Société

Rythmes gais

Le hip-hop n’est pas très plumes et paillettes. Musique imprégnée de machisme s’il en est une, elle ne s’est jamais montrée particulièrement amicale envers les homosexuels. C’est plutôt le contraire: No Vaseline, chantait Ice Cube, tandis que Heavy-D a déclenché toute une polémique avec Happy Like a Faggot in Jail. Pourtant, à New York, Atlanta ou Philadelphie, certains clubs gais se mettent à groover sur les beats les plus «street», dont ceux de Jay-Z, DMX ou Missy Elliott. En boîte, les homos ont délaissé le look clone en camisole pour enfiler des jeans baggy, des chaînes en or, et embrasser le défilé des grandes marques à la Tommy. C’est la musique house qui en prend pour son rhume, un peu comme si le hip-hop était une réponse à Cher ou à Whitney qui se perdent dans les formats répétitifs et les clichés. «Le hip hop partage les mêmes sources que le house et le disco, explique Marc-André Simard, étudiant à la maîtrise en anthropologie à l’Université de Montréal, dont le mémoire portera sur la scène hip-hop montréalaise. Le rap assoit ses fondements dans le plaisir insatiable du peuple afro-américain à faire de la musique et la fête. Il n’est donc pas étonnant que la communauté gaie s’intéresse de plus en plus au hip-hop. Si, dans le disco et le house, les mélodies chantent les vertus de la libération sexuelle, les rappeurs, eux, ne chantent pas les louanges de l’homosexualité pour une raison bien simple: leurs flatteries ne visent rarement d’autres gens qu’eux-mêmes, leur "posse" (gang) ou leurs fans. De plus, l’homosexualité dans la communauté noire reste encore aujourd’hui un sujet très peu abordé.»À Montréal, une séance de rattrapage hip-hop s’organise: Dr. Love fait entendre un son très rap dans le lounge du Unity tous les vendredis. «Les lesbiennes sont beaucoup plus réceptives que les gais, fait remarquer Pierre Viens, copropriétaire du club, mais les gars ne tarderont probablement pas à suivre la musique.»