De blogue en blogue littéraire, je navigue, me frappe à des vagues. Ces jours derniers, la vague se dresse devant la préservation de notre langue dans nos publications. Deux blogues : La Lucarne à Luneau et Des pages et des pages, sans lien apparent sauf, peut-être, l’amour du mot dans nos publications écrites ont nagé sur une vague de popularité.
Ce plaidoyer pour la préservation de notre langue dans nos publications ne vise pas les mêmes menaces. À La Lucarne, PG Luneau a fait part, et plusieurs de ses lecteurs ont renchéri, de son agacement devant les expressions « à la française » du dernier album « Un couple d’enfer », le tome 5 de la série à succès Les Nombrils. Tandis que ClaudeL, ce sont les titres anglais sur les couvertures de romans de langue française qui la font souffrir. Celui qui lui a fait le plus mal vient d’une auteure qu’elle admire : Arlette Cousture avec son Petal’s Pub chez Libre Expression. Se rajoute, Charlotte before Christ d’Alexandre Soublière chez Boréal et Négroni on the rocks de Rafaële Germain chez Libre Expression. La blogueuse, elle-même auteure, (dernier ouvrage : Les Têtes Rousses), dénonce cette propension récente à l’option du titre anglais pour des oeuvres de langue française adressée à un public de langue française. Pour ClaudeL, cette auteure de l’Outaouais, ce n’est pas prendre soin de notre langue, c’est se laisser glisser sur une pente dangereuse, la facilité. Plusieurs commentaires ont suivi son billet ; les avis divergent. D’ailleurs, la blogueuse s’est sentie un peu dépassée quand l’auteure elle-même, Arlette Cousture, l’a rejointe via facebook pour s’expliquer, au même titre qu’elle l’avait fait dans le Journal de Montréal.
Pour La Lucarne à Luneau, d’où l’on scrute méthodiquement la bande dessinée c’est « Un couple d’enfer » et ces quelques expressions à la française qui sont passées au crible. Je vous mets en contexte. Cette série Les Nombrils est lue un peu partout sur la planète : en France, en Belgique, en Suisse, elle a également été traduite en anglais, en irlandais, en espagnol, en tchèque et en une demi-douzaine d’autres langues. « La plupart de nos lecteurs n’ont aucune idée du fait que nous sommes Québécois. Même qu’une très grande partie n’a jamais entendu de leur vie l’accent québécois » a déclaré Delaf. Le dessinateur a généreusement exposé la manière de travailler le texte, à lui et à sa conjointe, Maryse Dubuc, responsable du scénario. Leur popularité est si grande en Europe que le couple d’auteurs (vrai couple dans la vie !) doit soupeser chaque expression afin qu’elle passe autant ici qu’en France. Quand on fait de l’humour, précise Delaf, la rythmique doit rouler au troisième de tour, on ne peut se permettre que le lecteur butte à un mot, ce serait suffisant pour le faire décrocher, ce qui est à éviter à tout prix. Un dilemme de taille pour ce couple qui roule sur la voie du succès à une vitesse affolante, et qui plus est dans une réputée maison d’édition belge, Dupuis (Spirou).
La planète Net est petite car l’écho de la voix de ces blogueurs est parvenu jusqu’aux auteurs. Ce que j’aime avec les blogues c’est qu’on peut difficilement parler dans le dos des autres, ça finit par se savoir ! On se parle maintenant à pleine voix, ce qui donne des discussions riches d’informations, avec une volonté de les vider de leurs rumeurs et de leurs malentendus.
* Dessin d’Émilie de Sept-Îles envoyé dans le cadre d’un concours (17 ans et moins) tenu par Radio-Canada.
Merci Venise de donner écho à mon billet sur les titres anglais de romans pourtant écrits en français et qui s’adressent à des francophones. Ce n’est pas tant que je me sentais dépassée, c’est que je voulais donner mon opinion, juste dire que je ne comprends pas et que je ne suis pas d’accord. Ceci étant fait, je préfère passer à autre chose et non pas essayer de convaincre qui que ce soit.
Moi aussi, Venise, je te remercie de ce billet qui fait une belle part à ma Lucarne, à ma critique du dernier Nombrils… et à l’intéressant débat qu’elle a soulevé!
