La pire des allergies alimentaires : Peur de pinotte
Société

La pire des allergies alimentaires : Peur de pinotte

Dangereuse et imprévisible, l’allergie aux arachides peut tuer. D’après deux chercheuses du Centre universitaire de santé McGill, le pourcentage d’enfants allergiques serait plus élevé que ce que les études antérieures laissaient croire. Durant deux ans, les docteurs RHODA KAGAN et ANN CLARKE ont testé 4339 élèves de la région montréalaise…

Pour leur étude sur la prévalence de l’allergie à l’arachide, Rhoda Kagan et Ann Clarke ont obtenu la participation de plus 4000 élèves de la région montréalaise. Ces écoliers étaient âgés de 5 à 9 ans et provenaient de diverses communautés culturelles. C’est la première étude clinique de cette importance qui est menée au Canada et l’enquête la plus élaborée, tous pays confondus, sur le sujet. "Les techniques diagnostiques utilisées pour la réalisation de notre recherche étaient très élaborées. On a tout d’abord fait remplir des sondages aux parents. Lorsqu’un parent déclarait que son enfant mangeait des arachides sans jamais avoir eu de réaction, cet élève n’était pas testé. Par contre, pour les autres enfants, on a effectué des prises de sang et des tests d’allergies. Notre équipe a aussi donné des aliments contenant de l’arachide mais également des placebos aux enfants."

Les travaux réalisés antérieurement en Europe et en Amérique du Nord avançaient un taux de prévalence n’excédant jamais 1 %. La prévalence étant en fait le nombre de cas existants d’un problème de santé publique. Les résultats de l’enquête effectuée par Kagan et Clarke instituent la prévalence à 1,5 %. "Cela veut donc dire que dans une école de 1000 élèves, 15 personnes vont souffrir d’allergie aux arachides", explique Rhoda Kagan. Divers organismes comme l’Association québécoise des allergies alimentaires ont collaboré à cette vaste étude. Les résultats de la recherche n’ont par contre pas surpris Claire Dufresne, directrice de cette association et mère de deux enfants souffrant d’allergies alimentaires: "Cette étude confirme ce qu’on dit depuis quelques années, c’est-à-dire que l’allergie à l’arachide constitue un véritable problème de santé publique. Environ 90 % des décès liés aux allergies alimentaires concernent l’arachide. C’est très important de prendre l’allergie à l’arachide au sérieux."

Les causes des allergies
Ce sont les protéines qui constituent la substance allergène dans l’arachide, comme pour tous les autres types de noix d’ailleurs. Outre les protéines contenues dans les noix, des prédispositions biologiques peuvent s’avérer un facteur qui favorisera le développement d’une allergie. D’après des statistiques avancées par l’Association québécoise des allergies alimentaires, un enfant a 30 % de risque de souffrir d’allergies si un de ses parents est lui-même allergique. Ce taux grimpe à 80 % si les deux parents en sont affectés. Ces chiffres traduisent bien la situation d’Éric Vézina, qui souffre de diverses allergies dont à la salive animale, et de son fils Nicolas, 7 ans, qui est allergique aux arachides et aux noix de Grenoble. "Nicolas a commencé ses allergies à l’âge de 3 ans. Après avoir mangé une toast au beurre d’arachide, il a dû monter rapidement à l’hôpital parce qu’il avait des plaques rouges sur le corps", relate son père.

Les symptômes d’une allergie à l’arachide se manifestent de diverses manières. La plupart du temps, des rougeurs apparaissent sur la peau. Par contre, les réactions peuvent être plus sévères et se traduire par des enflures au visage, des vomissements ou encore des crises respiratoires. "Il est très difficile de prévoir la gravité d’une allergie à l’arachide. Une personne peut avoir une réaction sévère la troisième fois qu’elle va manger une arachide, alors que pour une autre, ça va être la première. Une personne à risque doit donc éviter complètement cette sorte de noix", recommande le docteur Kagan.

Bien qu’il y ait présentement quelques traitements à l’étude, la principale médication disponible actuellement pour traiter les réactions allergiques est l’épinéphrine qu’on injecte dans le muscle de la cuisse ou de la fesse de la personne malade. "L’épinéphrine est en fait de l’adrénaline, explique le docteur Kagan. C’est très efficace si elle est injectée moins d’une heure après une réaction allergique, mais au-delà de ce temps, les symptômes vont empirer. Il est donc très important de toujours avoir un auto-injecteur avec soi, que ce soit à l’école, à la plage ou en patins." Les Vézina n’ont pas encore eu à utiliser de l’adrénaline pour le petit Nicolas parce qu’ils sont extrêmement vigilants concernant tout ce que mange leur enfant. D’ailleurs, avant de goûter une nouvelle sorte de noix, Nicolas doit aller passer des tests d’allergies chez un allergologiste. Malgré toutes les précautions prises par ses parents, d’ici un mois, l’enfant de 7 ans trimballera tout de même son auto-injecteur d’épinéphrine avec lui. "Quand une réaction allergique peut être fatale pour ton enfant, il n’y a pas de risques à prendre. Pour Nicolas, ce n’est pas une responsabilité contraignante de devoir avoir son auto-injecteur avec lui. Il est très renseigné sur le fait que les arachides sont très dangereuses pour sa santé. Par exemple, s’il va chez toi pour manger, la première chose qu’il va demander, c’est s’il y a de l’arachide dans la nourriture que tu veux lui donner. Même s’il fait très attention à ce qu’il mange, je dois parfois faire des tests. Je lui demande s’il veut du beurre d’arachide et il me répond: "Bien non papa, je n’ai pas le droit d’en manger!""

Répercussions de l’étude
Cette enquête permettra de créer de nouveaux traitements mais également d’élaborer des moyens pour prévenir les allergies. Ces actions sont pertinentes parce que bien que 20 % des personnes allergiques à l’arachide puissent perdre cette intolérance au cours de leur vie, 80 % la garderont. Même si Rhoda Kagan est satisfaite de la présente recherche, elle pense déjà à répéter l’exercice dans quelques années. "Comme les allergies en général sont en hausse présentement, ça vaudrait la peine de refaire cette étude dans cinq ans pour voir si la prévalence de l’allergie à l’arachide sera plus élevée qu’aujourd’hui."

Site de l’Association québécoise des allergies alimentaires: www.aqaa.qc.ca