Dérapages : Haute vitesse
Société

Dérapages : Haute vitesse

Après ses charges contre la maltraitance des enfants et la surconsommation de médicaments, Paul Arcand donne la parole aux jeunes amants de la vitesse dans le documentaire-choc  Dérapages.

Fidèle à lui-même, Paul Arcand (Les voleurs d’enfance, Québec sur ordonnance) ne met pas de gants blancs pour aborder un problème qui décime en moyenne trois personnes par semaine: l’excès de vitesse au volant. Ainsi, pour nous faire comprendre l’exaltation ressentie au volant suivie du choc de l’accident, a-t-il construit son film à la manière d’un circuit de montagnes russes.

"L’idée de base, c’était de créer des environnements qui sont la réalité de ces jeunes-là, explique le documentariste. Le garage de Drummondville, le Café Campus, les filles qui écoutent Sexy Bitch en auto, etc., parce que je ne voulais pas juste enchaîner des témoignages. Je voulais montrer comment un accident change brutalement le cours de la vie."

Telle qu’illustrée dans Dérapages, la réalité des jeunes de Montréal correspond peu à celle des jeunes en région. "Comme on vit différentes choses, et pas tous au même endroit, je voulais montrer une gamme d’environnements et de conséquences avec comme fil conducteur l’espace maximum que je laisse aux jeunes, avec leurs contradictions et leurs déclarations étonnantes."

Hormis la présence de Jacques Villeneuve démontrant les difficultés de réussir un virage en pleine nuit sous les effets de l’alcool, Arcand n’a pas voulu faire intervenir des experts – qu’il a toutefois rencontrés pour la préparation du film. De fait, il a préféré donner la parole aux jeunes conducteurs, de même qu’aux familles des victimes. Il va sans dire que l’émotion est omniprésente dans Dérapages.

Admettant avoir sursauté plus d’une fois en entendant certains propos, Arcand ne porte aucun jugement envers les jeunes qui se livrent candidement à la caméra. "Je voulais éviter le "ado bashing". Je pense que laisser parler quelqu’un, ça ne veut pas dire être complaisant. En même temps, je voulais les confronter à certains trucs, comme le fait d’être surreprésentés dans les bilans routiers, obtenir leurs réactions."

Parmi les mots qui reviennent le plus souvent dans la bouche des intervenants, adrénaline remporte la palme. "J’ai failli appeler le film comme ça. C’est propre aux gars, mais les policiers m’ont dit qu’ils interceptaient de plus en plus de filles à haute vitesse. Il y a une différence entre l’alcool et la vitesse. L’alcool, au terme d’une soirée, implique un côté irresponsable, inconscient, mais la vitesse, c’est recherché. Il y a une notion du danger qui n’existe pas. Ce qui est fascinant, c’est qu’ils connaissent la grille de points d’inaptitude par coeur et les montants. Les jeunes ont plus peur de perdre leur permis que leur vie."

Alors que plusieurs écoles, incluant des écoles de conduite, organisent des projections pour les adolescents et les futurs conducteurs, Paul Arcand émet ce souhait: "J’aimerais qu’on voie le film en famille, que les parents aillent le voir avec leurs ados. On a souvent le réflexe de dire que si les lois sont assez sévères, ça va être correct. Dans les faits, il y a peu de monde pour les faire appliquer sur le terrain. Une des chercheuses rencontrées m’a dit que toutes les études démontrent que la meilleure façon de diminuer les risques, c’est lorsque les parents contrôlent l’accès à l’auto."