Je me permettrai d’ajouter que je suis tout à fait d’accord avec le propos de ClaudeL : moi aussi, les auteurs québécois francophones qui donnent des titres «anglo» à leurs œuvres françaises (pour faire plus «in»?!), ça vient me chercher dans les trippes! J’en rajouterais même une couche en soulignant un autre phénomène qui est en train de devenir la norme et qui m’horripile au plus haut point : les chansons anglaises dans les moments tendres des téléséries québécoises!!! Grrrrrrrrr! Je n’en peux plus! Ils ne me feront pas croire qu’il n’y a pas d’assez bons auteurs-compositeurs francophones chez nous!!?? C’est aberrant! Apparences, excellente série s’il en est une, est la dernière en lice, mais combien d’autres s’y sont vautrées au cours des dernières années? Chabotte et fille, le Gentleman, Trauma… et j’en oublie trois tonnes! Parallèlement à ça, je suis tombé sur des chansons françaises dans des séries comme Dre Gray, leçons d’anatomie ou Gossip Girl!! C’est le monde à l’envers!
Oui, elle est bien bonne, Pascale Picard, et tant mieux (ou plutôt tant pis!!) pour elle si elle est plus à l’aise en écrivant en anglais, mais pour l’amour, trouvez-nous d’autres musiques d’ambiance pour nos séries locales!!
Évidemment, je suis bien d’accord avec PG Luneau. Si nos créateurs-réalisateurs de séries, de films n’encouragent pas les créateurs-auteurs de chez nous, qui le fera? Au plaisir de se voir dans un Salon du livre.
Enfin, quelqu’une pour dénoncer la manie des Français de tout angliciser qui s’est propagée au Québec. Comme nos cousins, le snobisme pousse malheureusement les plus cultivés à s’adonner à cet exercice d’anglicisation. En plus des titres des œuvres écrites en français, on note un vocabulaire tout aussi alarmant. Avant de signaler nos emprunts à la langue anglaise, je ne peux passer sous silence le titre du dernier roman, affreux par surcroît, de Dominic Bellavance : Toi et moi, it’s complicated. Quelle horreur ! Je suis un addict de la littérature. Je ne veux pas faire du bashing sur le dos des écrivains, je ne chille pas en les lisant, surtout quand c’est trash. Je suis incapable de me montrer cool à leur égard. Ma playlist de lecture n’a rien du vintage. Comme geek, je consulte de nombreux blockbusters. Que c’est triste de lire des blogs qui ressemblent à tout sauf du français ! Je ne suis pas un mésadapté et encore moins un hipster, mais cette manie m’indispose, même au cinéma en dépit d’un casting éblouissant.
Voici maintenant l’équivalent français des mots soulignés. Le contexte peut modifier le mot à employer.
Addict ou addiction : dépendance, assuétude.
Bashing : dénigrement, salissage.
Chiller : se réjouir.
Trash : répugnant, sale.
Cool : avenant, amène, tolérant, accueillant.
Playlist : liste.
Vintage : rétro.
Geek : internaute.
Blockbuster : site.
Blog : blogue.
Mésadapté : désadapté.
Hipster : sympathisant.
Casting : distribution.
Encore plus de matière à réfléchir. Merci.
Pour les équivalences, j’ai ressenti de la fierté d’en avoir besoin ! Ne pas les comprendre est une bonne manière de ne pas les utiliser, même si la meilleure est de les éviter.
Jadis, dans mon cours de socio 101 au Cégep St-Laurent, mon professeur, Gilles Pelletier, disait que ce qui n’est pas conceptualisé n’existe pas et que ce qui est conceptualisé porte un nom. Pour mémoire donc, et parce que c’est pour moi une obsession, passez-vous le mot… Ces « quelques expressions à la française » se nomment « francismes ». Et oui, à mon avis, les francismes sont aussi dommageables pour notre langue que ne le sont les anglicismes.
Pour la petite histoire, Antidote (mais il n’est pas le seul) défini le « francisme » comme un « québécisme » bien que Wikipédia attribue la paternité du mot à un linguiste allemand… Le mot « hexagonisme » peut aussi être employé, mais il est moins usuel. J’ai jadis eu un échange intéressant avec un Charles Bolduc à ce sujet :
http://www.lire.ca/livres/bolduc/2006/perruchessontcuites.htm#perruchessontcuites
Heureux de vous retrouver ici.
Francisme, n’est-ce pas ? Voici la chose officiellement nommée, ce qui nous sort, projette même, hors de la zone de confort du bavardage.