Restos / Bars

Berlin : Cousins germains

En Allemagne, on aime la cuisine costaude; le Berlin respecte cette tradition avec un menu où la viande tient le haut du pavé. Pour estomacs solides et amoureux de choucroute  seulement.

Il faut avoir un sacré culot pour ouvrir un resto allemand en ce règne du léger et de l’allégé, où le mot «diète» fait partie du vocabulaire quotidien; car la cuisine allemande ne gagnera jamais de prix de légèreté, ni d’originalité d’ailleurs. Le fait qu’elle n’ait guère changé depuis des centaines d’années, et qu’elle ait repoussé les influences étrangères, est la preuve qu’elle est un symbole d’orgueil et de résistance culturelle.
Avant la chute du Mur, la cuisine allemande présentait un certain intérêt, disons… exotico-historique. Aujourd’hui, on la reléguerait aisément aux oubliettes de la cuisine ethnique. Comme disait un grand cuisinier du siècle dernier à son propos: «Do or die!» Change ou meurs! Mais ce serait passer à côté de la question, car le restaurant Berlin, ouvert dans les années quatre-vingt puis fermé avant la réunification, est passé du cabaret-resto où prévalait un sturm und drang culinaire à un bistro du Lac-Saint-Jean, puis à un resto français, avant de redevenir le Berlin dans une version à peine amaigrie. Comme preuve de persistance, on peut difficilement faire mieux.
Le cadre a changé depuis sa première incarnation néo-brutaliste: atmosphère bistro qui donne l’air d’avoir toujours été là; drapeaux; affiches modernes; fausse fenêtre couverte de faux panneaux du mur graffité; musique qui hésite entre le folk germanique, le bavarois et Kurt Weill; et un décor presque simpliste, le tout agrémenté d’une ambiance amusante et confortable.
À étudier la carte, on s’aperçoit bien vite que le végétarisme n’est pas une habitude germanique – même si on a inséré au menu un plat entièrement végétal pour accommoder les ennemis de l’État. Un Allemand préférerait probablement jeûner plutôt que de faire un repas sans viande. C’est là l’héritage de ce pays de chasseurs, qui a déjà fait dire à un nonce apostolique en visite en Allemagne «qu’un Germanique mangeait cinq fois plus qu’un Italien»! La carte propose donc plusieurs versions du schnitzel (des escalopes de veau ou de porc, panées t frites), un wurstplatte (des saucisses), du rôti de porc, du goulasch et quelques autres spécialités vaguement pittoresques, toutes accompagnées de choucroute ou de chou rouge aigre-doux, de pommes de terre sautées ou en dumplings (dures à avaler), d’une salade et de schnaps aux pommes – offert avec chaque repas, sans doute pour concourir à la déglutition de tout cela.
En guise d’entrée, les boulettes de viande bien croquantes et savoureuses sont servies avec un condiment aigre fait de ketchup et d’une pointe de curry. La soupe aux quenelles de boeuf est préparée à partir d’un bouillon commercial, fade et beaucoup trop salé – un leitmotiv à ce resto. En plat, le schnitzel de porc à la gitane est servi avec un sauté de légumes assez pimenté – poivrons, carottes, oignons -, un beau contraste avec cette viande cuite sans assaisonnements. Quant au rôti de porc, il ne mérite pas l’appellation «rôti» puisqu’il a été braisé au jus avant de finir au four, et que sa chair, archicuite, se désagrège presque. Servie en charpie, cette viande est noyée sous une sauce brune épaissie à la fécule, insipide, dense et ennuyeuse qui me rappelle ces sauces industrielles qui accompagnent parfois les frites. Après une ou deux bouchées, je me contente du chou rouge et de la choucroute, ce qui fait dire à mon compagnon de table que je ne suis pas taillé pour la vie en forêt. Au dessert, je me dérobe au gâteau de la Forêt-Noire, qu’on m’assure confectionné selon la recette authentique – et non pas dans sa version Wal-Mart que l’on connaît ici. Je choisis plutôt une petite gâterie que le serveur est bien incapable de baptiser, mais qui termine bien ce repas. Crémeux, chocolaté, fin et absolument pas allemand, ce petit gâteau est fait dans une pâtisserie «de banlieue».
La bière convient davantage à cette gastronomie de bûcherons que le vin, mais on offre quelques sympathiques crus du Rhin, de la maison Deinhart surtout, qui procurent une agréable surprise tant par leur finesse que par leur élégance. Pour manger dans ce resto un peuanachronique, dont la cuisine manque légèrement de fini, il faudra compter 30 $ pour deux avec les taxes et le service, mais avant le vin ou la bière.
Berlin
101, avenue Fairmount Ouest
270-3000

Amuse-gueule
Pour beaucoup de gens, professionnels ou non, le Guide Michelin est le modèle qui gouverne les disciples de la haute cuisine française. Ce petit Guide rouge créé en 1900 – presque en même temps que l’automobile -, et destiné à guider les voyageurs, attribue des étoiles (une à trois) aux meilleures tables de France (et maintenant du monde) depuis 1923. C’est la référence absolue en matière de talent, de rigueur et d’originalité.
L’édition no 100 innove cette année en ajoutant du texte (juste un peu tout de même) aux habituelles chroniques austères et exclusivement iconographiques. Si vous préparez un voyage en France dans les mois qui viennent, il faut absolument vous le procurer.
Autrement, puisque le Michelin fait désormais partie de l’histoire, vous pouvez aussi faire la lecture du très beau livre de Jean-François Mesplède, Trois Étoiles au Michelin (Gründ), qui raconte l’histoire de la gastronomie française du XXe siècle via le petit livre rouge. Extraordinaire! Pour les autres, le site www.michelin-travel.com donne la liste des nouvelles stars de cette année et beaucoup d’information supplémentaire.