Les transports en commun : Panne… d'argent!
Société

Les transports en commun : Panne… d’argent!

Depuis 1990, le gouvernement provincial a coupé cent millions de dollars dans les transports en commun. Pas étonnant qu’on se les gèle en attendant l’autobus! Selon la Coalition pour la défense des transports en commun, le temps est venu de renverser la vapeur. Sinon, nous allons tous crever d’une surdose de CO2.

"Circulation difficile sur les ponts… Pare-chocs à pare-chocs sur les autoroutes…" Mardi matin, le chroniqueur de la circulation à la radio de Radio-Canada, Yves Desautels, répétait encore la même rengaine: bouchon et congestion pour les automobilistes. Pendant ce temps, les usagers des transports en commun jouaient des coudes dans les autobus et les wagons du métro…
Pour remédier aux maux de tête des heures de pointe, la Coalition pour la défense des transports en commun revendique ferme, mais pour autre chose que l’ingurgitation massive d’acétaminophènes. Créé au printemps 1999 et formé d’une quarantaine d’organisations environnementales, communautaires, syndicales et étudiantes, ce regroupement demande au gouvernement provincial d’augmenter le financement de fonctionnement du transport collectif de cent millions de dollars par année, l’équivalent de la somme supprimée par Québec dans le domaine depuis 1990.
"Sardines en commun, non merci!" Le 21 septembre, les membres de la Coalition ont investi des stations de métro avec leurs slogans ravageurs afin de faire signer une pétition réclamant ce réinvestissement. Le porte-parole de la Coalition et coordonnateur du groupe environnemental Équiterre, Sidney Ribaux, brandissait feuilles et crayons à la station Place-des-Arts. "Nous avons obtenu un appui massif à l’investissement, affirme-t-il. À preuve, nous avons accumulé cinq mille signatures en seulement trois heures!"
Sidney Ribaux estime que le système des transports a bien besoin d’appuis et, surtout, de fonds. Depuis dix ans, note-t-il, les transports en commun connaissent une baisse d’achalandage de 13 %. Pendant cette même période, le nombre de déplacements des véhicules privés dans l’île de Montréal et la banlieue s’est accru… de 23,5 %. De plus, 65 % des travailleurs de la région métropolitaine utilisent leurs automobiles pour se rendre au boulot, alors que seulement 20 % empruntent le transport collectif. "Des efforts restent visiblement à faire, souligne-t-il. Et ce n’est pas avec moins d’argent que la tendance va se renverser!"

Un plan béton
La semaine dernière, quelque 750 villes européennes vivaient au rythme des "journées sans voitures", pendant lesquelles on ferme les rues aux automobiles afin d’encourager les gens à opter pour les transports en commun. L’année prochaine, Montréal songe à se joindre au mouvement. "Ce sera quasi impossible, indique Sidney Ribaux. C’est que nous avons de grosses difficultés à surmonter dans le fonctionnement des transports en commun."
En apparence, le ministre des Transports, Guy Chevrette, semble avoir compris ce problème. Son "plan de gestion des déplacements dans la région de Montréal", rendu public en avril dernier, accorde 40 % de ces efforts financiers (soit 1,5 milliard de dollars) aux transports en commun. "C’est bien, mais le plan est contradictoire, estime Normand Parisien, directeur et coordonnateur de l’organisme Transport 2000 Québec. Le plan investit aussi des efforts considérables dans les ponts et les routes, ce qui va encourager l’usage de la voiture, surtout quand à peine dix millions de dollars sont voués à la promotion des transports en commun. De plus, on veut bâtir de nouvelles infrastructures. C’est bien beau, le béton, mais il faut aussi améliorer la qualité du service! S’il n’y a pas plus de chauffeurs, il ne sert à rien de construire de nouvelles stations de métro. Car les usagers sont frustrés actuellement, autant par les retards que par les changements d’horaire et les réductions de fréquence de passage des autobus."
Sidney Ribaux ajoute à ces lacunes l’existence de services complètement inadéquats. "Certes, le centre de l’île est bien servi en transport collectif. Mais pour la banlieue, c’est pathétique. L’aménagement urbain à Montréal est désordonné. De plus, il y a des problèmes criants sur des lignes saturées, comme le trajet d’autobus 80 sur l’avenue du Parc. Trop de gens qui s’y entassent aux heures de pointe. L’option étudiée par la Ville, que nous appuyons, est la construction d’un système de métro léger en surface, qui peut accueillir plus d’usagers, donc qui occasionne moins de perte de temps et moins de pollution."
Pollution. Le mot revient sans cesse sur les lèvres de Sidney Ribaux, qui vante les mérites environnementaux des transports en commun. "Quelque seize mille Canadiens décèdent prématurément chaque année à cause de la pollution de l’air, dont mille neuf cents dans la région de Montréal. L’usage de l’essence est la principale cause de la pollution de l’air. Il faut donc intervenir en mettant l’accent sur les transports en commun. En la matière, le politique fait une grossière erreur. Il croit que les gens utilisent leurs voitures par choix. Mais c’est davantage parce qu’ils n’ont pas le choix, devant l’absence d’un service convenable de transports en commun."

Taxes à la rescousse?
Selon Normand Parisien et Sidney Ribaux, les transports en commun souffrent d’un grave problème d’image. Penser à ce service, c’est imaginer un usager qui se gèle le bout du nez en plein hiver, les deux pieds dans la sloche, en attendant un autobus en retard de quinze minutes… Pour redorer le blason des transports en commun et convertir les automobilistes à l’autobus ou au métro, l’Agence métropolitaine des transports (AMT) compte actuellement sur une campagne publicitaire de 1,5 million de dollars. Les slogans s’adressent aux automobilistes exaspérés: "Le prix de l’essence, ça me traumatise!" et "Les heures de pointe, ça m’épuise!" Une recette gagnante, n’est-ce pas?
"C’est un effort louable, estime Normand Parisien, mais qui ne règle pas le problème de financement du service." Pour le résoudre, la Coalition pour la défense des transports en commun avait envisagé d’augmenter… les taxes sur l’essence! Une mesure peu appréciée par les temps qui courent. "À la place, il faudrait instaurer une taxe sur le stationnement et sur l’immatriculation, tout en imposant un péage sur les routes et les ponts achalandés aux heures de pointe, indique Sidney Ribaux. C’est vrai qu’on fait ainsi payer les automobilistes, mais ce sont eux qui gagneront en fluidité sur les routes. Par ailleurs, il faudrait aussi créer des programmes encourageant les entreprises à persuader leurs employés d’utiliser le transports en commun, notamment avec des déductions fiscales." Afin d’améliorer le service, la Coalition écarte cependant tout recours à la privatisation. "Il y a un net danger à ce qu’il y ait une baisse de service dans les endroits non rentables et une hausse de tarifs là où le nombre d’usagers est élevé", affirme-t-il.
En octobre, la Coalition remettra sa pétition au gouvernement québécois. Du même coup, les membres réclameront un gel des tarifs des transports en commun et même une baisse pour les étudiants et les personnes à faible revenu. "Depuis dix ans, les tarifs ont augmenté de 35 %, ce qui fait chuter l’achalandage, conclut Sidney Ribaux. Nous espérons enfin être écoutés."