Restos / Bars

Auberge Le Saint-Gabriel : Le paquebot d'Éric

Nouvellement rénové, l’Auberge Le Saint-Gabriel déploie ses atouts: des plats concoctés par le grand Éric Gonzalez et une déco drôle et provocante qui ne laisse personne indifférent…

Depuis janvier, l’Auberge Le Saint-Gabriel a subi une cure de jeunesse, cure qu’elle doit à son trio de propriétaires, Marc Bolay, Garou et Guy Laliberté. Ces derniers, on s’en doute, n’ont pas lésiné sur les moyens pour hausser cette vénérable institution de 1754 parmi les tables les plus courues en ville… et l’une des plus originales côté déco! Visionnaires, ils en ont confié le design à Bruno Braën (à qui on doit la déco des Club Chasse et Pêche, Pullman et DNA) et les cuisines, au réputé chef Éric Gonzalez (dont on a pu auparavant apprécier la cuisine aux restos Lutetia, Cube, Ferreira et Laloux).

Dès qu’il a franchi la porte, le client est interpellé par une gigantesque colonne vertébrale de baleine éclairée de façon théâtrale. Ensuite, le regard se pose sur deux rigolos petits fauteuils recouverts d’un tissu de courtepointe. Au bar, certains tabourets sont recouverts par une veste de chasse dont une touffe de poils sort du col. Le ton est donné. Mais le clou demeure cette lampe, constituée de deux orignaux empaillés sans têtes et fusionnés par le cou… Certains clients ont du mal avec cette image. J’en suis.

Côté salle à manger s’offrent à la vue un immense frigo où sont suspendues des pièces de viande en processus de vieillissement contrôlé, une rôtissoire où tournent de jolis poulets dorés et un âtre où rougeoient des braises vives. Les tables sont de bois solides, de style réfectoire, une invitation à faire ripaille.

On l’aura deviné, Le Saint-Gabriel faut honneur à la viande, au gibier et à nos racines de chasseurs, tout en relatant l’histoire du Québec avec humour et un brin d’irrévérence.

À table!

Et comment le chef s’en tire avec cette thématique? Très bien, merci. Ce qu’il propose au Saint-Gabriel, son nouveau domicile professionnel qu’il surnomme "Le Paquebot" (une salle à manger, trois salles de banquet, in bar, une disco), oscille entre le côté rustique du Québec et le raffinement de la gastronomie contemporaine. Il réussit à maintenir un parfait équilibre entre les deux. Comment? Voyons voir.

En entrée, il a concocté entre autres une soupe de concombre, avocat et pomme verte qu’accompagnent de petits carrés de saumon de l’Atlantique marinés à l’aneth et enroulés sur des grissini. Cette soupe, tout à fait de saison, est rafraîchissante, parfumée, raffinée sans être guindée. Il y a aussi une crevette géante dont les compagnons sont une croquette de cochon, des asperges cuites et crues, une vinaigrette à l’huile de truffe et émulsion de crustacés. Un plat complexe, équilibré, vraiment succulent.

Pour les plats principaux, on a la dure tâche de choisir entre des viandes ou des poissons grillés sur la braise, du poulet fermier issu de la rôtissoire ou des plats plus travaillés en cuisine. Côté braise, l’entrecôte 350 grammes vieillie 30 jours constitue un choix éclairé. Goûteuse et présentée selon la cuisson désirée, elle est déposée sur un lit de bette à carde coupée en brunoise, et assaisonnée de tomates, olives et pousses de basilic. Elle est accompagnée de délicieux hauts de côte braisés au vin rouge. Il va sans dire que la portion est prévue pour satisfaire l’appétit d’un homme qui revient de la chasse…

Côté cuisines, la morue charbonnière est un must… D’une tendreté sans égale, la pièce trône au centre d’une sauce poulette à la texture mousseuse comme de l’écume de mer. Son goût fin est rehaussé par une garniture façon paëlla (chorizo, calmars, moules, safran). Un pur délice qui restera longtemps gravé dans ma mémoire.

Petites douceurs

Les desserts sont signés Isabelle Leroux, une pâtissière de talent que Gonzalez a prise sous son aile. Sa verrine de crème onctueuse aromatisée à la verveine est accompagnée d’une confiture à la framboise dont on tartine des sablés bretons. Son mi-cuit au chocolat, crumble aux noisettes, orange confite et glace au Bailey’s est une vraie gourmandise. Les deux s’engouffrent à la vitesse de la lumière tellement ils sont bons.

Emballant /

La générosité des plats, l’équilibre entre rusticité et raffinement, autant du côté de la bouffe que de la déco.

Décevant /

Les braises vives ne servent qu’à marquer les viandes. Le look de la cuisson aux charbons de bois est là, mais son goût caractéristique n’y est pas.

Combien? /

Le midi, table d’hôte incluant trois services: entre 19 $ et 28 $. Le soir, comptez 115 $ pour deux, avant vin, taxes et service.

Quand? /

Ouvert du mardi au vendredi, midi et soir, et le samedi soir.

Où? /

Auberge Le Saint-Gabriel
426, rue Saint-Gabriel, Montréal
514 878-3561; www.lesaint-gabriel.com