L’autofiction dans le roman n’a jamais été aussi populaire, il en pleut. Au début de cette tendance, on l’affichait clairement, ne serait-ce que par la mention « récit », maintenant, c’est de moins en moins le cas. Pourtant, il y en a autant, sinon plus. On s’appuie sur le fait, que romancée ou fictive, en autant que nous sommes face à une bonne histoire, c’est ce qui importe. J’adhère volontiers à cette assertion. Mais j’ai réalisé dernièrement que la situation peut devenir délicate.
J’ai lu un premier roman édité aux Éditions David, Quelque chose comme une odeur de printemps d’Annie-Claude Thériault que j’ai commenté au Passe-Mot de Venise. Le livre est clairement identifié « roman » La quatrième de couverture nous présente l’histoire « Le temps qui passe lui apprendra à voir sa famille sous un autre angle : ses parents sont dévastés, sa sœur a une tête de scientifique et son frère est … schizophrène. Après la mort tragique de ce dernier…
J’étais curieuse, comme plusieurs j’imagine le seront, de naviguer avec une famille dont un des membres est schizophrène. Une manière d’arpenter et d’apprivoiser cette maladie qui m’apparait terrible si mal acceptée.
J’ai assez aimé le livre tout en émettant ce commentaire : « J’ai cependant un bémol en ce qui concerne la mort tragique du frère qui arrive trop tôt ».
Quelques jours après ma critique, j’apprends entre les branches que l’auteure a peut-être écrit son roman un peu tôt, que l’événement de la mort tragique de son frère n’était peut-être pas assez digéré. D’entendre que cette histoire était calquée sur un fait vécu a généré en moi un certain malaise. Je me mettais à la place de l’auteure qui pouvait lire que son frère était mort un peu trop tôt, qu’il aurait été intéressant que la problématique se développe plus amplement … C’est presque indécent, vous ne trouvez-pas, en considérant que l’auteure « sœur » aurait aimé, encore plus que moi, que la problématique se développe plus amplement.
On s’entend pour dire que, dans chaque livre, le romancé déborde de vécu et le vécu déborde de romancé. Difficile à couper au couteau. Mais si ce roman avait été présenté comme un récit autofictif, je ne l’aurais pas abordé de la même manière. Il ne faut pas se méprendre, je ne considère pas que j’ai commis un impair, puisque à partir du moment où un texte est présenté comme un « roman », il est exposé à ce que la structure de l’histoire soit remise en questions. Il ne reste qu’à espérer que les auteurs, en collaboration avec l’éditeur, soient conscients d’y être exposé.
Après réflexion et cette anecdote, avoir à publier un texte très près de mon vécu, je l’annoncerais comme tel.
Dame Landry,
Avez-vous vu l’excellent film Storytelling? Si ma mémoire est bonne, la fin de la première histoire, « Fiction », se termine par ces mots très justes d’un professeur de création littéraire qui a violé son étudiante et qui doit faire face à un texte dans lequel elle le dénonce : « Un coup que c’est écrit, c’est de la fiction. » C’est bête, mais c’est ça!
Oups…
J’ai oublié de mettre le lien qui fait que tout le monde sait de quoi je parle :
http://www.imdb.com/title/tt0250081/
Ouf, je peux comprendre le malaise! C’est comme lui dire que sa vie n’était pas tout à fait juste pour faire un bon roman…
Je crois moi aussi que la vérité est payante. Parce qu’on y gagne en sensibilité par rapport au texte, parce qu’on comprend mieux que la réalité n’est pas de la fiction, ou disons pas aussi parfaite…ou parfois plus, ça dépend! 🙂
Belle honnêteté Venise.