Restos / Bars

Sofia : La grande classe

Attention: ce restaurant n’en est peut-être pas un. Il peut prendre l’allure d’un bar, ou même d’une discothèque si le coeur (et les oreilles surtout) vous en dit. En plein coeur, justement, du Plateau branché où pizza, pâtes, portes de garage et tout ce qu’il y a d’italien en ce bas monde règnent en grand nombre, le Sofia a pourtant un nom d’origine grecque, associé à une capitale nationale. Je vous laisse deviner laquelle sans révéler qu’il n’y a aucun rapport entre sa toponymie et le type de cuisine qu’on y sert.

Attention: ce restaurant n’en est peut-être pas un. Il peut prendre l’allure d’un bar, ou même d’une discothèque si le coeur (et les oreilles surtout) vous en dit. En plein coeur, justement, du Plateau branché où pizza, pâtes, portes de garage et tout ce qu’il y a d’italien en ce bas monde règnent en grand nombre, le Sofia a pourtant un nom d’origine grecque, associé à une capitale nationale. Je vous laisse deviner laquelle sans révéler qu’il n’y a aucun rapport entre sa toponymie et le type de cuisine qu’on y sert. Mais ce qu’on y trouve, ce sont des cellulaires par dizaines, chaque table étant garnie de ces engins qui sommeillent jusqu’à ce qu’ils participent au tintamarre général qui, de toute façon, couvre tous les autres sons incluant ceux de notre conversation. On se limite donc à regarder les très jeunes serveurs – tous fort beaux et inexpérimentés – et les filles habillées comme des courtisanes du futur, jupes en lamé serré et très sexy. Les mecs en tenue Gap, tout aussi ajustée, du reste. Ah! l’idée que l’on se fait de l’Italie en ces lieux!

Néanmoins, chez Sofia on mange bien, très bien même. Une cuisine fraîche, techniquement solide. Comme quoi on peut maintenant envisager un bon repas raffiné ou léger dans un refuge du m’as-tu-vu. Mais on doit se soumettre au plus sérieux test de tolérance qui soit: le bruit! La musique techno plutôt, ce qui équivaut à la même chose en ce qui me concerne. En mangeant, cela me laisse l’étrange sensation de ne pas pouvoir avaler normalement, comme si l’oesophage était bloqué. On me dit que l’endroit est jeune et conçu pour les jeunes et que c’est ce qu’ils veulent. Les serveurs me répondent même qu’ils ont l’habitude. Je crois qu’ils sont complètement sourds!

Mais tout le monde a l’air de s’amuser follement dans ce beau repaire, décoré dans les tons de jaune orange, de bois foncé, de matières plastiques, de verre et de cuir où des ordinateurs servent de relais entre les cuisines – ouvertes – et la salle qui, du reste, se fiche pas mal de voir c qui se trame derrière les fourneaux. Le lieu, nul doute, est pimpant et très tendance. La présence d’une console comme au Spectrum, des haut-parleurs affolants, et de larges fenêtres donnant sur la Main aident sûrement à sa popularité.

La carte fusionne allègrement les origines des plats – mais avec un ascendant méditerranéen – sans mêler inutilement les ingrédients. Ce qui révèle un instinct plutôt moderne, dans le même esprit que les restos Spoon d’Alain Ducasse, où l’on juxtapose des plats de plusieurs cultures tout en respectant les saveurs de chacun. Les chefs du Sofia le font bien. Chaque proposition est présentée admirablement dans de grandes assiettes, tant la galette de crabe haché déposée en cercle sur de la polenta encore un peu humectée et garnie d’un concassé de tomates absolument succulent, que la salade niçoise faite avec du thon frais, imprégné du goût de fraîcheur iodée qui fait défaut au thon en conserve. Cette entrée classique, qui ne comprend pas de légumes cuits dans sa version régionale habituelle, mais ne compte pas non plus de thon dans les restos chic, est préparée comme la font plusieurs pros, avec ce trio de tomates, de pommes de terre et de haricots verts cuits à l’eau, auxquels on ajoute ici des olives noires. Comme plats principaux, nous avons choisi des pâtes et une pizza, tous deux parfaitement réussis. Une pizza simplissime aux pommes de terre tranchées fines comme du papier, aux oignons caramélisés, à l’huile d’olive et au sel de mer est malicieusement allégée et évoque presque la foccacia tant la croûte est délicieuse, presque briochée. Dans la section pâtes, on propose des choses qui font envie et qui respectent l’idée classique de la pasta: peu d’ingrédients, tous ultra frais. Prenez les penne all’arrabiata, il ne pourrait y avoir de sauce plus zen dans la cuisine italienne, des tomates fraîches, de l’ail et du piment fort noirci dans l’huile d’olive, puis basta! Pourquoi est-ce si difficile d’en manger ailleurs d’aussi succulentes qu’ici? Parce qe les produits ne sont pas toujours de bonne qualité, alors que les sauces qu’on nous propose au Sofia sont irréprochables et le chef fait même une petite entorse en ajoutant une simple cuillère de tapenade en garniture. Côté dessert, rien à redire du riche et réjouissant gâteau praliné, à la croûte à la fois fondante et craquante de sucre caramélisé.

Bel endroit, belle cuisine, belle carte des vins, bon café: on est dans un temple consacré au charme (et à la musique forte), version boulevard Saint-Laurent. Quant au personnel, qu’on a manifestement pas embauché pour sa grande expertise, mais pour d’autres vertus reconnues dans ces lieux de séduction, quoi dire: il est assez affable et contribue au look de l’endroit. Comptez 60 $ pour deux, taxes et service compris, avec deux verres de vin californien.

Sofia
3600, boulevard Saint-Laurent
Tél.: (514) 866-8690