Debout! : Vivian Labrie
Vous trouvez que le monde ne tourne pas rond? Participez à son redressement! Toutes les deux semaines, afin de vous inspirer, nous vous présentons un activiste qui remue ciel et terre pour changer les choses et améliorer la vie.
Vivian Labrie
47 ans
Coordonnatrice du Collectif pour une loi sur l’élimination de la pauvreté
Sa cause: l’élimination de la pauvreté
Imaginez un Québec… sans pauvreté. Hein? Est-ce possible? «Bien sûr que oui», croit Vivian Labrie, coordonnatrice du Collectif pour une loi sur l’élimination de la pauvreté, qui regroupe une vingtaine d’organismes communautaires. Depuis 1997, cette chercheure en psychologie sociale et en ethnographie veut mettre un terme à l’indigence. Comment? Par une loi qui obligerait le gouvernement québécois à adopter des mesures pour réduire l’écart entre les riches et les pauvres. Un projet carrément à contre-courant.
«L’originalité de notre démarche, c’est que nous ne chialons pas après le gouvernement pour qu’il fasse une législation, souligne-t-elle. Nous l’avons conçue nous-mêmes, car nous croyons que la pauvreté est un obstacle à la jouissance des droits fondamentaux. Notre loi vise d’ailleurs à l’éliminer en dix ans.»
Loin d’être une vaste fabulation, la législation du Collectif, récemment achevée et révisée par un conseiller juridique, fait l’inventaire de moyens concrets pour améliorer le sort des sans-le-sou. «La loi prévoit des mesures urgentes: l’instauration d’un revenu plancher pour tous, un soutien accru à l’emploi, le rétablissement de la gratuité des médicaments pour les assistés sociaux et les personnes âgées, ainsi qu’une hausse du salaire minimum.» Méchant programme! «Je sais que notre proposition peut paraître énorme. Mais il est temps que les Québécois élèvent l’égalité de tous au rang de priorité gouvernementale.»
C’est d’ailleurs grâce à une vaste consultation populaire que cette législation a pu voir le jour. «Des milliers de personnes y ont travaillé. Elle a été faite à partir de cinq mille suggestions et commentaires de mille deux cents organismes. Aussi, nous faisons circuler une pétition qui vise à faire accepter la loi. Elle atteint cent soixante-dix mille signatures, c’est une des plus importantes à avoir été réalisées au Québc.»
Samedi dernier, mille deux cents personnes ont manifesté leur appui à cette cause devant l’Assemblée nationale à Québec. D’ici la fin du mois, Viviane Labrie et ses acolytes rencontreront les caucus du Parti québécois et du Parti libéral. Au début du mois de juin, ils auront même droit à un face-à-face avec le premier ministre Lucien Bouchard. C’est du sérieux.
Sa vision du militantisme
«Utopiste!» lancent des sceptiques à Vivian Labrie. «Une vue de l’esprit!» ajoutent-ils à l’égard de son projet. Rien pour ébranler la ferveur de la militante. «Des rêves sont nécessaires pour améliorer la société. Sans eux, nous sommes condamnés au statu quo. Il faut toutefois travailler fort pour les réaliser. Après tout, c’est parfois à partir d’idées perçues au départ comme farfelues que le militantisme a pu changer les choses.»
Devant une gauche fragmentée, toutefois, Vivian Labrie se désole. «Les militants de gauche ne peuvent plus vivre chacun de leur côté avec des luttes morcelées qui aboutissent à très peu de résultats. Il faut s’unir pour contrer la montée d’un courant très fort lié au néolibéralisme et à la mondialisation, qui sacrifie des valeurs comme l’égalité. La gauche doit réagir en étant créative et forte.»
Pour y parvenir, Vivian Labrie fait la promotion de la «citoyenneté active», c’est-à-dire l’expression du côté militant de chaque individu. «Comme citoyens, nous avons la responsabilité d’agir sur le plan social. Ce n’est pas un droit, mais un devoir. De nos jours, les gens sont vus comme de simples consommateurs ou travailleurs. Mais il faut aussi se voir comme des acteurs sociaux. Il existe une panoplie de moyens par lesquels un individu peut s’impliquer, comme signer une pétition ou participer à une marche.»
Fervente amateure des débats gouvernementaux, Vivian Labrie prône aussi un militantisme «politisé». «La vie politique est importante. Il faut voir l’État comme un instrument de coopération, et non comme un méchant dirigeant inaccessible. C’est à nous de le contrôler par nos acions. C’est pourquoi nous avons choisi la voie législative.»
De plus en plus, l’individualisme gagne du terrain, et la solidarité fait de moins en moins figure de valeur fondamentale. Vivian Labrie veut renverser la vapeur. Lentement, mais sûrement. «Un militant, c’est comme un escargot. Il avance doucement. Il ne recule jamais. Mais surtout, il est très "baveux"!»
Collectif pour une loi sur l’élimination de la pauvreté: (418) 525-0040
Demain matin, 19 mai, Vivian Labrie sera interviewée par Marie-France Bazzo dans le cadre de l’émission Indicatif Présent, diffusée à la Première Chaîne de Radio-Canada (95,1 FM), dès 9 h 10.