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Décoration posthume de Jean-François Lisée

Cyrano-de-BergeracIncroyable. À partir du moment où Jean-François Lisée se retire, les louanges et les appuis affluent.  On va jusqu’à dire que le plus doué s’en va. Cela aurait été agréable à entendre pendant qu’il était encore sur la scène. Cela fait penser au cadavre que l’on encense de qualités, juste parce qu’il est mort. À tout jamais inoffensif. Purifié. Neutralisé.

Même les journalistes si durs à l’égard de Lisée sont surpris, déçus ; ils auraient aimé le voir présent aux débats, entendre par là, qu’il puisse confronter le populaire PKP et, ultimement, le pousser à sortir ses idées du sac. À partir des forums d’opinions, plusieurs commentaires tournaient autour de l’idée « dommage, vous auriez pu incarner les idées, l’expérience, pendant que Pierre-Karl Péladeau est l’homme à l’avant-plan, charismatique sur lequel on peut transposer nos rêves ». Et même plus : « Vous, monsieur Lisée, et ce n’est pas de votre faute, mais vous ne l’avez pas, vous êtes un intello, un peu fendant en plus. Mais votre expérience et intelligence auraient pu être utiles à PKP. Jean-François Lisée, un faire-valoir ? Un instant, n’est-ce pas y aller un peu fort ! À lire ce genre de commentaires, j’ai pensé à la pièce de théâtre Cyrano de Bergerac. L’intelligence de Cyrano incarnée par JFL passant par l’apparence électrisante d’un PKP répétant les idées que JFL lui soufflerait.

Au retour de son congé parental, Jean-François Lisée a constaté que la famille péquiste poussait fort son cri de ralliement devant le messie attendu. Il n’est même pas nécessaire de l’aimer, ni même de l’endosser, en autant qu’il démontre que le Parti Québécois peut être attirant pour le milieu des affaires. On ne pellette plus les nuages, on les achète. On a notre sauveur. On a notre saveur … du mois. Au mieux de l’année.

Avez-vous remarqué ? Pierre-Karl Péladeau agit en gagnant et on lui donne la victoire. C’est une remarquable leçon de vie : on n’a pas à être, paraitre, c’est suffisant. C’est le signal que la société m’envoie. Et ça me trouble, vous ne pouvez pas savoir comment ça me trouble.

Parce que ça ne regarde pas bien en partant. De placer un être dont les fibres d’homme d’affaires ont toujours vibré à « Je suis le boss, le leader, le dirigeant, le chef » a sa part de risque.  Prenez ce samedi, pendant que PKP nolise un avion pour rencontrer des citoyens sur le terrain, trois candidats débattent devant une centaine de militants à l’université de Laval à Québec. Alexandre Cloutier ne pouvait pas y être, mais PKP ne voulait pas y être, occupé à faire cavalier seul. Pourquoi s’exposer à la confrontation ? Pareil pour l’autre débat prévu mercredi le 28 janvier à l’université de Montréal, pourquoi frayer avec « l’adversaire » ? se dit celui dont la notion de compétition a toujours étél’air qu’il respire.

Autour de moi, on ne comprend pas que je n’endosse pas PKP. Comment puis-je refuser cette opportunité de faire l’indépendance ? Parce que la fin ne justifie pas les moyens. Pas pour moi.

Plusieurs disent qu’il nous faut un PKP pour atteindre l’indépendance parce qu’il change l’image du parti. Il faut ce qu’il faut pour se débarrasser de Couillard, quitte à payer le prix de la disparition des nuances, des idées humanistes. On peut tout projeter sur PKP, puisqu’il n’étaye pas ses intentions et n’expose pas ses actions futures. On peut projeter de la puissance sur lui et, pourquoi pas quant à y être, de l’infaillibilité!

Je me méfie des vedettes. Je me méfie des sauveurs. Je me méfie des messies.

Je vis la plus grande défaite qui soit. Pour les 1,000 personnes aux côtés de Lisée, dont je suis.  Pour les au-dessus de 2,000 membres du PQ qui ont signé sa mise en candidature. Pour son équipe qui a travaillé avec coeur quand il a dû prendre son congé paternel en France où réside sa famille. Pour les bien-pensants de ce monde. Et, surtout, surtout, pour les quatre candidats de la course : Bernard Drainville, Martine Ouellet, Alexandre Cloutier, Pierre Céré.

Ma mère m’a toujours dit, si tu t’interroges sur ce que tu dois faire ou non, à savoir si c’est pour le bien commun ou non, imagine-toi que les autres font la même chose que toi : qu’est-ce que ça donnerait ?Eh bien, cette fois, si tous les candidats faisaient la même chose que Jean-François Lisée, ça donnerait le couronnement de Pierre-Karl Péladeau comme s’il s’agissait d’un roi.

Et, ça adonne que je ne crois plus à la légitimité de la royauté.

– – – Voici un texte rédigé après le mien, et que j’aurais pu tout aussi bien écrire, mais avec beaucoup moins de crédibilité que l’ex-politicienne : Rita Dionne-Marselais – – –