Restos / Bars

Le Kerkennah : La maison bleue de la rue Fleury

Pionnier et ambassadeur de la cuisine tunisienne en ville, Le Kerkennah est installé dans le nord de la ville depuis déjà vingt-cinq ans. Il a réussi l’étonnant pari de survivre, et d’initier les Montréalais au couscous. La Tunisie, que l’on confond souvent avec le Maroc et l’Algérie _ en tout cas, question cuisine _, a une gastronomie bien à elle, distincte, tant par ses spécialités que par ses influences. En un sens, plus européenne que ses voisines, elle a emprunté à l’Italie et à la France autant qu’à la Turquie parce qu’elle était sur le chemin des conquérants.

En pleine canicule, ce n’est pas au couscous que l’on se consacre ici, mais aux autres spécialités, originales et tout à fait appropriées pour la saison. Si le cadre ressemble aux clichés habituels _ kilim, cages à oiseaux suspendues au plafond, musique berbère _, on a essayé de recréer une ambiance typique en peignant toute la maison, façade extérieure et tout, d’un bleu intense et joyeux, le même qui recouvre toutes les portes et toutes les fenêtres des villages de ce petit pays. Il faut avouer que, sur la rue Fleury, ça ne passe pas inaperçu.

Au menu, la salade tunisienne, version locale de la niçoise, est un mélange de thon en boîte (de très bonne qualité, par ailleurs), d’olives, de câpres et de menthe, d’oignons, de tomates et de poivrons coupés en dés, arrosé d’huile d’olive et de citron. La méchouia est une salade des mêmes ingrédients, mais grillés. Une entrée plus liquide, le lablabi, qu’on mange souvent au petit déjeuner, et dans laquelle on doit briser des morceaux de pain, se compose de pois chiches dans un bouillon fortement aromatique et plutôt léger, au parfum de cumin et de coriandre. Par une soirée chaude, rien ne rafraîchit autant. Les bricks _ au thon et aux crevettes _ sont exquis, croustillants et bien chauds. On doit manger ces triangles de pâte en les tenant par les bouts, afin de ne pas faire couler l’ouf à peine cuit. Naturellement, nous n’y arrivons pas et en mettons partout, mais l’exercice est merveilleusement sensuel. Trempé dans une sauce harissa faite maison, un peu piquante mais pas trop, ce snack reste l’un de mes préférés. On trouve aussi l’ojja, une sorte de ratatouille de courgettes, de tomates et de poivrons cuits à l’étouffée avec de la merguez, et mélangée à de l’ouf légèrement brouillé: simple, élégant et succulent avec du pain. On propose naturellement le couscous, mais par cette chaleur, mieux vaut attendre le temps frais. Les douceurs à l’amande, aux dattes et à l’eau de rose sont faites sur place, et sont excellentes dans leur genre. Voilà une bonne petite maison qui a fait ses preuves et qui continue d’enrichir le paysage exotique montréalais. L’addition ne dépasse pas 50 $ à deux, taxes et service compris, avec même un peu de vin.
Le Kerkennah
1021, rue Fleury Est
Tél.: (514) 387-1089

Kamela
Si l’on y propose de la pizza avec une canette de coke _ livrée à domicile sur le Plateau _ et si l’on y fait aussi la pasta, c’est surtout par son couscous que cette petite gargote sympa se distingue. Et par son brick à l’ouf, l’extraordinaire snack tunisien, inventé par les Juifs de la banlieue de Tunis. C’est pour ce beignet de pâte frite que j’y retourne, moi. On ne s’en lasse pas, même par temps chaud. On le sert ici avec une petite salade de tomates et de poivrons pour un repas économique et original. On peut aussi prendre quelques salades _ demandez à ce que l’on vous fasse la méditerranéenne, faite de tomates fraîches, d’oignons, d’olives, de menthe et de coriandre. Dans un cadre sympa et pas savant, mais tunisien tout de même. Ça nous change des snack-bars poussiéreux. Une vingtaine de dollars à deux, taxes et service compris, avec un grand sourire et une gentillesse toute proverbiale.
Kamela
1227, rue Marie-Anne Est
Tél.: (514) 526-0881

Amuse-gueule
On peut apprendre l’histoire de la cuisine, de l’Europe à l’Asie, dans L’ABCdaire des épices publié chez Flammarion. Dans cette plaquette simple et fascinante, on apprend l’histoire de ces essences précieuses qui ont changé le monde _ et surtout la façon de préparer les aliments à travers la planète. Après tout, ça nous a pris des centaines d’années de commerce et la découverte d’un nouveau continent avant de se constituer un garde-manger épicé. Curieusement, l’Europe _ et surtout la France et l’Italie _ consommait beaucoup plus de plats épicés il y a cinq cents ans que maintenant. On dit que la cuisine médiévale européenne ressemblait un peu à la cuisine indienne d’aujourd’hui. Au XVIIe siècle, on a tout simplement abandonné l’usage des aromates et du sucre dans la cuisine et favorisé les herbes fraîches. Seule l’Angleterre a gardé certains usages médiévaux de mêler épices, miel et sel dans certaines spécialités comme le mince meat ou le pudding de Noël. Excellente lecture estivale, ce petit abécédaire se vend à fort bon prix et se glisse facilement dans la poche d’un veston.