ne serait-ce que pour se procurer l’équipement. Et puis, je voulais que mon histoire soit vraisemblable. J’ai récrit mon scénario 14 fois, mais en aucun cas, il n’y a eu censure de la part de l’armée, qui n’a jamais exigé d’approuver mes textes.»

Méticuleux, Jacques Despins ira s’entraîner trois semaines au Nouveau-Brunswick avant de se rendre en Bosnie, accompagné d’un spécialiste de la flore et de la faune chargé de recréer un environnement identique au Québec. Pendant tout ce temps, le scénariste recueille les confidences des militaires. «Le message est simple, explique Despins, qui a également réalisé et produit la série. Je voulais montrer qu’on a envoyé des Canadiens en Bosnie sans moyens, avec des régles impossibles à suivre, tout ça pour se donner bonne conscience.»

En effet, Opération Tango (c’est l’indicatif radio des régiments blindés) nous montre de jeunes militaires placés face à des situations humainement déchirantes: réfugiés affamés qu’ils n’ont pas le droit de nourrir, enfants apeurés qu’ils doivent livrer à la police locale, cadavres mutilés. Les situations sont dures et les règles à suivre, implacables. Pour le reste, la vie d’un Casque bleu n’a rien de trépidant: elle est faite d’attente et, si on se fie aux dialogues de Despins (qui affirme que 95 % des anecdotes d’Opération Tango sont véridiques), d’interrogations profondes sur le bien-fondé d’une telle mission.

On peut s’étonner qu’une telle série soit diffusée à TQS. Jacques Despins dit qu’il l’a proposée aux autres diffuseurs, sans succès. «À Radio-Canada, on m’a répondu que ça n’intéressait pas le monde, et que ce que les gens veulent voir à la télé, ce sont des gars qui se cherchent des jobs ou des filles qui se cherchent des chums… Avec TVA, on ne s’est tout simplement pas entendus sur le contenu.» Despins affirme que le milieu de la production au Québec a une réaction épidermique à tout ce qui est militaire. «On a peur que ça mousse l’esprit militaire. Imaginez, c’est pratiquement la première fois que des militaires québécois vont se voir à l’écran dans une ouvre de fiction.»

La série met en vedette entre autres Mario St-Amand, David La Haye, Pierre Chagnon et Jean-François Casabonne. Dès le 2 mai, à 20 h, à TQS.

Ce n’est qu’un au revoir…
La saison télé est pour ainsi dire terminée, et c’est le temps de faire une pause pour l’été. Si on se fie à ce que les télédiffuseurs annoncent pour la saison estivale, mieux vaut écouter la radio, lire un bon livre ou un magazine, car l’été sera fait de reprises et d’émissions très, très légères.

Cela dit, la saison a été riche en rebondissements: quelques petits scandales (la démission de Charles Ohayon, directeur des programmes de Radio-Canada) ont mis en lumière les pratiques pas toujours honnêtes du merveilleux monde de la production télé. Espérons que cette opération «Mains propres» se poursuivra l’an prochain.

Quant à cette chronique, elle sera de retour à la fin du mois d’août. Bon été!