Restos / Bars

Les Frères de la Côte : Revenir chez soi

Les Frères de la Côte, c’est un refuge à l’abri du temps, en marge des modes culinaires. Dans cette bruyante salle à manger, propice à la fête, la cuisine aussi est une clameur.

C’est un peu comme rentrer à la maison après un long voyage. Je ne suis pas venu ici depuis des années, et presque rien n’a bougé. Là, il y a toujours cette enseigne de La Nouvelle-Orléans qui accroche l’oeil, tandis qu’à l’autre bout de la salle, les cuivres d’un big band fantôme ont figé depuis longtemps leur défilé. Dans l’aire ouverte des cuisines, la brigade concocte la même bouffe réconfortante, farcie de souvenirs.

Tartares, foie de veau, pizzas, calzone, pâtes, ratatouille niçoise, osso buco, pissaladière, bavette de cheval, pavé de saumon grillé, confit de canard, côtes d’agneau, gigot…

Sophie sourit en levant les yeux vers les cuisines. Elle aime ces chapeaux de paille sur la tête des cuisiniers qui disent la bonhomie et la simplicité de ce resto où l’on vient faire ripaille, trinquer et parler fort.

Le serveur ne me reconnaît pas, mais moi, je me souviens de sa moustache. Cela doit bien faire 20 ans qu’il assure le service aux tables ici, et il n’a rien perdu de son efficacité ni de son humour.

Preste, il navigue à travers les convives, très nombreux en ce mardi soir, alors que le Vieux-Québec s’est délesté de ses touristes et qu’il devient ainsi vivable. Agréable, même.

Ce que nous prendrons? Un peu de l’ardoise du moment, un peu du menu permanent. Pour commencer: gratin de pleurotes et pommes au brie pour moi, chausson Saleya pour elle. Deux bons choix, copieux, qui confirment que mon souvenir n’était pas enjolivé par la nostalgie: il me semble même qu’on fait encore mieux les choses qu’autrefois. Comme si l’on soignait juste un peu plus les présentations, les assaisonnements. Bref, nous sommes ravis. Le gratin déroule en bouche une succession de fraîcheur et de gras, de salé et de sucré, de textures le plus souvent moelleuses. Le chausson est immense. Sa pâte tressée, lorsqu’on la fend, révèle des épinards mêlés au chèvre… Nous devons nous retenir de ne pas tout engloutir, sinon il en sera fini de notre appétit.

D’autant que nous avons auparavant jeté notre dévolu sur le pain chaud (fa-bu-leux) et des frites dorées, parfaites.

Ma Stella éclusée, nous commandons du vin. Saint-chinian pour moi, madiran (Torus) pour elle. Sophie n’était pas certaine de son choix, le serveur s’est empressé de lui faire goûter l’autre cépage vers lequel son envie tendait. Non, ce sera bien le Torus finalement. Merci pour la dégustation. C’est ce genre de détail qui fait la différence.

La suite déboule. Son jarret d’agneau provençal et ma joue de boeuf braisée sont accompagnés d’une montagne de légumes cuits à la perfection. Croquants, ils embaument juste ce qu’il faut l’ail. Le jarret s’effeuille aussi naturellement qu’une strip-teaseuse tandis que nous pigeons ensemble dans l’assiette. N’allez pas croire que je boude ma joue de boeuf qui comble un grand ramequin, sous forme d’un ragoût à la bourguignonne. La viande se dissout sous la dent, le mélange est tout à fait délectable… Mais le jarret est exceptionnel, assaisonné à la perfection. Chacun des filaments de sa viande parfaitement braisée exhale un peu du réconfort nécessaire quand l’hiver traîne la patte.

Au moment du dessert, un souvenir me revient, mais trop tard. On fait ici une extraordinaire tarte aux pommes qu’il faut cependant commander une vingtaine de minutes à l’avance. Ce sera pour la prochaine fois, dans un futur que j’espère rapproché.

Emballant /
La qualité des produits, des assaisonnements et du service. L’ardoise qui change au gré du temps tandis que d’autres classiques restent à la carte, formant un équilibre parfait entre nouveautés et valeurs sûres.

Décevant /
Les oreilles sensibles finiront par trouver le bruit un peu pénible à la longue.

Combien? /
Pour trois services, pour deux personnes, 30$ le soir, 15$ le midi (excluant boissons, taxes et pourboire).

Quand? /
À partir de 10h30 la fin de semaine (pour le brunch) et de 11h30 en semaine.

Où? /
Les Frères de la Côte
1190, rue Saint-Jean
418 692-5445