Jean-Yves Fréchette : Pédago-geek
Société

Jean-Yves Fréchette : Pédago-geek

Jean-Yves Fréchette est de ceux qui croient fermement que la littérature a sa place sur Twitter. Rencontre avec le fondateur de l’Institut de twittérature comparée de Québec.

Toute sa vie, Jean-Yves Fréchette l’a passée à partager son goût pour la littérature. Comme professeur au Collège François-Xavier-Garneau de Québec, mais aussi en tant que fondateur de la Centrale textuelle de Saint-Ubalde où il a multiplié les extravagances, dont une mémorable sculpture agricole et textuelle longue de 1,6 km.

Au tournant des années 90, l’enseignant – par ailleurs père du Biz de Loco Locass – se pique d’intérêt pour l’informatique encore balbutiante. Il devient concepteur de logiciels éducatifs et collabore à de nombreux projets comme le virtuel et médiéval Village Prologue, sorte de Second Life avant l’heure. "Mon ambition, dit-il, a toujours été de créer de nouvelles conditions d’apprentissage qui suscitent l’enthousiasme des étudiants."

À compter de 2009, il se passionne pour la twittérature, qu’il considère comme la digne héritière de l’Oulipo. "Il s’agit de créer une oeuvre littéraire en partant d’une contrainte spatiale, les 140 caractères. Contrairement aux apparences, ça ouvre des possibilités infinies."

"Pervertir l’outil"

Mais comment concilier la littérature, qui réclame temps et patience, avec les exigences de Twitter, lieu de l’immédiateté par excellence? "En pervertissant l’outil et en ralentissant le flux", s’amuse M. Fréchette avant de se lancer dans un éloge de la lenteur. "La twittérature commande que l’on s’extirpe de la frénésie de Twitter et que l’on prenne son temps, explique-t-il. Je peux prendre jusqu’à une heure et demie pour émettre un gazouillis."

Peu à peu, Jean-Yves Fréchette découvre une véritable communauté d’écrivains gazouilleurs et se lie d’amitié avec le Bordelais Jean-Michel Leblanc, journaliste et twittérateur patenté. Profitant du 50e anniversaire du jumelage entre Québec et Bordeaux, M. Fréchette convainc le maire Labeaume d’organiser en 2012 un festival de la twittérature à Québec. "Trois jours de réflexion jubilatoire!" promet Jean-Yves Fréchette, qui voit dans cet événement une excellente occasion de promouvoir et de diffuser plus massivement la littérature, en particulier auprès des jeunes.

Tweets et ratures

Il n’a pas fallu longtemps à cet ancien enseignant pour pressentir les vertus pédagogiques de Twitter. "Avec Facebook, Twitter, les textos, les courriels, les jeunes n’ont jamais autant écrit qu’aujourd’hui, s’exclame-t-il. Et on cherche encore un moyen de les intéresser à l’écriture?!"

Pour lui, la twittérature est une solution toute trouvée. "C’est une discipline qui demande beaucoup d’efforts et un travail millimétrique sur la langue", explique-t-il avant d’évoquer une expérience menée avec une classe de cégépiens de Québec. "En les faisant travailler sur des textes courts, la tâche leur semble moins difficile; ils parviennent à des productions de très bonne qualité. À force de tels petits succès, les jeunes finissent par se réconcilier avec la langue."

Déplorant que les expériences du genre soient si peu encouragées, il se déclare avec malice "en réserve de la République". Comprendre: tout à fait disponible pour participer, en haut lieu, à une réflexion sur le sujet. À bon entendeur…

www.itc-twitterature.org