Ceci est un article sur Apollo, Ceci est un livre de cuisine, le tout premier livre de recettes du cuisinier Giovanni Apollo. Une espèce d’anti-trahison des images de Magritte, car ceci est réellement un livre de recettes, et dans sa forme la plus épurée s’il vous plaît. L’idée? Trente aliments choisis, présentés par ordre alphabétique et déclinés en six ou sept recettes supposément réalisables en un tour de main.
"Je trouve que beaucoup de livres de cuisine relèvent davantage du livre d’art. Avec Apollo, je poursuivais trois buts", lance le médiatisé chef du restaurant Apollo 11,5. "D’abord, je désirais faire un livre de recettes qui engage un dialogue avec les gens. C’était important pour moi de jeter les bases d’un véritable échange. Ensuite, je ne voulais pas transformer la réalisation d’une recette en destination, c’est-à-dire proposer des trucs impossibles à faire. Enfin, après trente ans en cuisine, j’avais besoin de faire le point, de rassembler mes idées, quoi."
Élève de Paul Bocuse puis stagiaire à la Maison Troisgros, celui que l’on surnomme le plus français des chefs italiens s’éclate au Québec depuis treize ans maintenant. Connu et reconnu pour son service-traiteur (Apollo Globe-traiteur), ses nombreuses apparitions dans des émissions de variétés, le cuisinier à la bonne bouille ouvrait l’an dernier son resto aux portes de la Petite Italie. Tout de suite, la formule simple et diablement gourmande de "variations sur un thème" lui a attiré des critiques enthousiastes.
DE A À… Y
Le lien entre le restaurant et le livre d’Apollo est évident. D’abord, on retrouve au 6389, boulevard Saint-Laurent une ardoise sur laquelle figurent uniquement les aliments du jour, et non les plats. Dans Apollo, Ceci est un livre de cuisine, les ingrédients aussi sont rois: une grande lettre marquant le début de chacune des sections annonce les déclinaisons sur l’agneau, le basilic, la carotte, la fraise, etc. "Je voulais que les gens puissent se servir de ce qu’ils ont dans le frigo. Ceux qui cuisinent peu ont souvent peur de sortir des deux ou trois classiques qu’ils maîtrisent. En partant des ingrédients qu’ils connaissent et en proposant des étapes simples, je pense pouvoir intéresser un large public à la cuisine."
Dans les 200 pages de l’abécédaire gourmand (se terminant à Y pour yogourt), comme dans l’établissement noir et blanc du boulevard Saint-Laurent, on retrouve un mélange étonnant de pureté et de chaleur. Les photos, signées Maurice Richichi, évoquent le confort et la bonne chair, tandis que l’aspect très graphique des sublimes gribouillis de Jeffrey Rosenberg (qui ornent d’ailleurs les murs du Apollo 11,5), traduisent le souci du détail et les bons goûts du chef. "J’adore ce que fait Rosenberg et ça se voit partout dans le restaurant. C’est lui aussi qui a fait l’identité corporative d’11,5." En fait, l’histoire d’amour entre l’artiste et le cuisinier s’illustre ici de manière encore plus éloquente. "Il ne m’a pas dit qu’il faisait mon portrait. Il a fait parvenir l’illustration directement à mon éditeur!" Résultat: les traits joviaux et tout en rondeur du chef se retrouvent sur la page couverture du livre, autrement immaculé.
LE MOT DE LA FAIM
Pourquoi cette obsession pour la simplicité? "Je veux que les gens s’intéressent à ce qu’ils mangent", lance le chef, le regard pétillant, intense. "Je trouve que l’on se perd en ce moment. On mange parce que l’on est obligé, souvent en se souciant très peu de ce que l’on ingurgite. Les familles ne se réunissent plus pour partager un repas. Pourtant, ce sont les moments à table qui forgent les meilleurs souvenirs. Mais pour créer ces moments, il faut prendre le temps de cuisiner… et de déguster ensemble. Et si l’engouement pour son livre et la fièvre du do-it-yourself gagnaient tous les ménages, au point où tous déserteraient les restos? "Tant mieux! J’irai aider les gens chez eux!" s’esclaffe Giovanni.
Pssst! La rumeur court qu’il a déjà un nouveau livre sur le feu…
Apollo, Ceci est un livre de cuisine de Giovanni Apollo, Les Éditions Transcontinental, 208 p., 29,95 $